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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
ral de sa ville, la construction du théâtre à Vantique. Il en réserva
longtemps la place et attendit, pour le construire, le moment où il
aurait renoncé à ses campagnes et à ses vice-royautés de la péninsule.
Ce théâtre, dont le prince avait demandé le projet à Scamozzi,
encore que resserré de deux côtés par des rues étroites, est d’un
noble aspect. C’est un monument à plan rectangulaire, regardant sur
trois rues ; sa face latérale borde la via Julia. Comme tous les Gon-
zague, le duc était fanatique de Yitruve. Frédéric Ier, troisième
marquis de Mantoue, consultait les ouvrages du grand architecte
avant de commencer la Reggia ; son fils et successeur, Gian Fran-
cesco, quatrième marquis, emportait le livre sous sa tente; Isabelle
d’Este, sa femme, régente de la principauté, recevant les plans de son
mari qui continuait l’oeuvre de son père, lui écrivait : « J’étudie en ce
moment Vitruve, afin de bien comprendre vos nouvelles construc-
tions. » Le secrétaire du duc de Sabbioncta, Lisca, nous apprend que
Yespasien commentait les œuvres du maître architecte avec Bernar-
dino Baldi, abbé de Guastalla, qui écrivit même, pour l’aider à les
comprendre, son ouvrage De Verborwm vilruvianorum signifcaticne.
C’était le moment où le Palladio venait de construire pour la
ville de Vicence le théâtre dont l’effet avait été si considérable en
Italie ; Yespasien appela à lui Scamozzi, qui, parti de Venise le 3 mai
1588, arriva à Sabbioneta^ vit le site, établit son projet, le fit accep-
ter par le duc et jeta immédiatement les fondations.
En lisant Tcmanzo, l’auteur des Vite, nous avions remarqué que
celui-ci, au moment où il écrivait la biographie de Scamozzi, ayant
entendu dire que les dessins originaux du théâtre de Sabbioncta
étaient conservés dans la fameuse collection de Mariette., en avait
sollicité la communication du célèbre amateur, qui avait >eu l’atten-
tion de lui en exécuter un calque de sa propre main. Les originaux
de l'architecte ne pouvaient être que dans les collections du roi,
c’est-à-dire au Musée du Louvre, ou dans celles des Médicis, aux
Uffizi de Florence. Nous les avons retrouvés là intacts, criblés de
notes, signés de la main du maître, avec envoi au prince, accusé de
réception de la somme payée par son trésorier, rigoureusement cotés,
annotés, pourvus enfin de tous les éléments nécessaires à un archi-
tecte habile pour les traduire en détails bons à l’exécution. Ces cinq
feuilles, dont nous reproduisons les parties les plus importantes, ont
l’intérêt de nous montrer comment procédaient les maîtres d’alors,
qui souvent concevaient, dessinaient à une échelle très restreinte les
plans, les élévations, les coupes, indiquaient les ornements, sculp-
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ral de sa ville, la construction du théâtre à Vantique. Il en réserva
longtemps la place et attendit, pour le construire, le moment où il
aurait renoncé à ses campagnes et à ses vice-royautés de la péninsule.
Ce théâtre, dont le prince avait demandé le projet à Scamozzi,
encore que resserré de deux côtés par des rues étroites, est d’un
noble aspect. C’est un monument à plan rectangulaire, regardant sur
trois rues ; sa face latérale borde la via Julia. Comme tous les Gon-
zague, le duc était fanatique de Yitruve. Frédéric Ier, troisième
marquis de Mantoue, consultait les ouvrages du grand architecte
avant de commencer la Reggia ; son fils et successeur, Gian Fran-
cesco, quatrième marquis, emportait le livre sous sa tente; Isabelle
d’Este, sa femme, régente de la principauté, recevant les plans de son
mari qui continuait l’oeuvre de son père, lui écrivait : « J’étudie en ce
moment Vitruve, afin de bien comprendre vos nouvelles construc-
tions. » Le secrétaire du duc de Sabbioncta, Lisca, nous apprend que
Yespasien commentait les œuvres du maître architecte avec Bernar-
dino Baldi, abbé de Guastalla, qui écrivit même, pour l’aider à les
comprendre, son ouvrage De Verborwm vilruvianorum signifcaticne.
C’était le moment où le Palladio venait de construire pour la
ville de Vicence le théâtre dont l’effet avait été si considérable en
Italie ; Yespasien appela à lui Scamozzi, qui, parti de Venise le 3 mai
1588, arriva à Sabbioneta^ vit le site, établit son projet, le fit accep-
ter par le duc et jeta immédiatement les fondations.
En lisant Tcmanzo, l’auteur des Vite, nous avions remarqué que
celui-ci, au moment où il écrivait la biographie de Scamozzi, ayant
entendu dire que les dessins originaux du théâtre de Sabbioncta
étaient conservés dans la fameuse collection de Mariette., en avait
sollicité la communication du célèbre amateur, qui avait >eu l’atten-
tion de lui en exécuter un calque de sa propre main. Les originaux
de l'architecte ne pouvaient être que dans les collections du roi,
c’est-à-dire au Musée du Louvre, ou dans celles des Médicis, aux
Uffizi de Florence. Nous les avons retrouvés là intacts, criblés de
notes, signés de la main du maître, avec envoi au prince, accusé de
réception de la somme payée par son trésorier, rigoureusement cotés,
annotés, pourvus enfin de tous les éléments nécessaires à un archi-
tecte habile pour les traduire en détails bons à l’exécution. Ces cinq
feuilles, dont nous reproduisons les parties les plus importantes, ont
l’intérêt de nous montrer comment procédaient les maîtres d’alors,
qui souvent concevaient, dessinaient à une échelle très restreinte les
plans, les élévations, les coupes, indiquaient les ornements, sculp-