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https://doi.org/10.11588/diglit.73756#0137
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DESCARTES
RENÉ
PHILOSOPHE
Eux qui ont eu la force de faire changer de face aux choses
qu'ils ont trouvé établies dans le monde , ont tousjours esté con-
sierez , comme des Hommes extraordinaires , sur tout lorsquece
changement estoit difficile à faire , ou d'une utilité considerabla
Suivant ce principe on doit estimer beaucoup celuy dont je parle;
La Philosophie d'Aristote estoit establie par tout & de telle force qu'il nestoit
pas permis d aller contre le sentiment & les décisions de ce Philosophe. La Rai-
ion mesme ne tenoit pas devant luy, & il falloit qu'elle se teust dés qu'il par-
loin Cependant Descartes a avancé des maximes toutes differentes des siennes:
Il a pris dans la Physique des routes toutes opposées , & il a eu la force de les
faire preferer par les trois quarts du monde à celles d'Aristote , qui jusqua luy
avoient paru les seules véritables.
Il fut fils de Joachim Descartes Conseiller au Parlement de Bretagne & nâ-
quità la Haye en Touraine le 31. Mars de l'année 1596. L'inclination naturelle
qu'il avoit à vouloir connoistre les causes de toutes choses , & les questions
continuelles qu'il faisoit à son pere pour s'en instruire, faisoient qu'il l'appelloit
ordinairement son Philosophe. Lorsqu'il se trouva assés fort pour commencer
ses Estudes,car il estoit né fort delicat , son pere le mit au College de la Fle-
che sous la conduite du Pere Charlot son parent , & ensuite sous celle du Pere
Dinet depuis Confesseur des Rois Henry IV. & Louis XIII. Il surpassa tous ses
Compagnons dans tout ce qu'on leur enseignoit , & particulierement dans la
Poësie qu'il a tousjours beaucoup aimée. Il aimoit austi avec passion la lecture
de tous les bons Livres sur quelque matiere que ce fust, contre la coustume de
plusieurs Philosophes qui méprisent tout ce qui n'est pas Philosophie ou pure
Mathématique. Outre l'Estude des belles Lettres qu'il sit au College , il y fit
aussi des Amis qu'il conserva toute sa vie , entre-autres Marin Mersenne qui
fut depuis Minime , grand amateur de la Philosophie & des Mathématiques,
& qui estoit comme son resident à Paris pour ses affaires de Philosophie. Il
acheva ses Eludes à l'âge de 16. ans peu satisfait de ce qu'il y avoit appris. Il
ne voulut retenir de la Logique qu'on luy avoit enseignée que les quatre prin-
cipes qui suivent : Qu'on ne doit tenir pour vray que ce qui est très-évident §
Qu'il faut diviser les choses pour les connoistre ; Qu'il faut conduire ses pensées
par ordre ; Et qu'il ne faut rien omettre dans ce qu'on divise. Il en fit de mesme
de la Morale , dont il ne voulut retenir que ces quatre maximes : Qu'il faut
obéir aux Loix & aux Coustumes de son Pays; Qu'il faut estre ferme dans ses
resolutions , & suivre aussi constament les opinions douteuses , quand on s'y
est une fois déterminé, que les plus asseurées ; Qu'on doit travailler plustost à
se vaincre soy-mesme qu'à vaincre la fortune ; Et quïl faut rechercher la Vérité
sur toutes choses , & en faire son principal Employ sans blâmer les occupations
des autres.
En entrant dans le monde il se jetta dans le Jeu & dans les autres divers
DESCARTES
RENÉ
PHILOSOPHE
Eux qui ont eu la force de faire changer de face aux choses
qu'ils ont trouvé établies dans le monde , ont tousjours esté con-
sierez , comme des Hommes extraordinaires , sur tout lorsquece
changement estoit difficile à faire , ou d'une utilité considerabla
Suivant ce principe on doit estimer beaucoup celuy dont je parle;
La Philosophie d'Aristote estoit establie par tout & de telle force qu'il nestoit
pas permis d aller contre le sentiment & les décisions de ce Philosophe. La Rai-
ion mesme ne tenoit pas devant luy, & il falloit qu'elle se teust dés qu'il par-
loin Cependant Descartes a avancé des maximes toutes differentes des siennes:
Il a pris dans la Physique des routes toutes opposées , & il a eu la force de les
faire preferer par les trois quarts du monde à celles d'Aristote , qui jusqua luy
avoient paru les seules véritables.
Il fut fils de Joachim Descartes Conseiller au Parlement de Bretagne & nâ-
quità la Haye en Touraine le 31. Mars de l'année 1596. L'inclination naturelle
qu'il avoit à vouloir connoistre les causes de toutes choses , & les questions
continuelles qu'il faisoit à son pere pour s'en instruire, faisoient qu'il l'appelloit
ordinairement son Philosophe. Lorsqu'il se trouva assés fort pour commencer
ses Estudes,car il estoit né fort delicat , son pere le mit au College de la Fle-
che sous la conduite du Pere Charlot son parent , & ensuite sous celle du Pere
Dinet depuis Confesseur des Rois Henry IV. & Louis XIII. Il surpassa tous ses
Compagnons dans tout ce qu'on leur enseignoit , & particulierement dans la
Poësie qu'il a tousjours beaucoup aimée. Il aimoit austi avec passion la lecture
de tous les bons Livres sur quelque matiere que ce fust, contre la coustume de
plusieurs Philosophes qui méprisent tout ce qui n'est pas Philosophie ou pure
Mathématique. Outre l'Estude des belles Lettres qu'il sit au College , il y fit
aussi des Amis qu'il conserva toute sa vie , entre-autres Marin Mersenne qui
fut depuis Minime , grand amateur de la Philosophie & des Mathématiques,
& qui estoit comme son resident à Paris pour ses affaires de Philosophie. Il
acheva ses Eludes à l'âge de 16. ans peu satisfait de ce qu'il y avoit appris. Il
ne voulut retenir de la Logique qu'on luy avoit enseignée que les quatre prin-
cipes qui suivent : Qu'on ne doit tenir pour vray que ce qui est très-évident §
Qu'il faut diviser les choses pour les connoistre ; Qu'il faut conduire ses pensées
par ordre ; Et qu'il ne faut rien omettre dans ce qu'on divise. Il en fit de mesme
de la Morale , dont il ne voulut retenir que ces quatre maximes : Qu'il faut
obéir aux Loix & aux Coustumes de son Pays; Qu'il faut estre ferme dans ses
resolutions , & suivre aussi constament les opinions douteuses , quand on s'y
est une fois déterminé, que les plus asseurées ; Qu'on doit travailler plustost à
se vaincre soy-mesme qu'à vaincre la fortune ; Et quïl faut rechercher la Vérité
sur toutes choses , & en faire son principal Employ sans blâmer les occupations
des autres.
En entrant dans le monde il se jetta dans le Jeu & dans les autres divers