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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Parmi ces descendants de Louis II, le protecteur de Mantegna
et de Léo Battista Alberti, ceux qui régnèrent à Gastiglione, à Bozolo,
à Guazolo, à Guastalla et à Sabbioneta justifièrent la généreuse dispo-
sition testamentaire de leur grand ancêtre ; le dernier d’entre eux,
fils de Luigi Rodomonte et d'Isabelle fille de Vespasien Colonna, Ves-
pasien Gonzague, qui fut duc de Sabbioneta, mérite une place à part.
Né en 1531 dans la ville de Fondi, comté de sa mère au royaume
de Naples, en contact avec les grands souverains de son temps,
l’un des capitaines les plus fameux de Charles-Quint et de Phi-
lippe II, favori de trois pontifes et doté par eux de richesses consi-
dérables, Vespasien, ingénieur militaire, législateur, administrateur
hors ligne, à cheval à la fois sur l’Espagne et l’Italie, vainqueur
des Maures en Andalousie et vice-roi de Valence et de la Navarre,
sut mener de front l’organisation de son duché, la défense des côtes
de Cadix à Barcelone et ses vice-royautés d’outre-monts. On ne le
vit apparaître dans ses Etats, pendant les vingt-cinq premières années
de son règne, que pour construire, légiférer, discipliner et sévir; en
trois années, il jeta les fondements d’une cité tout entière et fit de
Sabbioneta, capitale de son duché, une ville pourvue de tous scs
organes; et les monuments, les lois, les institutions, la haute cul-
ture et le faste de sa cour, relevés par le goût des lettres et des arts,
attirèrent à ce point l’attention des princes et des peuples sur cette
cité minuscule qu’elle a mérité le nom de « petite Athènes ».
Alessandro Lisca de Vérone, en 1591, a écrit en latin l’histoire
de ce prince doué de génie, d’un caractère altier et dont l’existence
fut très dramatique ; Giulio Faroldi l’a résumée en langue vulgaire ;
le P. Irenco Affo, en 1780, l’a développée, et le Dr A. Racheli a
publié les Mémoires historiques de Sabbioneta. A la suite de séjours
successifs dans cette ville, nous avons nous-meme abordé le sujet
dans la revue Cosmopolis 1, en signalant l’importance que pourrait
avoir la restitution de la Sabbioneta de Vespasien au point de vue
spécial de l’histoire de l’art. Tous les monuments, encore debout, sont
inédits ; nous nous proposons de mettre les plus importants sous
les yeux des lecteurs de la Gazette, de rechercher leur origine et
celle des artistes qui répondirent à l’appel de Vespasien.
Entre le Pô et l’Ollio, à mi-chemin de Mantoue et de Crémone,
sur un terrain plat qui doucement s’incline vers les grandes plaines
1. Sabbioneta, une Petite Athènes au XVle siècle (Cosmopolis, 1895).
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Parmi ces descendants de Louis II, le protecteur de Mantegna
et de Léo Battista Alberti, ceux qui régnèrent à Gastiglione, à Bozolo,
à Guazolo, à Guastalla et à Sabbioneta justifièrent la généreuse dispo-
sition testamentaire de leur grand ancêtre ; le dernier d’entre eux,
fils de Luigi Rodomonte et d'Isabelle fille de Vespasien Colonna, Ves-
pasien Gonzague, qui fut duc de Sabbioneta, mérite une place à part.
Né en 1531 dans la ville de Fondi, comté de sa mère au royaume
de Naples, en contact avec les grands souverains de son temps,
l’un des capitaines les plus fameux de Charles-Quint et de Phi-
lippe II, favori de trois pontifes et doté par eux de richesses consi-
dérables, Vespasien, ingénieur militaire, législateur, administrateur
hors ligne, à cheval à la fois sur l’Espagne et l’Italie, vainqueur
des Maures en Andalousie et vice-roi de Valence et de la Navarre,
sut mener de front l’organisation de son duché, la défense des côtes
de Cadix à Barcelone et ses vice-royautés d’outre-monts. On ne le
vit apparaître dans ses Etats, pendant les vingt-cinq premières années
de son règne, que pour construire, légiférer, discipliner et sévir; en
trois années, il jeta les fondements d’une cité tout entière et fit de
Sabbioneta, capitale de son duché, une ville pourvue de tous scs
organes; et les monuments, les lois, les institutions, la haute cul-
ture et le faste de sa cour, relevés par le goût des lettres et des arts,
attirèrent à ce point l’attention des princes et des peuples sur cette
cité minuscule qu’elle a mérité le nom de « petite Athènes ».
Alessandro Lisca de Vérone, en 1591, a écrit en latin l’histoire
de ce prince doué de génie, d’un caractère altier et dont l’existence
fut très dramatique ; Giulio Faroldi l’a résumée en langue vulgaire ;
le P. Irenco Affo, en 1780, l’a développée, et le Dr A. Racheli a
publié les Mémoires historiques de Sabbioneta. A la suite de séjours
successifs dans cette ville, nous avons nous-meme abordé le sujet
dans la revue Cosmopolis 1, en signalant l’importance que pourrait
avoir la restitution de la Sabbioneta de Vespasien au point de vue
spécial de l’histoire de l’art. Tous les monuments, encore debout, sont
inédits ; nous nous proposons de mettre les plus importants sous
les yeux des lecteurs de la Gazette, de rechercher leur origine et
celle des artistes qui répondirent à l’appel de Vespasien.
Entre le Pô et l’Ollio, à mi-chemin de Mantoue et de Crémone,
sur un terrain plat qui doucement s’incline vers les grandes plaines
1. Sabbioneta, une Petite Athènes au XVle siècle (Cosmopolis, 1895).