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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Renan, Ary: Théodore Chassériau et les peintures du Palais de la Cour des Comptes
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0099

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

sente nous semble passer toutes les autres, puisque ce sont des
œuvres presque évanouies et cependant pour ainsi dire inédites,
que nous allons remettre en lumière et rétablir dans leur honneur.

La Gazette des Beaux-Arts donnait, il y a douze ans, une étude
sur Chassériau où la vie de l’artiste apparaissait, sous ses traits tou-
chants, libre et passionnée, éphémère et féconde. L’enfant, né sur
les terres chaudes de Saint-Domingue, auquel Ingres donna sa doc-
trine, porte bien un sceau d’élection et de noblesse innées ; chacune
des tentatives du disciple distille une séduction inconnue; puis, cha-
cune des créations de l’adolescent affirme une force et une douceur
nouvelles. Mais, quand la mort le prend, à trente-sept ans, un vent
d’orage passe sur l’œuvre en fleur ; une infortune persistante s’a-
charne à disperser le bouquet et quelques rares amateurs ont à peine
aujourd’hui notion des principaux rameaux échappés au néant. Alors
que le moindre des peintres de la triste génération de 1830 a son
dossier scrupuleusement dressé dans les archives, Chassériau ne
serait qu’un nom, sans quelques pieux amis et quelques connais-
seurs obstinés.

A nôtre gré, la chose écrite compte peu. Entre Ingres et Dela-
croix^ ses deux aînés, la critique moderne n’a pas su placer Chassé-
riau, parce qu’il déconcerte les classifications —- et nous verrons, en
effet, que, pour le louer au mieux, il faut se lier surtout à ces raisons
du cœur que les pédants ignorent. — Qu’importe? Une exposition
intégrale de l’œuvre qu’il a réalisé avec une précocité merveilleuse
aurait valu bien des littératures ; or, hélas ! cette exposition ne
semble pas réalisable. Nous signalions, l’an dernier, dans la Chro-
nique des Arts{, près de trente tableaux égarés du maître; aucun n’a
été retrouvé. Plusieurs ont été longtemps dissimulés sous de fausses
signatures. Dans les musées, même malechance ; à Avignon, c’est
une Baigneuse reléguée; au Louvre, c’est une Suzanne dissimulée,
tableau errant, que l’administration promène avec embarras dans
les coins les plus noirs ; ce dernier musée refusait, en 1890, le don
du portrait que Chassériau fit de ses sœurs, un chef-d’œuvre à peine
entreva par le public à l’exposition des Portraits du siècle. Le musée
de Versailles hésitait à accepter, en 1890, le beau portrait du khalife
Ali-ben-llamet.

Enfin et surtout, il y a eu destruction de l'œuvre par incurie, par
abandon. A Saint-Jean-d’Angély, c’est un Christ qui, depuis vingt
ans, bouche une fenêtre ouverte à tons les vents. A Paris, dans
i. Chronique clcs Arts du 30 janvier 1897, p. 42.
 
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