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https://doi.org/10.11588/diglit.73756#0214
$ ROBERT NANTEÜIL DESSINATEUR ET GRAVEUR.
mande un Portrait lors qu'il est en grand, car lors qu'il est en petit, l'imagination
de celuy qui le regarde les supplée aisément ; cependant on croit voir dans celuy
dont je parle la couleur naturelle du teint, le vermeil des joues , & le rouge des
lèvres , au lieu que dans les Portraits de cette mesme grandeur que la pluspart des
autres ont fait , le teint paroist plombé, les joues livides , & les lèvres violettes ; en
sorte qu'on croitplûtost voir des hommes noyez, que des hommes vivans. Ce
Portrait est peut-estre le plus bel Ouvrage de cette elpece qui ait jamais esté fait.
Il grava ensuite de la mesme maniere le Portrait de la Reine mere, celuy du Car-
dinal Mazarin qui le retint aussi pour son Deslinateur & Graveur , celuy de Mon-
sieur Duc d'Orléans , de M. de Turenne, & de quelques autres encore qui luy
ont acquis une réputation qui ne finira jamais. Voicy de quelle sorte Carlo Dati
parle des Ouvrages de Nanteüil dans la Vie de Zeuxis. Ces paroles d'Apollonius ,
dit-il , m'appellent a contempler avec estonnement l'artisice des Estampes de nos Gra-
veurs modernes , où toutes chefs font fi naïvement reprefentées „ la qualité des esojses ,
la couleur de la carnation , la barbe , les cheveux , & cette poudre legere qui fe met
deffus ; & ce qui es de plus important l'âge, l'air & l^ vive resset blance de la per-
sonne , bien qu'on n) employé autre chofe que le noir de l'encre & le blanc du papier ,
qui ne font pas feulement le clair & l'obfeur , mais l'office de toutes les couleurs. Tout
cela fe voit & s'admire , plus qu'en quelque autre Ouvrage , dans les excellens Por-
traits de l'illusre Nanteüil.
Le Grand Duc voulut avoir son Portrait en pastel fait par luy-mesme pour le
mettre dans sa Gallerie , ou il prenoit plaisir d'assembler les Portraits des Peintres
& des Graveurs illustres , particulierement lors qu'ils estoient de leur main pro-
pre. Il seroit trop long de rapporter icy tous ses Ouvrages , & comme il est aisé
d'en trouver le recueil entier chez les Curieux qui ne sont point contens qu'ils ne
les ayent tous ramassez , je me contenteray de dire qu'il est composé de deux
cens quarante Estampes & davantage , où presque toutes les personnes les plus
qualifiées de 1'Estat sont representées de la maniere la plus noble & la plus natu-
relle. Ce Recueil de Portraits surpasse de beaucoup tous les autres , & par le
nombre & par la beauté des Estampes.
Dés que le gain de son travail l'eut mis un peu à son aise ; la premiere chose à
laquelle il pensa fut de faire venir son Pere , pour le rendre participant du bon-
heur dont il jouïssoit. Le bon homme vint, & tout mal vestu qu'il estoit fut receu
en deseendant du Coche par son fils , bien mis, & habillé comme un homme fort
à son aise , avec toute la tendresse & toutes les marques de joye imaginables ; ce
qui alla jusqu a tirer des larmes de ceux qui en furent témoins. Depuis ce moment,
son plus grand plaisir fut de donner à son Pere toute la satisfaélion qu'il pouvoir
desirer ; ce qu'il continua jusqu'au jour que Dieu l'enleva d'entre ses bras.
Cette pieté ne fut pas seulement recompensée dés ce monde par la satisfa&ion
solide d'avoir comblé de joye celuy dont il tenoit la vie ,& par l'estime qu'il en
acquit d'un bon & genereux naturel, mais par les grâces singulieres que Dieu
luy fit sur la fin de ses jours, en luy donnant les sentimens les plus Chrestiens
qu'on puisse avoir. Il estoit éloquent naturellement, & vif dans ses expressions ,
mais lors que Dieu l'eut touché , rien n'estoit plus pathétique que ce qu'il disoit
sur l'amour de Dieu, & sur les autres matieres de dévotion. Il faisoit aussi des
Vers fort agréables , & les recitoit admirablement bien. Il mourut à Paris le
i8. Décembre 1678. âgé de quarante-huit ans.
mande un Portrait lors qu'il est en grand, car lors qu'il est en petit, l'imagination
de celuy qui le regarde les supplée aisément ; cependant on croit voir dans celuy
dont je parle la couleur naturelle du teint, le vermeil des joues , & le rouge des
lèvres , au lieu que dans les Portraits de cette mesme grandeur que la pluspart des
autres ont fait , le teint paroist plombé, les joues livides , & les lèvres violettes ; en
sorte qu'on croitplûtost voir des hommes noyez, que des hommes vivans. Ce
Portrait est peut-estre le plus bel Ouvrage de cette elpece qui ait jamais esté fait.
Il grava ensuite de la mesme maniere le Portrait de la Reine mere, celuy du Car-
dinal Mazarin qui le retint aussi pour son Deslinateur & Graveur , celuy de Mon-
sieur Duc d'Orléans , de M. de Turenne, & de quelques autres encore qui luy
ont acquis une réputation qui ne finira jamais. Voicy de quelle sorte Carlo Dati
parle des Ouvrages de Nanteüil dans la Vie de Zeuxis. Ces paroles d'Apollonius ,
dit-il , m'appellent a contempler avec estonnement l'artisice des Estampes de nos Gra-
veurs modernes , où toutes chefs font fi naïvement reprefentées „ la qualité des esojses ,
la couleur de la carnation , la barbe , les cheveux , & cette poudre legere qui fe met
deffus ; & ce qui es de plus important l'âge, l'air & l^ vive resset blance de la per-
sonne , bien qu'on n) employé autre chofe que le noir de l'encre & le blanc du papier ,
qui ne font pas feulement le clair & l'obfeur , mais l'office de toutes les couleurs. Tout
cela fe voit & s'admire , plus qu'en quelque autre Ouvrage , dans les excellens Por-
traits de l'illusre Nanteüil.
Le Grand Duc voulut avoir son Portrait en pastel fait par luy-mesme pour le
mettre dans sa Gallerie , ou il prenoit plaisir d'assembler les Portraits des Peintres
& des Graveurs illustres , particulierement lors qu'ils estoient de leur main pro-
pre. Il seroit trop long de rapporter icy tous ses Ouvrages , & comme il est aisé
d'en trouver le recueil entier chez les Curieux qui ne sont point contens qu'ils ne
les ayent tous ramassez , je me contenteray de dire qu'il est composé de deux
cens quarante Estampes & davantage , où presque toutes les personnes les plus
qualifiées de 1'Estat sont representées de la maniere la plus noble & la plus natu-
relle. Ce Recueil de Portraits surpasse de beaucoup tous les autres , & par le
nombre & par la beauté des Estampes.
Dés que le gain de son travail l'eut mis un peu à son aise ; la premiere chose à
laquelle il pensa fut de faire venir son Pere , pour le rendre participant du bon-
heur dont il jouïssoit. Le bon homme vint, & tout mal vestu qu'il estoit fut receu
en deseendant du Coche par son fils , bien mis, & habillé comme un homme fort
à son aise , avec toute la tendresse & toutes les marques de joye imaginables ; ce
qui alla jusqu a tirer des larmes de ceux qui en furent témoins. Depuis ce moment,
son plus grand plaisir fut de donner à son Pere toute la satisfaélion qu'il pouvoir
desirer ; ce qu'il continua jusqu'au jour que Dieu l'enleva d'entre ses bras.
Cette pieté ne fut pas seulement recompensée dés ce monde par la satisfa&ion
solide d'avoir comblé de joye celuy dont il tenoit la vie ,& par l'estime qu'il en
acquit d'un bon & genereux naturel, mais par les grâces singulieres que Dieu
luy fit sur la fin de ses jours, en luy donnant les sentimens les plus Chrestiens
qu'on puisse avoir. Il estoit éloquent naturellement, & vif dans ses expressions ,
mais lors que Dieu l'eut touché , rien n'estoit plus pathétique que ce qu'il disoit
sur l'amour de Dieu, & sur les autres matieres de dévotion. Il faisoit aussi des
Vers fort agréables , & les recitoit admirablement bien. Il mourut à Paris le
i8. Décembre 1678. âgé de quarante-huit ans.