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Perrault, Charles; Dezallier, Antoine [Oth.]
Les Hommes Illustres Qui Ont Paru En France pendant ce Siecle: Avec leurs Portraits au naturel (Band 1) — A Paris: Chez Antoine Dezallier, 1696

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https://doi.org/10.11588/diglit.73756#0213

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DESSINATEUR ET GRAVEUR
Obert Nanteuil naquit à Rheims en l'année 16p. Son
pere Marchandée cette Ville prit , quoyque très pauvre , un grand
loin de son éducation , & luy fit faire toutes ses estudes. Il eut une
si forte inclination à dessiner dés son enfance ,& il s'y appliqua
si heureusement, que sur la fin de ses deux années de Philosophie,

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il dessina & grava luy-mesme la These qu'il soustint. Il fit toutes ces choses
avec un tel succés, qu'on ne peut s'imaginer l'honneur qu'il en reçust de toute
la Ville; mais comme ccs talens , quoy que tres-beaux , n'estoient pas d'une
grande utilité dans son Pays natal , & que s'estant marié fort jeune , ils ne luy
fournissoient pas de quoy soustenir les despenses du ménage, il resolut d'aller
chercher une meilleure fortune. Il laissa donc sa femme &vint à Paris, où ne
sçachant comment se faire connoistre, il s'avisa de cette invention.
Ayant vu plusieurs jeunes Abbez à la porte d'une Auberge proche de la Sor-
bonne, il demanda à la Maistresse de cette Auberge si un Ecclesiastique de la ville
de Rheims ne logeoit point chez elle , que malheureusement il en avoir oublié
le nom, mais qu'elle pourroit bien le reconnoistre par le portrait qu'il en avoir.
En disant cela il luy montra un Portrait bien dessiné , & qui avoir tout l'air
d'estre fort ressfemblant. Les Abbez qui l'avoient écouté , & qui jetterent les
yeux sur le Portrait en furent si charmez , qu'ils ne pouvoient se lasTer de l'ad-
mirer & de le loüer à l'envi l'un de l'autre. Si vous voulez, Messieurs, leur dit-
il , je vous feray vos Portraits pour peu de chose aussi bien faits & aussi finis que
celuy-là. Le prix qu'il demanda estoit si modique qu'ils se firent tous peindre
l'un après l'autre; & ces Abbez ayant encore amené leurs amis , ils vinrent en
si grand nombre qu'il n'y pouvoir suffire. Cela luy fit augmenter le prix qu'il
en prenoit ; en sorte qu'ayant amassé en peu de temps une somme d'argent
considèrable dans cette Auberge, il s'en retourna à Rheims trouver sa femme
à qui il conta son avanture , & luy montra l'argent qu'il avoir gagné. Ils ven-
dirent aussi.tost ce qu'ils avoient à Rheims , & vinrent s'establir à Paris , où en
peu de temps son merite fut connu de tout le monde. Il s'adonna particulière-
ment à faire des Portraits en pastel , & à les graver ensuite pour servir à des
Theses; en quoy il réüssit au delà de tous ceux qui s'en estoient messez jusqu'a-
lors. Il ne manquoit jamais d'attraper la ressemblance ; & il se vantoit de s'estre
fait pour cela des réglés très allurées.
Il fit le Portrait du Roy en pastel, pour lequel Sa Majesté luy fit donner cent
louis d'or ; ensuite il le grava dans toute sa grandeur, c'est à dire aussi grand
que nature ; ce qui n'avoit point encore esté tenté avec succés par aucun Gra-
veur. Sa Majesté en fut si satisfaite qu'elle créa pour luy une Charge de
Dessinateur & Graveur de son Cabinet , avec des appointemens de mille li-
vres , & luy en fit expedier des Lettres patentes tres-honorables. Jusques-là il avoir
esté presque impossible aux plus habiles Graveurs de bien representer , avec le
seul blanc du papier & le seul noir de l'encre , toutes les autres couleurs que de^
 
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