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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
à mesure que l’on avance dans le xviii0 siècle, le nombre des artistes
qui s’adonnent à l’illustration des livres va toujours croissant et le
champ qu’ils embrassent s’élargit sans cesse. Nous avons alors
Okomoura Massanobou, Soukénobou, Tanghé et leurs imitateurs et
élèves, qui s’appliquent tant à des sujets tirés de la littérature clas-
sique qu’à la reproduction du monde vivant sous tous ses aspects.
L’illustration des livres et des recueils s’est, en outre, ouverte de
nouvelles voies, en nous donnant des ouvrages d’éducation et d’en-
seignement, des exemples de décor, des traités d’ornementation et
la reproduction des œuvres des vieilles écoles de peinture chinoises
et japonaises.
Nous sommes arrivés ainsi au milieu du xvme siècle, et la
bibliothèque qu'on a pu former de livres illustrés est devenue de
plus en plus riche, mais toutes les gravures produites l’ont été en
noir, du seul ton de l’encre d’imprimerie. On n’a pas encore vu
apparaître, dans les livres, la moindre trace de couleurs appliquées
par l’imprimerie. La gravure en couleurs ne devait pas, en effet,
prendre naissance dans les livres : elle devait se faire jour d’abord
dans une branche de l'art développée à part, spécialement consacrée
à la reproduction des figures d’acteurs et des scènes de théâtre.
La direction que Moronobou avait donnée à l’art de la gravure,
en l’appelant à représenter les divers aspects de la vie du peuple et
de la création vivante, avait eu pour effet de jeter dans la même
voie un certain nombre d’artistes devenus ses élèves ou soumis
à son inlluence. Plusieurs se trouvèrent être eux-mêmes des
hommes doués d’invention, qui surent s’ouvrir des voies propres.
Tel fut, au premier rang, Torii Kyonobou, qui inaugura les repré-
sentations des figures d’acteurs et des scènes de théâtre, gravées et
imprimées sur feuilles volantes. Avant l’apparition du genre créé par
Torii Kyonobou, le théâtre avait déjà donné lieu à des publications
de librairie, sous forme de minces volumes ou plaquettes où se
trouvaient, imprimés et illustrés de gravures, les drames joués
alors. Nous avons de ces sortes de libretti remontant aux années
1677 et 1678. Le mot libretti convient assez bien à les désigner, car,
outre le texte des paroles formant le corps de la pièce jouée, ils con-
tiennent généralement des annotations musicales destinées à guider
les chanteurs ou musiciens. Les pièces de cette période étaient, en
effet, jouées surtout sur des scènes et dans des théâtres d’un ordre spé-
cial, où les personnages étaient figurés par de grandes poupées
mécaniques. Le texte du drame était donc chanté ou scandé par
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
à mesure que l’on avance dans le xviii0 siècle, le nombre des artistes
qui s’adonnent à l’illustration des livres va toujours croissant et le
champ qu’ils embrassent s’élargit sans cesse. Nous avons alors
Okomoura Massanobou, Soukénobou, Tanghé et leurs imitateurs et
élèves, qui s’appliquent tant à des sujets tirés de la littérature clas-
sique qu’à la reproduction du monde vivant sous tous ses aspects.
L’illustration des livres et des recueils s’est, en outre, ouverte de
nouvelles voies, en nous donnant des ouvrages d’éducation et d’en-
seignement, des exemples de décor, des traités d’ornementation et
la reproduction des œuvres des vieilles écoles de peinture chinoises
et japonaises.
Nous sommes arrivés ainsi au milieu du xvme siècle, et la
bibliothèque qu'on a pu former de livres illustrés est devenue de
plus en plus riche, mais toutes les gravures produites l’ont été en
noir, du seul ton de l’encre d’imprimerie. On n’a pas encore vu
apparaître, dans les livres, la moindre trace de couleurs appliquées
par l’imprimerie. La gravure en couleurs ne devait pas, en effet,
prendre naissance dans les livres : elle devait se faire jour d’abord
dans une branche de l'art développée à part, spécialement consacrée
à la reproduction des figures d’acteurs et des scènes de théâtre.
La direction que Moronobou avait donnée à l’art de la gravure,
en l’appelant à représenter les divers aspects de la vie du peuple et
de la création vivante, avait eu pour effet de jeter dans la même
voie un certain nombre d’artistes devenus ses élèves ou soumis
à son inlluence. Plusieurs se trouvèrent être eux-mêmes des
hommes doués d’invention, qui surent s’ouvrir des voies propres.
Tel fut, au premier rang, Torii Kyonobou, qui inaugura les repré-
sentations des figures d’acteurs et des scènes de théâtre, gravées et
imprimées sur feuilles volantes. Avant l’apparition du genre créé par
Torii Kyonobou, le théâtre avait déjà donné lieu à des publications
de librairie, sous forme de minces volumes ou plaquettes où se
trouvaient, imprimés et illustrés de gravures, les drames joués
alors. Nous avons de ces sortes de libretti remontant aux années
1677 et 1678. Le mot libretti convient assez bien à les désigner, car,
outre le texte des paroles formant le corps de la pièce jouée, ils con-
tiennent généralement des annotations musicales destinées à guider
les chanteurs ou musiciens. Les pièces de cette période étaient, en
effet, jouées surtout sur des scènes et dans des théâtres d’un ordre spé-
cial, où les personnages étaient figurés par de grandes poupées
mécaniques. Le texte du drame était donc chanté ou scandé par