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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
dans l’église). Le paysage qui s’étend en arrière du Calvaire est
l’œuvre d’un décorateur de rang inférieur, et certainement de date
postérieure à Ghirlandajo. Quoi qu'il en soit, au temps de Vasari,
trois quarts de siècle après leur exécution, les deux fresques étaient
réunies sur cet autel. Peu de temps après, l’autel fut décoré d’un
retable de Matteo Rosse! 1 i, représentant Sainte Elisabeth, reine de
Portugal, et lorsque, il y a quelques jours, on ôta cette dernière pein-
ture, la décoration primitive reparut derrière, intacte.
Intacte ! hélas, non. Au commencement du xvue siècle, quand
fut édifié le nouvel autel, les deux saints peints placés dans des
niches simulées qui flanquaient, à droite et à gauche, la Déposition
de Croix, furent à moitié détruits par les travaux d’installation de la
Sainte Élisabeth ; et, à la même époque probablement, la Miséri-
corde, et surtout la fresque inférieure., la Déposition, furent considé-
rablement retouchées par une main lourde et inexpérimentée. Mais
telles elles étaient quand le nouveau tableau d’autel fut posé, telles
elles nous apparaissent aujourd’hui.
Des termes employés par Vasari, aussi bien que de l’aspect évi-
dent de l’œuvre même, il résulte que cette fresque dut être exécutée
par Ghirlandajo dans sa toute première période, peut-être dès 1472,
date de la consécration de l’autel, si on admet que la peinture ait
été destinée à cet emplacement. Les analogies que présente le style
de la composition avec celui de Cosimo Rosselli, le condisciple de
Ghirlandajo dans l’atelier d’Alessio Baldovinetli, sont particulière-
ment frappantes dans la figure de Joseph d’Arimathie debout derrière
Je corps du Christ; mais celle partie inférieure est si repeinte qu’elle
ne vaut pas qu’on s’y arrête autrement que pour se demander si elle
est entièrement de la main du grand Ghirlandajo,, ou si plutôt elle
ne doit pas être attribuée à son frère David, hypothèses sur lesquelles
nous n’insisterons pas dans l’état présent de nos connaissances.
Au contraire, la partie supérieure, la lunette, est une des
créations les plus charmantes de l’artiste, peut-être la plus délicieuse
de toutes. Elle n’a malheureusement pas échappé à la main de l’an-
cien retoucheur ; nous la contemplons cependant dans toute l’exquise
finesse du dessin et la fermeté du modelé, presque telle qu’elle sortit
de la main de Ghirlandajo. Les couleurs ont un peu perdu, mais sont,
en somme, dans un état exceptionnel de bonne conservation.
Une jeune et gracieuse Madone, avec un soupçon de gaucherie
naïve dans la pose., est debout au centre de la composition, les bras
étendus et abritant sous son manteau, que deux jolis angelots sou-
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dans l’église). Le paysage qui s’étend en arrière du Calvaire est
l’œuvre d’un décorateur de rang inférieur, et certainement de date
postérieure à Ghirlandajo. Quoi qu'il en soit, au temps de Vasari,
trois quarts de siècle après leur exécution, les deux fresques étaient
réunies sur cet autel. Peu de temps après, l’autel fut décoré d’un
retable de Matteo Rosse! 1 i, représentant Sainte Elisabeth, reine de
Portugal, et lorsque, il y a quelques jours, on ôta cette dernière pein-
ture, la décoration primitive reparut derrière, intacte.
Intacte ! hélas, non. Au commencement du xvue siècle, quand
fut édifié le nouvel autel, les deux saints peints placés dans des
niches simulées qui flanquaient, à droite et à gauche, la Déposition
de Croix, furent à moitié détruits par les travaux d’installation de la
Sainte Élisabeth ; et, à la même époque probablement, la Miséri-
corde, et surtout la fresque inférieure., la Déposition, furent considé-
rablement retouchées par une main lourde et inexpérimentée. Mais
telles elles étaient quand le nouveau tableau d’autel fut posé, telles
elles nous apparaissent aujourd’hui.
Des termes employés par Vasari, aussi bien que de l’aspect évi-
dent de l’œuvre même, il résulte que cette fresque dut être exécutée
par Ghirlandajo dans sa toute première période, peut-être dès 1472,
date de la consécration de l’autel, si on admet que la peinture ait
été destinée à cet emplacement. Les analogies que présente le style
de la composition avec celui de Cosimo Rosselli, le condisciple de
Ghirlandajo dans l’atelier d’Alessio Baldovinetli, sont particulière-
ment frappantes dans la figure de Joseph d’Arimathie debout derrière
Je corps du Christ; mais celle partie inférieure est si repeinte qu’elle
ne vaut pas qu’on s’y arrête autrement que pour se demander si elle
est entièrement de la main du grand Ghirlandajo,, ou si plutôt elle
ne doit pas être attribuée à son frère David, hypothèses sur lesquelles
nous n’insisterons pas dans l’état présent de nos connaissances.
Au contraire, la partie supérieure, la lunette, est une des
créations les plus charmantes de l’artiste, peut-être la plus délicieuse
de toutes. Elle n’a malheureusement pas échappé à la main de l’an-
cien retoucheur ; nous la contemplons cependant dans toute l’exquise
finesse du dessin et la fermeté du modelé, presque telle qu’elle sortit
de la main de Ghirlandajo. Les couleurs ont un peu perdu, mais sont,
en somme, dans un état exceptionnel de bonne conservation.
Une jeune et gracieuse Madone, avec un soupçon de gaucherie
naïve dans la pose., est debout au centre de la composition, les bras
étendus et abritant sous son manteau, que deux jolis angelots sou-