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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 3
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Lafond, Paul: Adolphe-Félix Cals: petits maîtres oubliés
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0268

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252

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Cals fut un artiste très personnel qui, volontairement, s’éloigna
des sentiers battus et marcha résolument vers la solitude. Fier et
modeste à la fois, il attendit qu’on vint le chercher dans son isole-
ment. S’il eut un instant l’ambition de devenir un peintre célèbre,
d’arriver à la renommée, il fut vite désabusé comme en témoigne ce
passage emprunté à sa correspondance : « Je voudrais, moi, pauvre
et faible travailleur, mais tout dévoué, je le jure, je voudrais laisser
une petite trace de mon passage dans ce monde des arts que j’aime
de toute mon âme... » Cette bouffée de vanité dura peu. Ce fut
une erreur d’un instant. Jamais peintre ne fut moins ambitieux,
plus modeste, plus complètement désintéressé, tout en ayant con-
science de sa valeur. Cals peignait pour le plaisir de peindre : « Il
faut travailler », lisons-nous dans une de ses lettres, « sans se préoc-
cuper d’autre chose que du bonheur de posséder la nature. Il faut y
aller avec passion, avec fureur, ne penser qu'au bonheur de la pos-
session, ce qui n’empêche pas un travail plus calme, plus réfléchi et
dans lequel on apporte aussi ce sentiment passionné que doit toujours
posséder l’artiste. » Sa plus grande préoccupation fut, toute sa vie,
de mieux faire, de progresser, de marcher de l’avant, : « Je ne veux
pas », écrivait-il, « me préoccuper de ce qui peut plaire ou ne pas
plaire au public, qui, du reste, est un troupeau tellement changeant
qu’on risque de se tromper fort en courant après lui. Je me trouve si
heureux de faire ma peinture en toute liberté, que je continuerai,
sans me soucier de ce qu’on en peut dire, tout en cherchant, bien
entendu, à la faire de mon mieux, avec mes moyens à moi... »

Cals n’ambitionna rien au delà de la possibilité d’étudier et de
produire à l’abri du besoin, — à l’abri du besoin, car, hélas ! il
passa les deux tiers de sa vie dans la misère. Il fallut que sa foi en
l’art fût bien grande, l’absorbât bien complètement pour lui avoir
donné le courage et la force de supporter les amertumes de la vie.
Jamais, cependant, il n’abandonna le travail; même dans les jours
les plus sombres^ il exécuta sa tâche, et ses nombreuses toiles
s’entassaient dans un coin de son misérable logis sans trouver
d’acquéreur.

Cals fut bien le véritable artiste auquel, mieux qu’à aucun autre
peut-être, peut être appliquée cette phrase de George Sand à Fro-
mentin : « Que l’on soit apprécié ou non, on peut toujours se sentir
artiste vrai, quand on a précisément ces joies et ces angoisses de la
production, et, que l’on soit triomphant ou désespéré, c’est comme
cela qu’il faut vivre, puisqu’on est né pour cela. » Ah ! oui, il était
 
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