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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 17.1897

DOI issue:
Nr. 5
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Maignan, Albert: Le Salon de 1897 - Société des Artistes Français, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.28018#0398

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

de bonne foi, profondément tourmenté du désir de faire mieux. Le
tableau tout seul se chargera de dire le reste.

Jules Breton. —- \rous savez ce qu’évoque pour nous le nom seul
de Jules Breton et les scènes de la vie rustique qu’il a coutume de
peindre, avec un sentiment de poésie si personnel et si particulier.
La Moisson des œillettes, qu’il expose cette année, est l’un des plus
précieux tableaux qu’il ait jamais faits. Le motif nous est familier;
nous connaissions déjà ces groupes de paysans, ces femmes au type
sérieux, à la peau mordue par le grand soleil qui dore les moissons.
L’heure exprimée, celle d’une belle fin de journée, est celle que l’ar-
tiste choisit de préférence; mais, dans cette toile de dimensions
modestes, il enferme et résume le meilleur de ses oeuvres anté-
rieures.

La matière du tableau, savoureuse et délicate, donne aux tons,
d’ailleurs très cherchés, l’aspect particulier d’une pulpe de fleur.
Nous sommes loin de la paysannerie faite avec la seule idée de
peindre une culotte de paysan, ce qui fut pendant quelque temps la
façon de réagir contre le style classique, « le style pompier », comme
si on ne restait pas « pompier », même en peignant une culotte de
paysan. Chez Jules Breton, le sujet n’est aujourd’hui qu’un prétexte ;
c’est l’orchestration des tons qui est la visible préoccupation de l’ar-
tiste, et jamais violes d’amour n'ont transmis à nos sens un concert
d’accents plus tendres et plus pénétrants que ne le sont les harmo-
nies de ces tons amortis, de résonnance discrète, qui chantent ici
pour le plaisir des yeux. Jamais les nuages roses et dorés du cou-
chant n’ont embelli le ciel de lumière plus doucement vibrante. Le
soleil ne se voit pas ; il reste en dehors du cadre de la toile, ses
rayons rasent les terrains, accrochent au passage une gerbe d’œil-
lettes, un bras, une tête de femme, la chemise de toile d’un paysan;
voilà tout un jeu de couleurs transformées, de tonalités fleuries: le
mot nous revient avec instance. La gamme commence par des verts
froids, qui, se transformant en verts plus chauds, viennent entourer
un rose intense, apaisé dans les ombres de reflets bleuâtres. Et
ce rose est une simple camisole d’indienne, dont la valeur cleire, pro-
longée par celle d’une capeline blanche, s’appuie sur les violets des
têtes d’œillettes, note plus sourde dans sa richesse, qui se prolonge
derrière les figures et cale, comme on dit, toute la compositionl
A travers le tableau, des gris tins et colorés, des bleus dontl’inten.
sité est légèrement exagérée avec le goût d’enrichir le ton. Le cie-
 
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