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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 17.1897

DOI issue:
Nr. 5
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Maignan, Albert: Le Salon de 1897 - Société des Artistes Français, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.28018#0394

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360

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

La vérité est que, chez Bonnat, rien ne vaut la fanfare du
morceau; il le peint avec une émotion ardente, avec une science de
la construction qui n’a jamais été dépassée. Il cisèle sa peinture
d’un outil si précis, qu’on y croit deviner le burin, ou l’ébauchoir de
métal, plutôt que la simple brosse de soies. Un programme restreint
lui suffit : une tête et un bout de vêtement, une tête d’homme surtout,
et voilà l’artiste qui prend feu. Il est complet ainsi, et ses simples
portraits resteront parmi les œuvres considérables de la peinture de
tous les temps.

Je ne suis pas l’ordre alphabétique, et je parle immédiatement
du tableau d’Henri Martin. Notre époque compliquée, notre esprit
fait d’acquisitions venues de partout, nous réservent de curieuses
surprises, et ce n’est pas une des moindres que de voir, vivant
dans le même milieu, des artistes manifestant des tendances telle-
ment opposées qu’elles semblent n’exister que pour se contredire.

Je ne rappellerai pas, à ce propos, quelles sont nos préférences
personnelles; nous sommes trop dans la lutte, et pour juger de
pareilles divergences, un peu de recul est nécessaire. Ce qu’on peut
constater, c’est la singulière évolution qui nous permet d’admettre
comme possible, — pour quelques-uns même désirable, — un moyen
d’expression absolument antipathique à la génération précédente.

H. Martin dissimule, supprime même le morceau; il vaut par la
disposition de l’ensemble ; il recherche les blocs de figures qui s’en-
chevêtrent avec un rythme voulu, rappelant l’art du bas-relief; tous
les détails sont fondus dans la masse, et cela avec une telle volonté
de ne pas les exprimer, que le peintre, pour s’en garer mieux, a dû
inventer un procédé qui rend la chose impossible. Après avoir peint
comme tout le monde et même d’une façon un peu sèche, il s’est
donné une facture tourmentée, troublante, que nous apprécierons
tout à l’heure, et qui lui permet de noyer son ensemble dans une
atmosphère voilée, où toute particularité se perd et se neutralise. Le
côté littéraire du sujet prend une large part dans la conception. L’ar-
tiste cherche à nous exprimer des idées philosophiques, à la fois
tendres et mélancoliques, dont nous aurions mauvaise grâce à con-
tester la saveur.

Le tableau de cette année, Vers l'Abîme, est important dans
l’œuvre du peintre. Nous allons le décrire brièvement. Sur un terrain
nu, un sable gris, livide, rayé d’ombres pâles et froides, morceau de
dune ou de Sahara, une vague humaine se précipite. Dans la masse,
 
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