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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de grâce ou d’expression, comme cette délicieuse figure de Vierge
qui, dans Y Ascension, lève les yeux au ciel vers le Christ ; comme
cette femme du Baptême de saint Jean qui, debout près de la che-
minée au feu de laquelle elle chauffe les langes de l’enfant, écarte à
demi son visage du foyer trop ardent ; ou encore, comme dans la
Pentecôte et dans la Mission des apôtres, ces disciples rayonnants des
illuminations de la foi ou profondément recueillis, tout prêts à
l’accomplissement de leur héroïque mission. A ces qualités du dessin
s’ajoutent toutes les séductions, tout l’éclat de la couleur. A voir ces
nuances fraîches et pures qui, à travers les âges, ont conservé leur
vivacité, on les dirait posées d’hier sur le vélin. Quelle que soit son
habileté, d’ailleurs, l’artiste n’en fait jamais parade ; mais partout
elle se manifeste et se soutient sans aucune défaillance, invariable-
ment accomplie. Chacune de ses œuvres a son unité entière et, bien
qu’il procède par le détail, il a, au plus haut degré, le sens des en-
sembles. Voyez plutôt ses foules ; personne mieux que lui n’en a
rendu l’aspect vivant et mobile, l’ondoyant pêle-mêle. Cependant,
cette impression qu'il nous donne des foules, il l’a obtenue par la
multiplicité même des éléments dont il les compose. Ce n’est pas
chez lui une abstraction ; chacune de ces têtes, si petite qu’elle soit,
a sa vie propre, exprimée en quelques traits, jusque dans les arrière-
plans. Tous les effets, chez un pareil maître, sont obtenus par les
moyens les plus simples, sans épargner sa peine, mais sans jamais
la laisser voir, à force de conscience, de travail persévérant. La
loyale figure de l’artiste, telle que nous la montre un émail de la
collection du Louvre, ne dément pas le caractère de son talent. C’est
bien ainsi qu’on aime à se le représenter, avec son honnête visage,
ses traits allongés, ses yeux perçants, interrogateurs, un peu bridés,
fatigués sans doute par la tension continuelle qu'il leur imposait
pour concentrer tant de choses en de si minimes espaces et pour ne
prendre de la réalité ainsi résumée que ce qui est vraiment signifi-
catif.
Ou se lasserait et l'on épuiserait certainement l’attention du
lecteur à vouloir signaler ici tout ce que l’étude attentive d’un tel
travail suggère d’enseignements, soulève de questions de toute sorte.
Dans chacun des sujets qu’a traités Fouquet, quelle est la part des
emprunts faits par lui à ses devanciers? Qu’y a-t-il ajouté de lui-
même? Quels étaient scs procédés, les matériaux dont il se servait?
Ces interrogations pourraient être indéfiniment multipliées, mais ce
qu'il est permis d’affirmer, c’est que l’esprit, comme les yeux, trou-
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de grâce ou d’expression, comme cette délicieuse figure de Vierge
qui, dans Y Ascension, lève les yeux au ciel vers le Christ ; comme
cette femme du Baptême de saint Jean qui, debout près de la che-
minée au feu de laquelle elle chauffe les langes de l’enfant, écarte à
demi son visage du foyer trop ardent ; ou encore, comme dans la
Pentecôte et dans la Mission des apôtres, ces disciples rayonnants des
illuminations de la foi ou profondément recueillis, tout prêts à
l’accomplissement de leur héroïque mission. A ces qualités du dessin
s’ajoutent toutes les séductions, tout l’éclat de la couleur. A voir ces
nuances fraîches et pures qui, à travers les âges, ont conservé leur
vivacité, on les dirait posées d’hier sur le vélin. Quelle que soit son
habileté, d’ailleurs, l’artiste n’en fait jamais parade ; mais partout
elle se manifeste et se soutient sans aucune défaillance, invariable-
ment accomplie. Chacune de ses œuvres a son unité entière et, bien
qu’il procède par le détail, il a, au plus haut degré, le sens des en-
sembles. Voyez plutôt ses foules ; personne mieux que lui n’en a
rendu l’aspect vivant et mobile, l’ondoyant pêle-mêle. Cependant,
cette impression qu'il nous donne des foules, il l’a obtenue par la
multiplicité même des éléments dont il les compose. Ce n’est pas
chez lui une abstraction ; chacune de ces têtes, si petite qu’elle soit,
a sa vie propre, exprimée en quelques traits, jusque dans les arrière-
plans. Tous les effets, chez un pareil maître, sont obtenus par les
moyens les plus simples, sans épargner sa peine, mais sans jamais
la laisser voir, à force de conscience, de travail persévérant. La
loyale figure de l’artiste, telle que nous la montre un émail de la
collection du Louvre, ne dément pas le caractère de son talent. C’est
bien ainsi qu’on aime à se le représenter, avec son honnête visage,
ses traits allongés, ses yeux perçants, interrogateurs, un peu bridés,
fatigués sans doute par la tension continuelle qu'il leur imposait
pour concentrer tant de choses en de si minimes espaces et pour ne
prendre de la réalité ainsi résumée que ce qui est vraiment signifi-
catif.
Ou se lasserait et l'on épuiserait certainement l’attention du
lecteur à vouloir signaler ici tout ce que l’étude attentive d’un tel
travail suggère d’enseignements, soulève de questions de toute sorte.
Dans chacun des sujets qu’a traités Fouquet, quelle est la part des
emprunts faits par lui à ses devanciers? Qu’y a-t-il ajouté de lui-
même? Quels étaient scs procédés, les matériaux dont il se servait?
Ces interrogations pourraient être indéfiniment multipliées, mais ce
qu'il est permis d’affirmer, c’est que l’esprit, comme les yeux, trou-