PIERRE DE BERULLE
CARDINA L.
Ierre de Berulle nâquit le 4. Février i„fr Son pere Claude
de Berulle d'une illustre Famille en Champagne & Conseiller au
Parlement fut un Juge d'une probité singuliere,& sa mere Lôüise
Seguier issuë d'une Maison quia donné un nombre considerable de
grands Magistrats au Royaume & de grands Prélats à l'Eglise fut
d'une pieté & d'une vertu sans exemple. Elle se fit Carmélite dés les premieres
années de son veuvage, & ayant vécu jusques à l'âge de 78. ans dans les austeritez
de la Religion , elle mourut entre les bras de son fils qui luy administra tous ses
Sacremens. Il n est pas étonnant que de deux Familles ausli vertueuses ,il soit né
un fils aussi parfait & ausli saint que celuy dont nous parlons. A 18. ans il composa
un Traité de l'abnegation intérieure , d'une très-grande élévation , & qui ne fe
ressentoit point de la foiblesse de son âge. Ses premieres pensées furent d'estre
Religieux ; mais Dieu avoit sur luy d'autres desseins. Une de ses plus grandes oc-
cupations estoit de convertir les Heretiques,à quoy il avoit un talent singulier. Un
jour qu'il disputoit contre un President du Parlement de Pau , Mr. Du Val celebre
Docteur & Professfeur en Théologie l'entendant parler, dit qu'il estoit son maistre
en cette matiere , & quelques jours après il convertit le jeune Comte de Laval en
presence du sçavant Tilenus son Precepteur & son Ministre. Personne n'a eu plus
d'éloignement pour les dignitez & pour les honneurs. Quelque habile qu'il fût en
Théologie , jamais il ne voulut faire d'adions publiques ni prendre de degrez. Il
refusa d'estre Evesque par trois fois differentes ; la premiere fois ce fut le Roy
luy-mesme qui l'en pressa fortement , & qui sur le refus qu'il en fit , dit qu'il le
luy feroit commander par un plus grand que luy , entendant parler du Pape, sur
quoy il eut la sainte hardiesse de repondre, que si Sa Majeste' l'en pressbit
davantage ,il sortiroit du Royaume. Il refusa ensuite l'Evesché de Laon que M.
Seguier son oncle luy vouloir donner ,& depuis celuy de Nantes que luy offrit
M. de Cussé premier President du Parlement de Bretagne. Il ne voulut pas mesme
de l'Abbaye de saint Estienne de Caën que Mr. d'O son parent le prioit d'accep-
ter. Il n'alloit jamais à la Cour qu'il n'y fût mandé , jusques-là que le Roy se
plaignit plusieurs fois de ne le point voir.
La place de Precepteur de Monseigneur le Dauphin luy ayant esté offerte;
il ne voulut jamais l'accepter , quoique le Pere Coton alors Confesseur du Roy
l'en pressast par toute sorte de raisons & mesme du codé de la conscience , en
luy representant qu'il y alloit de l'interest de l'Eglise & de l'Estat , & que le
bien qu'il pouvoit faire à un ordre dont il avoit la conduite ( il entendoit par-
ler des Carmélites qu'il dirigeoit ) n'estoit pas considerable en comparaison de
celuy qu'il feroit à tout un Royaume, en formant à la pieté celuy qui devoir
un jour le gouverner. Dieu le reservoit pour reparer la pieté dans le mesme
Royaume par d'autres voyes , & particulièrement par l'establissement de la
Congrégation des Peres de l'Oratoire qu'il entreprit dans ce temps là. Il estoit
en peine quel chef il donneroit à une si sainte Asfemblée , & ne se jugeant pas
digne d'un tel employ, il s'adresTa à saint François de Sales son intime ami qui
s'en excusa sur ce qu'il estoit designé Evesque de Geneve , & parce qu'il jugeoic