LES MINIATURES DE FOUQUET A CHANTILLY 217
dépaysé; sa facture paraît molle et délayée, son modelé insuffisant ;
il perd, avec sa distinction, ce style aussi ingénu qu’expressif qui
est le meilleur de son talent.
C’est en 1452 que Fouquet était entré en relations avec le
trésorier de France, Etienne Chevalier, un des amateurs les plus
réputés de cette époque, qui allait devenir son fidèle protecteur, et
l’employer presque exclusivement pendant les belles années de sa
pleine maturité. En même temps qu’à la mort de sa femme, Che-
valier confiait à l’artiste l’exécution d’un ex-voto destiné à Notre-
Dame de Melun, où elle était inhumée1, il lui commandait le Livre
cl'Heures qui, outre les miniatures de Chantilly, en contenait au
moins quatre autres, anciennement détachées de l’ensemble pri-
mitif. C’est grâce à l’intervention de M. Lhiplessis que l’une d’elles,
découverte par lui en 1887, a été offerte à la Bibliothèque Nationale
par M. le duc de la Trémoïlle, et qu’une autre, provenant du cabinet
de Feuillet de Conches, a été achetée par le Louvre, qui, avec la col-
lection Sauvageot, était déjà entré en possession d’une troisième,
identifiée par M. Durrieu ; enfin, la quatrième appartient au Musée
britannique. Quant à la suite des quarante miniatures, elle a été
acquise parM. le duc d’Aumale de M. Brentano, de Francfort, qui la
tenait lui-même de son père, auquel elle avait été vendue en
1805, pour un prix relativement minime, par un marchand de Bâle.
Au moment où Fouquet commença ce travail, auquel il devait
consacrer plusieurs années de son existence, il avait déjà vu 1 Italie.
Nul doute qu’avec son organisation si richement douée et sou esprit
si ouvert, le séjour qu’il y fit n’ait exercé sur son développement
une profonde influence. A côté des monuments de l’antiquité nou-
vellement remis en lumière, les chefs-d’œuvre déjà produits parles
précurseurs de la Renaissance ne pouvaient manquer de frapper sa
curiosité et de captiver son attention. Mais si, mieux que sur le sol
natal, il lui a été donné de voir épanouies au delà des monts la
beauté et la grâce d’une nature et d’un art privilégiés ; si, à un
contact aussi fécond, son goût s’est affiné ; s'il a pu profiter des
modèles qui lui étaient offerts pour améliorer l’ordonnance de ses
compositions, le groupement de ses personnages, l'heureuse aisance
de leurs attitudes, le goût de leurs draperies, c’est dans le sens de
I. La Vierge du musée d’Anvers et le Portrait d’Étienne Chevalier, avec son
patron, que nous avons mentionnés plus haut, faisaient partie de cet ex-voto. Ils
ont été reproduits dans Étienne Chevalier et son 'patron saint Étienne, par
M. A. Gruyer (Gazette des Beaux-Arts, 3e pér., tome NV, p. 89).
XVII. — 3° PÉRIODE.
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dépaysé; sa facture paraît molle et délayée, son modelé insuffisant ;
il perd, avec sa distinction, ce style aussi ingénu qu’expressif qui
est le meilleur de son talent.
C’est en 1452 que Fouquet était entré en relations avec le
trésorier de France, Etienne Chevalier, un des amateurs les plus
réputés de cette époque, qui allait devenir son fidèle protecteur, et
l’employer presque exclusivement pendant les belles années de sa
pleine maturité. En même temps qu’à la mort de sa femme, Che-
valier confiait à l’artiste l’exécution d’un ex-voto destiné à Notre-
Dame de Melun, où elle était inhumée1, il lui commandait le Livre
cl'Heures qui, outre les miniatures de Chantilly, en contenait au
moins quatre autres, anciennement détachées de l’ensemble pri-
mitif. C’est grâce à l’intervention de M. Lhiplessis que l’une d’elles,
découverte par lui en 1887, a été offerte à la Bibliothèque Nationale
par M. le duc de la Trémoïlle, et qu’une autre, provenant du cabinet
de Feuillet de Conches, a été achetée par le Louvre, qui, avec la col-
lection Sauvageot, était déjà entré en possession d’une troisième,
identifiée par M. Durrieu ; enfin, la quatrième appartient au Musée
britannique. Quant à la suite des quarante miniatures, elle a été
acquise parM. le duc d’Aumale de M. Brentano, de Francfort, qui la
tenait lui-même de son père, auquel elle avait été vendue en
1805, pour un prix relativement minime, par un marchand de Bâle.
Au moment où Fouquet commença ce travail, auquel il devait
consacrer plusieurs années de son existence, il avait déjà vu 1 Italie.
Nul doute qu’avec son organisation si richement douée et sou esprit
si ouvert, le séjour qu’il y fit n’ait exercé sur son développement
une profonde influence. A côté des monuments de l’antiquité nou-
vellement remis en lumière, les chefs-d’œuvre déjà produits parles
précurseurs de la Renaissance ne pouvaient manquer de frapper sa
curiosité et de captiver son attention. Mais si, mieux que sur le sol
natal, il lui a été donné de voir épanouies au delà des monts la
beauté et la grâce d’une nature et d’un art privilégiés ; si, à un
contact aussi fécond, son goût s’est affiné ; s'il a pu profiter des
modèles qui lui étaient offerts pour améliorer l’ordonnance de ses
compositions, le groupement de ses personnages, l'heureuse aisance
de leurs attitudes, le goût de leurs draperies, c’est dans le sens de
I. La Vierge du musée d’Anvers et le Portrait d’Étienne Chevalier, avec son
patron, que nous avons mentionnés plus haut, faisaient partie de cet ex-voto. Ils
ont été reproduits dans Étienne Chevalier et son 'patron saint Étienne, par
M. A. Gruyer (Gazette des Beaux-Arts, 3e pér., tome NV, p. 89).
XVII. — 3° PÉRIODE.
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