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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
N’est-ce point par des emprunts analogues que la Renaissance
s’est accusée en Italie au xiv5 siècle1 ? A l’origine, Giotto et son école
se bornaient à copier un motif d’ornement, une statue; peu à peu,
l'esprit se familiarisa avec ces images ; lorsque enfin parurent les
puissants novateurs florentins du commencement du xve siècle, le
terrain était préparé. Ainsi seulement, au prix d’une lente et patiente
assimilation, les réformes deviennent fécondes.
Dans une de ses leçons d’ouverture, le regretté Courajod a mis
en lumière, avec sa verve habituelle et avec un rare bonheur d’ex-
pression, la part que l’exportation, la pacotille, ont eue à la propa-
gande de la Renaissance italienne. J’avais, quant à moi, signalé l’in-
fluence des petits arts sur les grands. Mais je ne m’arrêterai pas à
une question de définition, du moment où nous sommes d’accord sur
le fond même. Il est positif que l’on voit, au xve siècle, se renouveler
le spectacle que nous offrirent, pour l’antiquité, les exportations
phéniciennes, et, pour le Bas-Empire, les exportations byzantines
(tissus, émaux, étoffes, etc.).
Les relations entre l’Italie et les Flandres n’eussent pu être plus
fréquentes, plus intimes qu’elles ne le furent à cette époque. Si de
nombreux artistes flamands ont fait connaître en Italie les principes
de l’école flamande, les modèles italiens n’arrivaient pas en moins
grand nombre dans les Flandres"2. On sait quelle place s’étaient con-
quise partout les marchands et banquiers lombards, originaires,
pour la majeure partie, malgré leur surnom, de Florence, de Sienne
et de Lucques. A Bruges, notamment, les Médicis et bien d’autres
maisons italiennes avaient des comptoirs. On trouve, entre autres,
dans cette ville, en 141G, Marc Guidecon de Lucques; en 1424-f 425,
1. Je suis heureux de me trouver d’accord, sur ce point, avec Louis Courajod.
Dans son excellent travail sur La Sculpture française avant la Renaissance classique
(1889), travail dont, à peu de chose près, toutes les conclusions peuvent être
adoptées, il a défini, avec autant d’esprit que de justesse, le rôle « de ce gracieux
manteau de la décoration architectonique, qui devint rapidement une véritable
robe de Nessus ». Il y a, en outre, signalé, avec beaucoup de sagacité, les traces
d’une imperceptible inlluence italienne dès le xive siècle.
2. C’est par centaines que se chiffrent, comme je l’ai établi ailleurs, les ar-
tistes flamands de toute nature (peintres, tapissiers, brodeurs, etc., pour ne pas
parler des chanteurs) fixés dans la Péninsule au cours du xvc siècle. On y remar-
quera, par contre, la rareté des architectes: nouvelle preuve que la Renaissance
italienne a débuté par l’architecture, incarnée dans le grand Brunellesco ; dans un
domaine où ils avaient, à ce point, conscience de leur supériorité, les Italiens
n’éprouvaient nul besoin de recourir aux étrangers.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
N’est-ce point par des emprunts analogues que la Renaissance
s’est accusée en Italie au xiv5 siècle1 ? A l’origine, Giotto et son école
se bornaient à copier un motif d’ornement, une statue; peu à peu,
l'esprit se familiarisa avec ces images ; lorsque enfin parurent les
puissants novateurs florentins du commencement du xve siècle, le
terrain était préparé. Ainsi seulement, au prix d’une lente et patiente
assimilation, les réformes deviennent fécondes.
Dans une de ses leçons d’ouverture, le regretté Courajod a mis
en lumière, avec sa verve habituelle et avec un rare bonheur d’ex-
pression, la part que l’exportation, la pacotille, ont eue à la propa-
gande de la Renaissance italienne. J’avais, quant à moi, signalé l’in-
fluence des petits arts sur les grands. Mais je ne m’arrêterai pas à
une question de définition, du moment où nous sommes d’accord sur
le fond même. Il est positif que l’on voit, au xve siècle, se renouveler
le spectacle que nous offrirent, pour l’antiquité, les exportations
phéniciennes, et, pour le Bas-Empire, les exportations byzantines
(tissus, émaux, étoffes, etc.).
Les relations entre l’Italie et les Flandres n’eussent pu être plus
fréquentes, plus intimes qu’elles ne le furent à cette époque. Si de
nombreux artistes flamands ont fait connaître en Italie les principes
de l’école flamande, les modèles italiens n’arrivaient pas en moins
grand nombre dans les Flandres"2. On sait quelle place s’étaient con-
quise partout les marchands et banquiers lombards, originaires,
pour la majeure partie, malgré leur surnom, de Florence, de Sienne
et de Lucques. A Bruges, notamment, les Médicis et bien d’autres
maisons italiennes avaient des comptoirs. On trouve, entre autres,
dans cette ville, en 141G, Marc Guidecon de Lucques; en 1424-f 425,
1. Je suis heureux de me trouver d’accord, sur ce point, avec Louis Courajod.
Dans son excellent travail sur La Sculpture française avant la Renaissance classique
(1889), travail dont, à peu de chose près, toutes les conclusions peuvent être
adoptées, il a défini, avec autant d’esprit que de justesse, le rôle « de ce gracieux
manteau de la décoration architectonique, qui devint rapidement une véritable
robe de Nessus ». Il y a, en outre, signalé, avec beaucoup de sagacité, les traces
d’une imperceptible inlluence italienne dès le xive siècle.
2. C’est par centaines que se chiffrent, comme je l’ai établi ailleurs, les ar-
tistes flamands de toute nature (peintres, tapissiers, brodeurs, etc., pour ne pas
parler des chanteurs) fixés dans la Péninsule au cours du xvc siècle. On y remar-
quera, par contre, la rareté des architectes: nouvelle preuve que la Renaissance
italienne a débuté par l’architecture, incarnée dans le grand Brunellesco ; dans un
domaine où ils avaient, à ce point, conscience de leur supériorité, les Italiens
n’éprouvaient nul besoin de recourir aux étrangers.