LES SALONS AU PALAIS DE L’INDUSTRIE
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gagné, au seuil de l’école du « plein air», nuisit peut-être au plein
épanouissement de son originalité ; il lui dut tout au moins, à cha-
cun de ses portraits, de pénétrer d’une sympathie délicate les
modèles les plus divers et d’enrichir, de ce chef, l’école française
de quelques chefs-d’œuvre authentiques. Si, comme peintre d’his-
toire, Delaunay ne s’éleva que trop rarement à la hauteur de son
dramatique tableau de La Peste, sillonné de lignes violentes, il reste
un des plus grands portraitistes du siècle. M. Chaplain, dans la belle
médaille qu’il a faite de lui, a admirablement indiqué le mélange
singulier de volonté et de sensibilité nerveuse, d’entêtement et d’in-
quiétude, de réserve hautaine et de timidité, de tristesse et d’ironie,
qui composa son caractère et dont son œuvre, interrogée d’un peu
près, ferait, je crois, la confidence. 11 a laissé une galerie de por-
traits qui n’auront pas beaucoup de voisinages à craindre dans les
musées de l’avenir. Qu’on se rappelle Mme G. B..., enveloppée et
comme repliée et farouche sous ses voiles de veuve; Mwe T..., en
toilette claire, robe écrue, gants chamois, des fleurs au corsage, dans
un paysage aux colorations apaisées, composé à souhait pour faire
— à toute sa personne, à ses yeux d’un gris bleuté, où la vie claire,
mystérieuse et profonde, transparaît doucement et qui règlent
l'accord de tout le tableau — un accompagnement harmonieux et
expressif... Pour chaque nouveau modèle, c’était comme une
nouvelle manière, une fine adaptation des moyens d’expression à
l’interprétation du caractère, et toujours, avec une sincérité intrai-
table dans la ressemblance individuelle, une vérification et une
démonstration supérieurement intelligente du mot de Leibnitz,
qui devrait être la devise de tous les portraitistes : « Le corps est* un
esprit momentané. » M. Léon Bonnat, dont les premières peintures
religieuses, d’un réalisme plus qu’à demi espagnol, avaient tout de
suite attiré l’attention, composait cette galerie historique que l’avenir
consultera avec autant de confiance en la loyauté du maître que
d’admiration pour la décision et la netteté vigoureuse de son œil et
de son pinceau.
Que de beaux portraits, quand on y pense, auront vu passer ces
salles poudreuses et trop envahies du Palais de l’Industrie ! Le
Temps, —- divinité protectrice plus que méchante — a cette
vertu de supprimer tout naturellement les médiocrités encom-
brantes, dont l’indiscret entassement, chaque année, nous rend
incapable de voir et de sentir comme il convient, les véritables
œuvres d’art. Mais, plus tard, tout ce qui mérite de vivre se lève
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gagné, au seuil de l’école du « plein air», nuisit peut-être au plein
épanouissement de son originalité ; il lui dut tout au moins, à cha-
cun de ses portraits, de pénétrer d’une sympathie délicate les
modèles les plus divers et d’enrichir, de ce chef, l’école française
de quelques chefs-d’œuvre authentiques. Si, comme peintre d’his-
toire, Delaunay ne s’éleva que trop rarement à la hauteur de son
dramatique tableau de La Peste, sillonné de lignes violentes, il reste
un des plus grands portraitistes du siècle. M. Chaplain, dans la belle
médaille qu’il a faite de lui, a admirablement indiqué le mélange
singulier de volonté et de sensibilité nerveuse, d’entêtement et d’in-
quiétude, de réserve hautaine et de timidité, de tristesse et d’ironie,
qui composa son caractère et dont son œuvre, interrogée d’un peu
près, ferait, je crois, la confidence. 11 a laissé une galerie de por-
traits qui n’auront pas beaucoup de voisinages à craindre dans les
musées de l’avenir. Qu’on se rappelle Mme G. B..., enveloppée et
comme repliée et farouche sous ses voiles de veuve; Mwe T..., en
toilette claire, robe écrue, gants chamois, des fleurs au corsage, dans
un paysage aux colorations apaisées, composé à souhait pour faire
— à toute sa personne, à ses yeux d’un gris bleuté, où la vie claire,
mystérieuse et profonde, transparaît doucement et qui règlent
l'accord de tout le tableau — un accompagnement harmonieux et
expressif... Pour chaque nouveau modèle, c’était comme une
nouvelle manière, une fine adaptation des moyens d’expression à
l’interprétation du caractère, et toujours, avec une sincérité intrai-
table dans la ressemblance individuelle, une vérification et une
démonstration supérieurement intelligente du mot de Leibnitz,
qui devrait être la devise de tous les portraitistes : « Le corps est* un
esprit momentané. » M. Léon Bonnat, dont les premières peintures
religieuses, d’un réalisme plus qu’à demi espagnol, avaient tout de
suite attiré l’attention, composait cette galerie historique que l’avenir
consultera avec autant de confiance en la loyauté du maître que
d’admiration pour la décision et la netteté vigoureuse de son œil et
de son pinceau.
Que de beaux portraits, quand on y pense, auront vu passer ces
salles poudreuses et trop envahies du Palais de l’Industrie ! Le
Temps, —- divinité protectrice plus que méchante — a cette
vertu de supprimer tout naturellement les médiocrités encom-
brantes, dont l’indiscret entassement, chaque année, nous rend
incapable de voir et de sentir comme il convient, les véritables
œuvres d’art. Mais, plus tard, tout ce qui mérite de vivre se lève