JEAN-BAPTISTE LULLY
SURINTENDANT DE LA MUSIQUE DU ROY
r
'Excellent homme qui se presente icy, ne devoir point ,
estant né en Italie , trouver place dans ce Recueil , suivant la
Loy que nous nous sommes imposée de n'y admettre que des
""' François ; mais il est venu en France dans un si bas âge, & il s'y
est naturalisé de telle sorte qu'on n'a pû le regarder comme un
Essranger. D'ailleurs tous ses Ouvrages de Musique ,& le Genie mesme qui
les a produits ayant esté formez chez nous , il ne faut pas s'estonner si nous
avons crû estre en droit de nous en faire honneur.
A son arrivée en France il s'attacha auprès de Mademoiselle de Montpen-
sier , mais le Roy qui a le goust si exquis pour toutes les belles choses , n'eut
pas plussost oiiy des airs de sa Composition qu'il voulut l'avoir à son service.
Il luy ordonna de prendre soin de ses Violons , car il joüoit de cet Instrument
d'une maniere dont personne n'a jamais approché , & mesme Sa Majesté en
créa une nouvelle bande en sa faveur , qu'on nomma les Petits - violons , qui ins
truits par luy , égalèrent bien-tost & surpasserent mesme la Bande des Vingt-
quatre , la plus celebre de toute l'Europe. Il est vray qu'ils avoient l'avantage de
toiier des Pieces de la composition de M. de Lully , Pièces d'une espece toute
differente de celles que jusques là on avoit entendues. Avant luy on ne consi-
deroit que le chant du Dessus dans les Pieces de Violon ; la Basse & les Parties
du milieu n'estoient qu un simple accompagnement & un gros Contrepoint ,
que ceux qui joüoient ces Parties composoient le plus souvent comme ils l'en-
tendoient, rien n'estant plus aisé qu'une semblable Composition, mais M.
Lully a fait'chanter toutes les Parties presque aussi agréablement que le Dessus ;
il y a introduit des fugues admirables, & sur tout des mouvemens tout nou-
veaux , & jusques-là presque inconnus à tous les Maistres ; il a fait entrer
agréablement dans ses Concerts jusqu'aux Tambours & aux Timbales , Instru-
mens qui n'ayant qu'un seul ton sembloient ne pouvoir rien contribuer à la
beauté d'une harmonie , mais il a sçû leur donner des mouvemens si convena-
bles aux Chants où ils entroient , qui la pluspart choient des Chants de guerre
& de triomphe , qu ils ne touchoient pas moins le cœur , que les Instiumens
les plus harmonieux. Il a sçû parfaitement les Règles de son Art , mais au
lieu que ceux qui l'ont precedé n'ont acquis de la réputation que pour les
avoir bien observées dans leurs Ouvrages , il s'est particuherement distin-
gué en ne les suivant pas , & en se mettant au dessus des Règles & des Pré-
ceptes Un faux accord , une dissonance estoit un écueil où echoüoient les
plus habiles, & ç'a esté de ces faux accords & de ces dissonances que M.
Lully a composé les plus beaux endroits de ses Comportions par l'Art qu'il a
eu de les préparer , de les placer & de les sauver.
On ne luy a pas seulement l'obligation d'avoir compote des pieces de Mu-
sique qui ont fait pendant un trés-long-temps les delices de toute la France, &
qui ont passé chez tous les Etrangers ;mais d'avoir donné une nouvelle face à
SURINTENDANT DE LA MUSIQUE DU ROY
r
'Excellent homme qui se presente icy, ne devoir point ,
estant né en Italie , trouver place dans ce Recueil , suivant la
Loy que nous nous sommes imposée de n'y admettre que des
""' François ; mais il est venu en France dans un si bas âge, & il s'y
est naturalisé de telle sorte qu'on n'a pû le regarder comme un
Essranger. D'ailleurs tous ses Ouvrages de Musique ,& le Genie mesme qui
les a produits ayant esté formez chez nous , il ne faut pas s'estonner si nous
avons crû estre en droit de nous en faire honneur.
A son arrivée en France il s'attacha auprès de Mademoiselle de Montpen-
sier , mais le Roy qui a le goust si exquis pour toutes les belles choses , n'eut
pas plussost oiiy des airs de sa Composition qu'il voulut l'avoir à son service.
Il luy ordonna de prendre soin de ses Violons , car il joüoit de cet Instrument
d'une maniere dont personne n'a jamais approché , & mesme Sa Majesté en
créa une nouvelle bande en sa faveur , qu'on nomma les Petits - violons , qui ins
truits par luy , égalèrent bien-tost & surpasserent mesme la Bande des Vingt-
quatre , la plus celebre de toute l'Europe. Il est vray qu'ils avoient l'avantage de
toiier des Pieces de la composition de M. de Lully , Pièces d'une espece toute
differente de celles que jusques là on avoit entendues. Avant luy on ne consi-
deroit que le chant du Dessus dans les Pieces de Violon ; la Basse & les Parties
du milieu n'estoient qu un simple accompagnement & un gros Contrepoint ,
que ceux qui joüoient ces Parties composoient le plus souvent comme ils l'en-
tendoient, rien n'estant plus aisé qu'une semblable Composition, mais M.
Lully a fait'chanter toutes les Parties presque aussi agréablement que le Dessus ;
il y a introduit des fugues admirables, & sur tout des mouvemens tout nou-
veaux , & jusques-là presque inconnus à tous les Maistres ; il a fait entrer
agréablement dans ses Concerts jusqu'aux Tambours & aux Timbales , Instru-
mens qui n'ayant qu'un seul ton sembloient ne pouvoir rien contribuer à la
beauté d'une harmonie , mais il a sçû leur donner des mouvemens si convena-
bles aux Chants où ils entroient , qui la pluspart choient des Chants de guerre
& de triomphe , qu ils ne touchoient pas moins le cœur , que les Instiumens
les plus harmonieux. Il a sçû parfaitement les Règles de son Art , mais au
lieu que ceux qui l'ont precedé n'ont acquis de la réputation que pour les
avoir bien observées dans leurs Ouvrages , il s'est particuherement distin-
gué en ne les suivant pas , & en se mettant au dessus des Règles & des Pré-
ceptes Un faux accord , une dissonance estoit un écueil où echoüoient les
plus habiles, & ç'a esté de ces faux accords & de ces dissonances que M.
Lully a composé les plus beaux endroits de ses Comportions par l'Art qu'il a
eu de les préparer , de les placer & de les sauver.
On ne luy a pas seulement l'obligation d'avoir compote des pieces de Mu-
sique qui ont fait pendant un trés-long-temps les delices de toute la France, &
qui ont passé chez tous les Etrangers ;mais d'avoir donné une nouvelle face à