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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
explique le développement qu’avait pris, à la lin du xvic siècle, son
imprimerie hébraïque très renommée, la troisième de l'Italie.
Vespasien, âgé de cinquante-neuf ans, deux mois et deux jours,
rendit le dernier soupir le 27 février 1591, laissant retomber sa tête
sur l’oreiller en murmurant ces mots : « Me voilà guéri ! » Sa fille
Isabelle, née de sa seconde femme Anne d’Aragon, descendante d’un
frère de Ferdinand le Catholique, mariée à Louis Caraffa, prince de
Stigliano, exauça ses derniers vœux avec respect et magnificence.
Gian Battista délia Porta eut la tâche de mettre en œuvre les maté-
riaux les plus rares rassemblés par Vespasien, blocs de rouge de
Sienne, jaune et vert antiques, brocatelles d’Espagne, relevés par des
bases, des chapiteaux et des entablements de Carrare. Le sculpteur-
architecte conçut un monument d’ensemble, dressant la statue de
bronze du duc entre La Justice et La Force, dues à son propre ciseau,
dans un édicule portant au fronton les armes du duc entourées du
collier de la Toison d’or, et flanqué de deux colonnes de serpentin.
Le sarcophage, surmonté du casque de bronze, avec son socle orné
de lourds anneaux, forme une base monumentale à cet ensemble,
qui se trouve encadré dans un arc profond, de la plus noble pro-
portion.
Les historiens de Vespasien ne nous ont point indiqué le nom
de l'architecte de ce beau sépulcre, dont l’état de conservation est
irréprochable ; mais une allusion que nous trouvons dans une lettre
écrite en celte même année 1591 par le cardinal Scipion Gonzague au
duc de Mantoue, lettre publiée par Je laborieux et regretté Bertolotti,
archiviste du dépôt des papiers d’Etat de Rome et de celui de Man-
toue, nous en a révélé l’auteurL Scipion avait connu Girolamo delta
Porta à Rome, et, comme ce dernier se rendait justement en Lom-
bardie, appelé par le prince de Stigliano, il avait pourvu l’artiste de
lettres de recommandation pour la cour de Mantoue. Délia Porta
s’était entremis pour la recherche des marbres antiques, dont le car-
dinal était grand amateur; après avoir parlé, dans sa lettre d’intro-
duction, de deux statues que le sculpteur l’avait mis à même d’ac-
quérir, le cardinal le représente comme « persona rrïolto intendente
d'architettura e di statue chiamato dcd signor principe cli Stigliano
per la sepoltura ciel signor duca di Sabbioneta, che sia in cielo !... »
il fait ainsi comprendre à son parent que cet artiste souhaiterait
vivement d’être attaché à sa maison.
1. Artisti in relazione col li Gonzaga signori di Mantova, parBertoni. Modena,
Vincenzi e nepoli, 1885.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
explique le développement qu’avait pris, à la lin du xvic siècle, son
imprimerie hébraïque très renommée, la troisième de l'Italie.
Vespasien, âgé de cinquante-neuf ans, deux mois et deux jours,
rendit le dernier soupir le 27 février 1591, laissant retomber sa tête
sur l’oreiller en murmurant ces mots : « Me voilà guéri ! » Sa fille
Isabelle, née de sa seconde femme Anne d’Aragon, descendante d’un
frère de Ferdinand le Catholique, mariée à Louis Caraffa, prince de
Stigliano, exauça ses derniers vœux avec respect et magnificence.
Gian Battista délia Porta eut la tâche de mettre en œuvre les maté-
riaux les plus rares rassemblés par Vespasien, blocs de rouge de
Sienne, jaune et vert antiques, brocatelles d’Espagne, relevés par des
bases, des chapiteaux et des entablements de Carrare. Le sculpteur-
architecte conçut un monument d’ensemble, dressant la statue de
bronze du duc entre La Justice et La Force, dues à son propre ciseau,
dans un édicule portant au fronton les armes du duc entourées du
collier de la Toison d’or, et flanqué de deux colonnes de serpentin.
Le sarcophage, surmonté du casque de bronze, avec son socle orné
de lourds anneaux, forme une base monumentale à cet ensemble,
qui se trouve encadré dans un arc profond, de la plus noble pro-
portion.
Les historiens de Vespasien ne nous ont point indiqué le nom
de l'architecte de ce beau sépulcre, dont l’état de conservation est
irréprochable ; mais une allusion que nous trouvons dans une lettre
écrite en celte même année 1591 par le cardinal Scipion Gonzague au
duc de Mantoue, lettre publiée par Je laborieux et regretté Bertolotti,
archiviste du dépôt des papiers d’Etat de Rome et de celui de Man-
toue, nous en a révélé l’auteurL Scipion avait connu Girolamo delta
Porta à Rome, et, comme ce dernier se rendait justement en Lom-
bardie, appelé par le prince de Stigliano, il avait pourvu l’artiste de
lettres de recommandation pour la cour de Mantoue. Délia Porta
s’était entremis pour la recherche des marbres antiques, dont le car-
dinal était grand amateur; après avoir parlé, dans sa lettre d’intro-
duction, de deux statues que le sculpteur l’avait mis à même d’ac-
quérir, le cardinal le représente comme « persona rrïolto intendente
d'architettura e di statue chiamato dcd signor principe cli Stigliano
per la sepoltura ciel signor duca di Sabbioneta, che sia in cielo !... »
il fait ainsi comprendre à son parent que cet artiste souhaiterait
vivement d’être attaché à sa maison.
1. Artisti in relazione col li Gonzaga signori di Mantova, parBertoni. Modena,
Vincenzi e nepoli, 1885.