GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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tout ce qu’il voyait autour de lui. Jusqu’à l’âge de douze ans, il
fréquenta l’école communale, faisant, dans les heures de récréation,
des dessins de toute espèce, jusqu’à des portraits de son père et de sa
mère. Le maître de l’école, pressentant en lui un futur artiste, le
recommanda à M. Strœbel, peintre d’intérieurs dans le genre de
ceux de Pieter de Hooch.
Il le prend sous sa direction ; puis un marchand de tableaux,
pressentant l’avenir du jeune homme, le fait entrer chez un autre
peintre qui avait un atelier où travaillaient une dizaine d’élèves.
Maris accompagne celui-ci à Anvers, pour revenir quelque temps
après à La Haye, comme rapin, chez Louis Meyer, le Gudin hol-
landais.
En 1865, il vend son premier tableau et, avec son ami Kaem-
merer, il part pour Paris, où il peint des Italiennes, pour gagner sa
vie. Il passe alors une année à suivre l’atelier de Hébert, dont
Th. Gautier a dit qu’il avait « un caractère charmant, une cordialité
sincère, une absence de vanité et d’envie rare : nul parti pris ; il
admire ses rivaux et sait reconnaître les talents qui diffèrent. »
Hébert apprécie la valeur de Maris, lui dit qu'il n’a pas grand’
chose à lui apprendre ; qu’il doit seulement tendre à donner plus
d’élancement à ses figures. En même temps, Maris s’adonne au pay-
sage ; en 1868, il expose une Vue du Rhin qui est remarquée., achetée,
et le succès lui sourit.
Mais la guerre survient bientôt, et, après le siège, Jacob Maris et
sa famille quittent Paris pour venir habiter La Haye, dont désormais
il ne sortira plus que pour aller mourir en Bohême.
C’est à La Haye, dans sa modeste mais confortable habitation,
au milieu de sa charmante famille, dans un intérieur en tous points
semblable aux intimes intérieurs hollandais d’autrefois, que naqui-
rent ces nombreux et impérissables ouvrages qui sont un des plus
purs titres de gloire de sa patrie.
Sa mort est une perte irréparable, et, comme l’a très bien dit
M. Mesdag devant sa tombe ouverte, l'école hollandaise perd en lui
un de ses plus solides soutiens, un de ses maîtres d’avant-garde.
Car Jacob Maris fut un maître dans toute l’acception du mot.
Un bon sens rare, inné comme toutes ses grandes qualités person-
nelles, une intuition exceptionnellement pénétrante, un esprit d’une
vaste envergure, faisaient de lui un véritable grand homme.Ceux qui
l’ont connu intimement savent que chez lui l’homme était aussi beau
que l’artiste, au moral comme au physique. Jacob Maris avait, malgré
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tout ce qu’il voyait autour de lui. Jusqu’à l’âge de douze ans, il
fréquenta l’école communale, faisant, dans les heures de récréation,
des dessins de toute espèce, jusqu’à des portraits de son père et de sa
mère. Le maître de l’école, pressentant en lui un futur artiste, le
recommanda à M. Strœbel, peintre d’intérieurs dans le genre de
ceux de Pieter de Hooch.
Il le prend sous sa direction ; puis un marchand de tableaux,
pressentant l’avenir du jeune homme, le fait entrer chez un autre
peintre qui avait un atelier où travaillaient une dizaine d’élèves.
Maris accompagne celui-ci à Anvers, pour revenir quelque temps
après à La Haye, comme rapin, chez Louis Meyer, le Gudin hol-
landais.
En 1865, il vend son premier tableau et, avec son ami Kaem-
merer, il part pour Paris, où il peint des Italiennes, pour gagner sa
vie. Il passe alors une année à suivre l’atelier de Hébert, dont
Th. Gautier a dit qu’il avait « un caractère charmant, une cordialité
sincère, une absence de vanité et d’envie rare : nul parti pris ; il
admire ses rivaux et sait reconnaître les talents qui diffèrent. »
Hébert apprécie la valeur de Maris, lui dit qu'il n’a pas grand’
chose à lui apprendre ; qu’il doit seulement tendre à donner plus
d’élancement à ses figures. En même temps, Maris s’adonne au pay-
sage ; en 1868, il expose une Vue du Rhin qui est remarquée., achetée,
et le succès lui sourit.
Mais la guerre survient bientôt, et, après le siège, Jacob Maris et
sa famille quittent Paris pour venir habiter La Haye, dont désormais
il ne sortira plus que pour aller mourir en Bohême.
C’est à La Haye, dans sa modeste mais confortable habitation,
au milieu de sa charmante famille, dans un intérieur en tous points
semblable aux intimes intérieurs hollandais d’autrefois, que naqui-
rent ces nombreux et impérissables ouvrages qui sont un des plus
purs titres de gloire de sa patrie.
Sa mort est une perte irréparable, et, comme l’a très bien dit
M. Mesdag devant sa tombe ouverte, l'école hollandaise perd en lui
un de ses plus solides soutiens, un de ses maîtres d’avant-garde.
Car Jacob Maris fut un maître dans toute l’acception du mot.
Un bon sens rare, inné comme toutes ses grandes qualités person-
nelles, une intuition exceptionnellement pénétrante, un esprit d’une
vaste envergure, faisaient de lui un véritable grand homme.Ceux qui
l’ont connu intimement savent que chez lui l’homme était aussi beau
que l’artiste, au moral comme au physique. Jacob Maris avait, malgré