GARDE DES SCEAUX DE FRANCE.
UiLLAuME du Vair naquit à Paris en l'année 1556. Il ap-
porta au monde , avec l'avantage d'estre d'une Famille illustre ,
tous les talens necessaires pour s'acquerir de la gloire & se faire
des establissemens considerables. Il avoir beaucoup de finesse & de
vivacité dans l'esprit, beaucoup de solidité dans le jugement , & sur
tout une modération admirable , par laquelle s'estant toujours rendu maistre
de luy-mesme , il parvint à se rendre aum le maistre de l'esprit des autres. Il
fut d'abord Conseiller au Parlement de Paris , ensuite Maistre des Requestes ,
&: Intendant à Marseille ,& peu de temps après Conseiller d'Estat. Henry IV.
ayant de plus en plus reconnu son mérite & son habileté à manier les plus
grandes affaires , l'envoya Ambaslàdeur en Angleterre.
Au retour de son Ambassade qui luy fut glorieuse , & utile à l'Estat , Sa Ma-
jesté luy donna la Charge de premier President au Parlement de Provence ,
qu'il exerça pendant vingt années avec l'applaudissement de toute la Province.
Louis XIII. instruit de son merite , crut ne pouvoir donner les Sceaux à
une personne qui pust luy rendre de meilleurs services dans une place qui
le mettoit à la teste de la Justice & de toutes les grandes affaires du Royaume ,
& les luy donna avec une clause dans ses provisions bien honorable , qui estoit
de pouvoir presider à toutes les Compagnies Souveraines du Royaume , de jouir
de tous les honneurs attribuez à la Charge de Chancelier, & d'en estre pour-
vu, si elle venoit à vaquer, sans avoir besoin de nouvelles Lettres.
Il soùtint son rang & sa dignité dans le Conseil contre les Ducs & Pairs avec
une fermeté & une presence d'esprit sans égales, & il aima mieux quitter les
Sceaux, que de complaire au Mareschal d'Ancre qui abusoit de sa faveur. A
peine les eut-il rendus que Sa Majesté connoissant la perte qu'elle faisoit, luy
commanda de les reprendre. A l’occasion de cet événement il s'émeut une
question entre les beaux Esprits de ce temps-là , non moins honorable pour luy
que difficile à resoudre. C'estoit de sçavoir laquelle , de trois journées de sa vie
on devoir trouver la plus belle. Celle où son merite avoir porté le Roy à le
faire venir du fonds de la Provence pour luy donner les Sceaux ; celle où là
probité inssexible les luy avoir fait rendre; ou celle enfin en laquelle ce mesme
merite & cette mesme probité avoientobligé le Roy à les luy redonner.
Son genie d'une étendue prodigieuse se trouva capable de gouverner encore
le Diocese de Lisieux, dont l'Evesché luy fut donné trois ans avant sa moru
Comme sa piété égaloit & surpassoit mesme toutes ses autres vertus , il ne
conduisit pas moins bien les affaires de son Eglise que celle de l'Estat.
Si la maniere dont il se gouverna dans les disferens Emplois de sa vie , est une
preuve incontestable de la bonté & de la force de son esprit , ses Ecrits n'en
rendent pas un moindre témoignage , & en relevent encore infiniment le me-
rite. Il aima les belles Lettres dans toute leur étendue , mais sa passion princi-
pale fut pour l'Eloquence. Il y a excellé au-delà de tous ses concurrens, comme