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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 2
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Renan, Ary: Théodore Chassériau et les peintures du Palais de la Cour des Comptes
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0101

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

ensembles décoratifs peints en ce siècle, léché par les flammes de la
guerre civile, dégradé par les intempéries, voué, pendant vingt-sept
ans, en plein air, à la désagrégation sans merci. C’est une chose sans
nom, déplorable et de laquelle on écartait le public. Eh bien ! sous la
lèpre qui la rongeait, la création de Chassériau gardait le don de
beauté qui défie le temps et le don d’amour qui défie la mort.

Je ne saurais dresser dans notre revue l’histoire de diverses
tentatives faites par les amis du grand art français pour sauvegarder
les peintures de l’escalier d’honneur de la Cour des Comptes, brûlé
par la Commune en 1871 : ce serait un lamentable chapitre d’histoire
administrative, où il faudrait nettement désigner les responsabilités
et mettre en accusation une intangible bureaucratie. Je me conten-
terai de constatations faites en passant, et, pour connaître les parties
préservées, nos lecteurs peuvent s’en rapporter à nos reproductions
gravées d’après les beaux clichés que la maison Braun exécuta, il y
a cinq ans, dans les ruines. Mes souvenirsme permettent de remonter
bien plus haut, et je revois vraiment encore, dans ma mémoire,
l’ensemble de cette noble décoration tel que je l’étudiai, vers 1880,
en compagnie d’un fidèle ami ; si bien que je me laisserais entraîner
à décrire des parties à jamais disparues, car, pour moi, les lacunes
se comblent, les crevasses disparaissent, les colorations revivent et
s’harmonisent encore.

Les dégâts produits par le feu — ce fut le premier incendie
allumé par l’insurrection aux abois — sont localisés aux parties
basses et ont été bien surpassés parles lentes avaries que les hivers
successifs apportèrent à l’oeuvre restée sub Jove crudo, à ciel ouvert.
Chaque gelée et chaque dégel mordirent sur les murailles, trop sou-
vent gagnées par le salpêtre ; la destruction fut lente et cruellement
dosée. Au lendemain de la catastrophe, Théophile Gautier, mortel-
lement frappé, se traîna jusqu’au grand palier et pleura devant les
silhouettes de ces belles figures qu’il avait tant aimées et qu’il
reconnaissait sous le voile de l’horreur. Nous avons vu ce voile
s’épaissir, les surfaces peintes diminuer, et, des deux cent soixcinte-
dix mètres primitivement couverts, à peine espérons-nous, depuis
quelques semaines, sauver cinquante ou soixante mètres carrés
dignes du grand nom de Chassériau.

Peintes directement à l’huile sur le mur enduit, les décorations
 
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