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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

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Nr. 4
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Bertaux, Émile: Le tombeau d'une reine de France à Cosenza en Calabre, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0282

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266

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

versée, s’arrêta quinze jours : le corps de saint Louis fut déposé dans
la basilique palatine de Monreale et y opéra ses premiers miracles ;
on laissa même le cœur du roi de France à l’église des rois nor-
mands1. Puis la marche fut reprise par la route de terre jusqu’à
Messine ; l’armée passa le détroit et s’enfonça dans la Calabre.
Philippe, le nouveau roi de France, logea avec le roi de Sicile dans
la ville de Monteleone, fondée par Frédéric II et encore pleine de sa
gloire. Deux jours plus tard, le 10 janvier 1271, la cour s’arrêta à
Nicastro et les rois passèrent la nuit dans le château dont le grand
empereur avait fait une prison pour Henri, son fils rebelle. Le len-
demain, il fallait prendre le chemin muletier qui franchissait le
mont Reventino, dressé comme une barrière devant la route de
Cosenza. A la fin du jour, les Français devaient atteindre la bour-
gade de Martirano, où le prince Henri avait été apporté mourant : le
jeune homme avait obtenu d’être transféré au donjon de San Marco
Argentaro, et, disait-on, comme il côtoyait un précipice, il avait
échappé à scs gardes et s’était jeté avec son cheval dans l’abîme,
pour y retrouver la liberté.

La route carrossable que l’on suit maintenant pour aller de
Nicastro à Cosenza, en quinze heures de diligence, s’écarte du chemin
ancien. Celui-ci prenait le mont Reventino par l’ouest, tandis que
la route neuve passe à l’est pour gagner, au bout d’interminables
lacets, le village de Soverio. Mais les deux chemins ont à surmonter
le même obstacle et traversent la même montagne farouche, presque
déserte. Quand on abandonne l’étrange véhicule qui somnole le long
de la montée, pour gravir plus léger les sentiers des montagnards,
on se sent pénétré par la tristesse des rochers fauves et des forêts
maigres, même en été, dans la splendeur de la lumière d’Orient qui
baigne ce paysage du Nord. Si l'on se souvient alors des chroniques,
en suivant des yeux une file de mulets et de paysans sombres,, on
pense que le roi et la reine de France ont pris un même sentier,
par un grand froid, pour accompagner vers la terre natale les
restes mortels de saint Louis, et l’on croit voir, à travers les châ-
taigniers et les chênes, passer sur la neige sourde la longue che-
vauchée de deuil.

Donc, les mulets et les chevaux avaient escaladé et redescendu
la montagne et l’on arrivait, non loin de Martirano, au fond d’une
vallée, devant un petit torrent, un affluent du Savuto, qui bondissait
vers la Méditerranée. Il y avait un gué encombré de pierres rou-
i. Recueil des Historiens de France, t. XX, p. 24; t. XXIII, p. 85.
 
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