LES PORTRAITS DE MARIE-ANTOINETTE
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envoyer encore deux portraits qui fussent de la classe des premiers ; il faut
donc lui en procurer deux excellents. Or il n’y a pas à Versailles, ni à Paris,
un seul portrait de la Reine peint à l'huile par un bon peintre, et cela est
si vrai qu’il est dû à la dame d’honneur un portrait de la Reine, que S. M.
en a promis un au prince de Starhemberg, qu’elle a daigné me faire pa-
reille grâce et qu’aucun de ces portraits n’a encore été donné, malgré nos
réclamations.
« Quant au portrait du Roi, il n’y a pas un seul original tiré sur sa per-
sonne duquel on puisse faire les copies des portraits que cette cour est en
usage de donner à. ses ambassadeurs dans les cours étrangères et jusqu’à
ce jour, malgré les instances faites au Roi, on n’a pu le déterminer à donner
quelques séances de suite au peintre qui a été choisi et qui se nomme Du-
plessis. Cet artiste est très habile ; il n’a encore eu qu’une séance du Roi et
Dieu sait quand son ouvrage sera achevé. Ce dont je puis répondre, c’est
que cet artiste, au dernier coup de pinceau qu’il donnera à l’original du
portrait du Roi, commencera immédiatement la copie destinée pour notre
auguste souveraine, et il en sera de même du portrait de la Reine que le sr
Duplessis fera également.
« Vous jugerez, monsieur, par ce détail combien je serais à plain-
dre, si S. M. soupçonnait, dans une occasion pareille, qu'il y eût la plus
petite faute de ma part à l’exécution de ses ordres. Cependant il y
avait un moyen, à la vérité très insuffisant, de satisfaire l’empressement
que marque S. M. de recevoir les deux portraits en question, ce serait
de faire tirer des copies des portraits du Roi et de la Reine, d’après
les mauvais portraits peints d’idée et dont aucun n’est ressemblant. Cela
n’empêcherait pas que dans le temps je n’envoyasse les copies faites par le
sieur Duplessis. Si j’avais été moins scrupuleux, quand il s’agit du service
de S. M., j’aurais pu employer le moyen susdit; il m’en serait revenu le
mérite de la promptitude à obéir ; mais S. M. aurait été mal servie. »
Ces sages raisonnements firent effet. Le 4 février 1775, le baron
de Meny écrivit à l’ambassadeur que l’Impératrice attendrait les deux
portraits commandés à Duplessis ; elle ne voulait plus recevoir de
ces copies médiocres, dont elle n’avait que trop. C’était un réel sacri-
fice que faisait Marie-Thérèse, car cette femme de génie était inca-
pable de patience et ses serviteurs les plus dévoués redoutaient cette
vivacité passionnée qu’elle transmit à ses enfants, à Marie-Antoinette
aussi bien qu’à Joseph II. Rarement la grande impératrice savait
attendre et, pour une fois par hasard qu’elle s’y résignait, elle n’en
fut pas récompensée ; cette résignation méritoire fut mise à l’épreuve
par l’insouciante légèreté de la jeune Reine de France. Le 18 mars 1775,
l’ambassadeur devait avouer qu’on n’en était pas encore au pre-
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envoyer encore deux portraits qui fussent de la classe des premiers ; il faut
donc lui en procurer deux excellents. Or il n’y a pas à Versailles, ni à Paris,
un seul portrait de la Reine peint à l'huile par un bon peintre, et cela est
si vrai qu’il est dû à la dame d’honneur un portrait de la Reine, que S. M.
en a promis un au prince de Starhemberg, qu’elle a daigné me faire pa-
reille grâce et qu’aucun de ces portraits n’a encore été donné, malgré nos
réclamations.
« Quant au portrait du Roi, il n’y a pas un seul original tiré sur sa per-
sonne duquel on puisse faire les copies des portraits que cette cour est en
usage de donner à. ses ambassadeurs dans les cours étrangères et jusqu’à
ce jour, malgré les instances faites au Roi, on n’a pu le déterminer à donner
quelques séances de suite au peintre qui a été choisi et qui se nomme Du-
plessis. Cet artiste est très habile ; il n’a encore eu qu’une séance du Roi et
Dieu sait quand son ouvrage sera achevé. Ce dont je puis répondre, c’est
que cet artiste, au dernier coup de pinceau qu’il donnera à l’original du
portrait du Roi, commencera immédiatement la copie destinée pour notre
auguste souveraine, et il en sera de même du portrait de la Reine que le sr
Duplessis fera également.
« Vous jugerez, monsieur, par ce détail combien je serais à plain-
dre, si S. M. soupçonnait, dans une occasion pareille, qu'il y eût la plus
petite faute de ma part à l’exécution de ses ordres. Cependant il y
avait un moyen, à la vérité très insuffisant, de satisfaire l’empressement
que marque S. M. de recevoir les deux portraits en question, ce serait
de faire tirer des copies des portraits du Roi et de la Reine, d’après
les mauvais portraits peints d’idée et dont aucun n’est ressemblant. Cela
n’empêcherait pas que dans le temps je n’envoyasse les copies faites par le
sieur Duplessis. Si j’avais été moins scrupuleux, quand il s’agit du service
de S. M., j’aurais pu employer le moyen susdit; il m’en serait revenu le
mérite de la promptitude à obéir ; mais S. M. aurait été mal servie. »
Ces sages raisonnements firent effet. Le 4 février 1775, le baron
de Meny écrivit à l’ambassadeur que l’Impératrice attendrait les deux
portraits commandés à Duplessis ; elle ne voulait plus recevoir de
ces copies médiocres, dont elle n’avait que trop. C’était un réel sacri-
fice que faisait Marie-Thérèse, car cette femme de génie était inca-
pable de patience et ses serviteurs les plus dévoués redoutaient cette
vivacité passionnée qu’elle transmit à ses enfants, à Marie-Antoinette
aussi bien qu’à Joseph II. Rarement la grande impératrice savait
attendre et, pour une fois par hasard qu’elle s’y résignait, elle n’en
fut pas récompensée ; cette résignation méritoire fut mise à l’épreuve
par l’insouciante légèreté de la jeune Reine de France. Le 18 mars 1775,
l’ambassadeur devait avouer qu’on n’en était pas encore au pre-