Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

DOI Heft:
Nr. 2
DOI Artikel:
Renan, Ary: Théodore Chassériau et les peintures du Palais de la Cour des Comptes
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0113

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
102

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Il existe un dessin au crayon (à M. A. Chassériau), qui ne suffit plus,
hélas ! à nous laisser lire les passages disparus du poème.

A droite, un beau groupe nous est du moins conservé, dans un
état précaire qui ne fait qu’en souligner la grandeur antique : ce
sont des Forgerons travaillant à l’enclume, martelant des armes sur
lesquelles courent des reflets sanglants ; virile et éloquente compo-
sition, d’un sentiment purement original, qui ne saurait manquer de
nous toucher par la sobre beauté et le naturel des gestes cherchés loin
des formules d’école. L’école moderne reconnaîtra déjà, remuées dans
de pareils morceaux, des pensées esthétiques qui l’ont bien préoccupée,
et des rudiments de ce poème du travail dont la noblesse est éternelle.

A gauche, des jeunes gens s’élancaient à cheval et des délilés se
formaient vers la victoire,, dans une atmosphère d’aube et de grands
espoirs. « Cette composition, écrivait Gautier, pleine de mouvement
et de turbulence, fait, par l’agitation bien entendue de ses lignes,
l’agencement touffu de ses groupes, le tumulte de sa couleur et la
férocité de sa touche, un contraste des plus heureux avec le tableau
de la Paix. »

L’exécution matérielle était, en effet, d’une liberté extrême par
endroits et partout d’une singulière variété. Autant le bois d’oliviers de
la Paix est peint à la façon d’une fresque assagie, autant les pan-
neaux d’en face étaient brossés avec fougue et visaient au coloris le
plus avoué. C’était là la partie la plus romantique de l’œuvre. Je
n’oublierai jamais, dans le panneau du Retour de la Guerre, deux
dos de femmes tordus par la douleur, inondés de chevelures épan-
dues ; une négresse, des croupes de chevaux, faisaient aux carna-
tions des captives un repoussoir naturel de la plus mâle grandeur et
d’un beau pathétique... Ce n’est plus aujourd’hui qu’une tache de
lumière ambrée, une belle coulée d’émail, dont la signification est
abolie... Et il y avait là, tout autour, des cymbaliers magnifiques, des
écuyers victorieux et las, des robes de chevaux hennissant^ des pri-
sonniers, noyés dans les feux du soir. Quelques fragments pouvaient
être sauvés jadis, et près de Géricault, près de Delacroix, il y aurait
en place pour la maîtrise savoureuse du Chassériau romantique ;
mais on a laissé perdre tout cela.

Perdue aussi, La Justice réprimant les abus ; blanche, dans un
manteau noir, elle faisait irruption dans un antre et pourchassait les
prévaricateurs.

Perdue, La Loi, une figure en grisaille qui, dans une attitude
d’impassibilité majestueuse, tenait ouvertes les tables de pierre.
 
Annotationen