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N doit sçavoir gré à ceux qui possedant parfaitement un Art ;
veulent bien communiquer au Public la connoissance qu'ils en
ont & luy faire part de leurs lumieres , sur tout s'ils ont joint la
pratique à la speculation, & s'ils peuvent appuyer leurs précep-
tes par leurs exemples ; c'est ce qu'a fait celui dont nous par-
lons. Il avoit un genie propre à reüssir en toutes choses; de sor-
te que l'ayant tourné tout entier du côté de la Guerre , & particulièrement vers
la partie qui regarde les Fortifications , il n'est pas croyable quel progrès il a
fait dans cette Science , s'y étant appliqué dés sa plus tendre jeunesse. Il sçavoir
les Mathématiques , non seulement au delà de ce qu'un Gentilhomme qui veut
s'avancer par les armes en aprend ordinairement , mais au delà de ce que les
Maistres qui les enseignent ont accoutumé d'en sçavoir. Il avoit une si grande
ouverture d'esprit pour ces sortes de Sciences, qu'il les apprenoit plus promp-
tement par la feule méditation que par la lecture des Auteurs qui en traitent;
aussi employoit-il moins son loisir à cette lecture qu'à celle des Livres d'Histoi-
re & de Geographie , dont la méditation ne peut donner aucune connoissance,
quelque genie qu'on puisse avoir. Il avoit fait encore une estude particuliere de
la morale & de la politique ; de sorte qu'on peut dire qu'il s'est en quelque façon
dépeint dans son homme héroïque,& qu'il s'estoit rendu l'un des plus parfaits
Gentilshommes de son temps. Le feu Roy en estoit si persuadé , qu'on luy a plu-
sieurs fois entendu dire que le Comte de Pagan estoit un de plus honnestes ,
des mieux faits , des plus adroits & des plus vaillans hommes de son Royaume.
Il naquit en Provence le 5. Mars 1604. & dés l'âge de douze ans il embrassa la
profession des Armes à laquelle il fut élevé avec un soin extraordinaire. Il se
trouva en l'année 162.0. au Siege de Caën , au Combat du Pont de Ce, &à la
réduction de Navarreins & dureste du Bearn, où il se signala & s'aquit une ré-
putation au dessus de celle d'un homme de son âge. L'année d'après il se trouva
aux Sieges de S. Jean d'Angely, de Clerac & de Montauban , où il perdit l'œil
gauche d'un coup de Mousquet. Il fit à ce Siege une autre perte qui ne lui fut
pas moins sensible qui fut celle du Connestable de Luynes quiy mourut du
pourpre. Ce Connestable estoit son parent fort proche & son Protecteur à la
Cour , où il l'avoit attire & fait connoistre son merite.
Au lieu d'estre decouragè par ce malheur , il reprit des forces & une
plus grande confiance qu'il iroit loin dans sa Profession , se persuadant que
la Providence ne l'avoit conservé que pour le favoriser de nouvelles gra^
ces. Il n'y eut depuis ce temps-là aucun Siege , aucun Combat, ni aucune
occasion où il ne se signalât par quelque action ou d'adresse ou de cou-
'rage. Au patfage des Alpes & aux barricades de Suze , il se mit à la telle des
Enfans perdus, des Gardes & de la plus brave Jeunesse ,& entreprit d'arri-
ver le premier à l'attaque par un chemin particulier , mais extrêmement
dangereux, ayant gagné le haut d'une Montagne fort esçarpée. Là ayant crié
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N doit sçavoir gré à ceux qui possedant parfaitement un Art ;
veulent bien communiquer au Public la connoissance qu'ils en
ont & luy faire part de leurs lumieres , sur tout s'ils ont joint la
pratique à la speculation, & s'ils peuvent appuyer leurs précep-
tes par leurs exemples ; c'est ce qu'a fait celui dont nous par-
lons. Il avoit un genie propre à reüssir en toutes choses; de sor-
te que l'ayant tourné tout entier du côté de la Guerre , & particulièrement vers
la partie qui regarde les Fortifications , il n'est pas croyable quel progrès il a
fait dans cette Science , s'y étant appliqué dés sa plus tendre jeunesse. Il sçavoir
les Mathématiques , non seulement au delà de ce qu'un Gentilhomme qui veut
s'avancer par les armes en aprend ordinairement , mais au delà de ce que les
Maistres qui les enseignent ont accoutumé d'en sçavoir. Il avoit une si grande
ouverture d'esprit pour ces sortes de Sciences, qu'il les apprenoit plus promp-
tement par la feule méditation que par la lecture des Auteurs qui en traitent;
aussi employoit-il moins son loisir à cette lecture qu'à celle des Livres d'Histoi-
re & de Geographie , dont la méditation ne peut donner aucune connoissance,
quelque genie qu'on puisse avoir. Il avoit fait encore une estude particuliere de
la morale & de la politique ; de sorte qu'on peut dire qu'il s'est en quelque façon
dépeint dans son homme héroïque,& qu'il s'estoit rendu l'un des plus parfaits
Gentilshommes de son temps. Le feu Roy en estoit si persuadé , qu'on luy a plu-
sieurs fois entendu dire que le Comte de Pagan estoit un de plus honnestes ,
des mieux faits , des plus adroits & des plus vaillans hommes de son Royaume.
Il naquit en Provence le 5. Mars 1604. & dés l'âge de douze ans il embrassa la
profession des Armes à laquelle il fut élevé avec un soin extraordinaire. Il se
trouva en l'année 162.0. au Siege de Caën , au Combat du Pont de Ce, &à la
réduction de Navarreins & dureste du Bearn, où il se signala & s'aquit une ré-
putation au dessus de celle d'un homme de son âge. L'année d'après il se trouva
aux Sieges de S. Jean d'Angely, de Clerac & de Montauban , où il perdit l'œil
gauche d'un coup de Mousquet. Il fit à ce Siege une autre perte qui ne lui fut
pas moins sensible qui fut celle du Connestable de Luynes quiy mourut du
pourpre. Ce Connestable estoit son parent fort proche & son Protecteur à la
Cour , où il l'avoit attire & fait connoistre son merite.
Au lieu d'estre decouragè par ce malheur , il reprit des forces & une
plus grande confiance qu'il iroit loin dans sa Profession , se persuadant que
la Providence ne l'avoit conservé que pour le favoriser de nouvelles gra^
ces. Il n'y eut depuis ce temps-là aucun Siege , aucun Combat, ni aucune
occasion où il ne se signalât par quelque action ou d'adresse ou de cou-
'rage. Au patfage des Alpes & aux barricades de Suze , il se mit à la telle des
Enfans perdus, des Gardes & de la plus brave Jeunesse ,& entreprit d'arri-
ver le premier à l'attaque par un chemin particulier , mais extrêmement
dangereux, ayant gagné le haut d'une Montagne fort esçarpée. Là ayant crié