Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Per. 19.1898

DOI issue:
Nr. 6
DOI article:
Bénédite, Léonce: Les salons de 1898, [2]
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.24683#0480

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
LES SALONS DE 1898

455

M. Bunny, que nous retrouverons plus tard, il faut descendre dans
le groupe des jeunes, devant la toile de M. Paul Leroy, Le Bain, où
de jeunes et jolies femmes se reposent à l’ombre fraîche des figuiers
et des lauriers-roses, au bord d’un torrent, dans la gorge étroite et
paradisiaque d’un lumineux paysage d’Orient, pour retrouver la trace
de cette exquise tradition du culte chaste et respectueux des formes
nues. La jeune fille blonde qui se détend mollement sur le fond de
son voile rose, présente, dans un dessin savant et délicat, avec des
rapports de tons et des passages de nuances les plus fins, l’analyse
la plus subtile de cette pulpe merveilleuse de la chair, marbre ani-
mé, matière divine, comme les pétales des fleurs, qui, dans tous les
milieux, illumine l’ombre ou absorbe toute la lumière.

Dans le courant de l’imagination, le passé joue de plus en plus
chez nous un très faible rôle. On cultive peu le souvenir ; on va di-
tectement au rêve, ou franchement à la vie. Nous sommes peut-
être un peu lassés des défroques d’autrefois ; nous avons assez vécu
sur les vieux oripeaux dont le romantisme et la peinture de genre
nous ont fatigués. Cela sent trop son théâtre. Seul, M. Roybet persiste,
sans se rebuter, et toujours avec la même verve vaillante, à brosser
gaillardement ses grandes toiles d’aujourd’hui dans le goût de ses
petites figures d’autrefois : hallebardiers fièrement campés, reîtres,
jeunes seigneurs effrontés, qui faisaient quelque concurrence aux
lansquenets et aux mousquetaires de Meissonier. Suivant sa mé-
thode, l’artiste réunit, sous un prétexte quelconque, qui rappelle tel
ou tel maître du passé; un groupe d’amis, généralement forts en
couleur, solides gaillards, francs buveurs el gais lurons, en appa-
rence du moins, comme nos bons amis le peintre Guillemet, Vigne-
ron et Prétet, commissaires des expositions. Nous les retrouvons
cette année, en la compagnie plus mélancolique de MM. J.-P. Laurens,
J. Lefebvre, Waltner, Cormon et Bouchor, autour d’un vieil astro-
nome, qui les entretient, à leur grand dépit, d’autres étoiles que de
celles de l’Opéra. Cette réunion, désormais historique, devrait pren-
dre place dans nos collections, comme un des morceaux les plus
fiers, mais aussi les plus sobres, les plus savants, qu’ait jamais peints
cette brosse vigoureuse, qui s’est frottée quelquefois à la palette
de Frans Hais. Mais pourquoi M. Roybet, qu’aucune difficulté n’in-
timide ou ne surprend, renonce-t-il à peindre des hommes de son
temps? L'Atelier des Batignolles de M. Fantin-Latour. au Luxem-
bourg, nous montre si l’on peut intéresser les yeux, malgré nos pan-
talons et nos jaquettes. M. Roybet met des collerettes à ses amis; si
 
Annotationen