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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
que possible, par une concordante évocation de la vie artistique et bourgeoise
sous le règne de l’empereur Franz.
Moritz von Schwind naquit le 21 janvier 1804, à Vienne. L’enfance : toujours
la même histoire, une vocation irrésistible contrecarrant les projets paternels;
les premières études venues, c’est-à-dire les leçons et l’atelier les plus proches,
qui se trouvent être ceux de L.-F. Sclmorr à l’Académie ; des travaux de gagne-
pain, consistant en illustrations, images, etc. A vingt ans, c’est Munich et la
fréquentation de Cornélius. Dès lors, Schwind va et vient d’Autriche en
Bavière et de Bavière en Italie. Il prend la coutume de peindre pour sa famille
et pour lui de petits tableaux en souvenir des faits marquants de son existence :
c’est ainsi que nous le voyons solennellement tenir un fiasco de Chianti, comme
un enfant de chœur balance un encensoir, tandis que, du haut d’un tertre,
Cornélius en casquette lui montre à l’horizon de la campagne romaine le dôme
de Saint-Pierre. L’Italie, du reste, semble n’avoir eu sur Schwind aucune
influence; il demeura le naïf et charmant raconteur de contes allemands qu’il
avait toujours été, une sorte de Grimm de la peinture. A partir de 1839, il tra-
vailla cinq ans à Karlsruhe, dont le musée possède d’importantes œuvres de lui,
puis exécuta à l’Institut Stædel, de Francfort, sa Guerre des poètes de la Wartburg.
En 1847, on le nomme professeur à Munich et il y peignit sa Symphonie, ainsi que
le polyptyque de Cendrillon. Les travaux de la Wartburg et le Conte des sept
Corbeaux lui lirent une renommée prodigieuse en Allemagne. Les dernières
œuvres de sa vie furent la décoration de l’Opéra de Vienne et le Conte de la belle
Mélusine. Il mourut à Munich, le 8 février 1871.
Il y aurait à s’attarder longtemps sur ce plus fameux représentant du roman-
tisme dans la peinture allemande (et d'autant plus que ses projets, pour des
meubles et de menus objets d’art industriel : serrures, rampes d’escalier, lampes,
cruchons à bière, montraient à l’exposition Schubert un Schwind inédit à côté
du conteur populaire), s’il n’y avait pas davantage à insister sur un artiste
jusqu’ici très inconnu à Vienne, tout à fait ignoré à l’étranger et dont on vient
pour la première fois de pouvoir juger l’œuvre en connaissance de cause. Il s’agit
d’un peintre anecdotique, si consciencieux que ses scènes de mœurs viennoises
peuvent presque passer aujourd’hui pour des tableaux d’histoire, et dont
certaines pages peuvent très bien se comparer à celles des meilleurs petits
maîtres hollandais, tandis que certaines autres et notamment d’admirables
dessins (dont les plus beaux restent heureusement à l’Albertine) n’ont rien à
envier à Menzel. Voici en quelques mots la biographie de Joseph Danhauser. Né
le 19 août 1803, à Vienne, il reçut une éducation très soignée, dans laquelle la
musique joua un aussi grand rôle que dans celle de Schwind. Il fut à l’Académie
l’élève de Peter Kraft, peintre de genre, et débuta par des travaux pour la
Rudolphias de Ladislas Pyrker, prélat ami de sa famille. Ce Ladislas Pyrker,
ayant été nommé patriarche de Venise, invita Danhauser à venir étudier les
œuvres des grands Vénitiens. De Venise, Pyrker passa au siège archiépiscopal
d’Erlau, où le peintre viennois fut également son hôte. En 1829, la mort de son
père força Danhauser à s’occuper de la liquidation de la grande fabrique de
meubles que le défunt dirigeait. Puis il passa comme « correcteur » à l’Aca-
démie, mais bientôt dut renoncer à sa charge; ses opinions étaient en trop
complet désaccord avec celles de ses supérieurs. Il s’en consola par un voyage
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que possible, par une concordante évocation de la vie artistique et bourgeoise
sous le règne de l’empereur Franz.
Moritz von Schwind naquit le 21 janvier 1804, à Vienne. L’enfance : toujours
la même histoire, une vocation irrésistible contrecarrant les projets paternels;
les premières études venues, c’est-à-dire les leçons et l’atelier les plus proches,
qui se trouvent être ceux de L.-F. Sclmorr à l’Académie ; des travaux de gagne-
pain, consistant en illustrations, images, etc. A vingt ans, c’est Munich et la
fréquentation de Cornélius. Dès lors, Schwind va et vient d’Autriche en
Bavière et de Bavière en Italie. Il prend la coutume de peindre pour sa famille
et pour lui de petits tableaux en souvenir des faits marquants de son existence :
c’est ainsi que nous le voyons solennellement tenir un fiasco de Chianti, comme
un enfant de chœur balance un encensoir, tandis que, du haut d’un tertre,
Cornélius en casquette lui montre à l’horizon de la campagne romaine le dôme
de Saint-Pierre. L’Italie, du reste, semble n’avoir eu sur Schwind aucune
influence; il demeura le naïf et charmant raconteur de contes allemands qu’il
avait toujours été, une sorte de Grimm de la peinture. A partir de 1839, il tra-
vailla cinq ans à Karlsruhe, dont le musée possède d’importantes œuvres de lui,
puis exécuta à l’Institut Stædel, de Francfort, sa Guerre des poètes de la Wartburg.
En 1847, on le nomme professeur à Munich et il y peignit sa Symphonie, ainsi que
le polyptyque de Cendrillon. Les travaux de la Wartburg et le Conte des sept
Corbeaux lui lirent une renommée prodigieuse en Allemagne. Les dernières
œuvres de sa vie furent la décoration de l’Opéra de Vienne et le Conte de la belle
Mélusine. Il mourut à Munich, le 8 février 1871.
Il y aurait à s’attarder longtemps sur ce plus fameux représentant du roman-
tisme dans la peinture allemande (et d'autant plus que ses projets, pour des
meubles et de menus objets d’art industriel : serrures, rampes d’escalier, lampes,
cruchons à bière, montraient à l’exposition Schubert un Schwind inédit à côté
du conteur populaire), s’il n’y avait pas davantage à insister sur un artiste
jusqu’ici très inconnu à Vienne, tout à fait ignoré à l’étranger et dont on vient
pour la première fois de pouvoir juger l’œuvre en connaissance de cause. Il s’agit
d’un peintre anecdotique, si consciencieux que ses scènes de mœurs viennoises
peuvent presque passer aujourd’hui pour des tableaux d’histoire, et dont
certaines pages peuvent très bien se comparer à celles des meilleurs petits
maîtres hollandais, tandis que certaines autres et notamment d’admirables
dessins (dont les plus beaux restent heureusement à l’Albertine) n’ont rien à
envier à Menzel. Voici en quelques mots la biographie de Joseph Danhauser. Né
le 19 août 1803, à Vienne, il reçut une éducation très soignée, dans laquelle la
musique joua un aussi grand rôle que dans celle de Schwind. Il fut à l’Académie
l’élève de Peter Kraft, peintre de genre, et débuta par des travaux pour la
Rudolphias de Ladislas Pyrker, prélat ami de sa famille. Ce Ladislas Pyrker,
ayant été nommé patriarche de Venise, invita Danhauser à venir étudier les
œuvres des grands Vénitiens. De Venise, Pyrker passa au siège archiépiscopal
d’Erlau, où le peintre viennois fut également son hôte. En 1829, la mort de son
père força Danhauser à s’occuper de la liquidation de la grande fabrique de
meubles que le défunt dirigeait. Puis il passa comme « correcteur » à l’Aca-
démie, mais bientôt dut renoncer à sa charge; ses opinions étaient en trop
complet désaccord avec celles de ses supérieurs. Il s’en consola par un voyage