BLAISE PASCAL
Laise Pascal , fils d'Estienne Pascal President en la Cour des
Aydes à Clermont en Auvergne, & d'Antoinette Begon , nâquit
à Clermont le dix-neufième Juin 161;. son Pere qui n'avoit que
ce fils ne put se resoudre à confier son éducation qu'à luy-mê-
me;de sorte que celuy dont je parle ,n'est jamais entré dans au-
cun College, &: n'a jamais eu d'autre Maistre que son Pere , qui vint à Paris
pour ne vacquer qu'à cette seule affaire ; chose qui luy auroit esté impossible
dans la Province , où l'exercice de sa Charge & les visites de ses Amis l'auroienc
trop occupé. Sa principale maxime dans cette éducation fut de tenir toujours
son fils au dessus de son travail , c'est-à-dire de ne le faire étudier à quelque cho-
se que ce fût , qu'il ne pût la comprendre avec facilité. Pour cet effet il ne vou-
lut point commencer à luy apprendre le Latin qu'il n'eût douze ans , & qu'a-
prés luy avoir rempli l'esprit d'un grand nombre d'autres connoissances moins
difficiles.
Dans ce tems l'amour de la vérité qui a toujours esté la paslion dominante de
Monsieur Pascal , luy donna un si grand desir d'apprendre les Mathématiques,
qu'il s'y appliqua deluy-même & malgré la défense de son Pere , qui desirant
qu'il s'addonnât tout entier à l'étude des Langues Grecque & Latine , craignoit
que les charmes qu'il trouveroit dans les Mathématiques , ne l'en détournaient.
Cependant il poussa tout seul & tout jeune qu'il estoit ses recherches si avant ,
qu'il en vint jusqu'à la trente-deuxième proposition d'Euclide , sur la démon-
stration de laquelle son Pere le surprit un jour, non sans une extrême joye de
voir le progrès étonnant que son fils avoir fait dans cette science sans le se-
cours d'aucun autre Livre ni d'aucun Maître.
A l'âge de 16. ans il fit un Traité des Serions Coniques, qui passa pour un si
grand esfort d'esprit, qu'on disoit que depuis Archimede on n'avoit rien vû
de cette force. Comme il ne s'est jamais soucié de la réputation , il ne voulut
pas qu'on l'imprimât malgré les instances des amis de son Pere qui le souhait-
toient avec ardeur & pour la beauté de l'ouvrage & pour la circonstance de
l'âge de l'auteur qui en relevoit encore le merite. A dix-neuf ans il inventa &
fit faire sous ses yeux cette machine admirable d'Arithmétique avec laquelle
on fait toute sorte de supputations , non seulement sans plume &: sans jettons ,
mais sans sçavoir aucune regle d'Arithmétique & sans aucune crainte de se
tromper. Il fut deux ans à la mettre dans la perfection où il l'a laissée ; & cette
longueur de tems ne vint point de la peine qu'il eut à inventer les mouvemens,
mais de la difficulté qu'il trouvaà les faire bien comprendre aux Ouvriers. Il
s'appliqua ensuite à diverses experiences physiques , & particulierement à celles
par lesquelles on connoît la disferente pesanteur de l'air, sélon qu'il est plus ou
moins éloigné de la terre , & avec lesquelles on prouve que cette pesanteur de
l'air esteause de tous les esfets qu'on avoir atribuez jusques-la à l'horreur qu'on
vouloir que la nature eut pour le vuide. Ces experiences ont purgé la philolcr
phie de cette erreur grossiere , & ont beaucoup servi à la connoissance des cho-
ses naturelles & dans les Mécaniques, sur tout au sujet des pompes qui agissent
par attraction.
Laise Pascal , fils d'Estienne Pascal President en la Cour des
Aydes à Clermont en Auvergne, & d'Antoinette Begon , nâquit
à Clermont le dix-neufième Juin 161;. son Pere qui n'avoit que
ce fils ne put se resoudre à confier son éducation qu'à luy-mê-
me;de sorte que celuy dont je parle ,n'est jamais entré dans au-
cun College, &: n'a jamais eu d'autre Maistre que son Pere , qui vint à Paris
pour ne vacquer qu'à cette seule affaire ; chose qui luy auroit esté impossible
dans la Province , où l'exercice de sa Charge & les visites de ses Amis l'auroienc
trop occupé. Sa principale maxime dans cette éducation fut de tenir toujours
son fils au dessus de son travail , c'est-à-dire de ne le faire étudier à quelque cho-
se que ce fût , qu'il ne pût la comprendre avec facilité. Pour cet effet il ne vou-
lut point commencer à luy apprendre le Latin qu'il n'eût douze ans , & qu'a-
prés luy avoir rempli l'esprit d'un grand nombre d'autres connoissances moins
difficiles.
Dans ce tems l'amour de la vérité qui a toujours esté la paslion dominante de
Monsieur Pascal , luy donna un si grand desir d'apprendre les Mathématiques,
qu'il s'y appliqua deluy-même & malgré la défense de son Pere , qui desirant
qu'il s'addonnât tout entier à l'étude des Langues Grecque & Latine , craignoit
que les charmes qu'il trouveroit dans les Mathématiques , ne l'en détournaient.
Cependant il poussa tout seul & tout jeune qu'il estoit ses recherches si avant ,
qu'il en vint jusqu'à la trente-deuxième proposition d'Euclide , sur la démon-
stration de laquelle son Pere le surprit un jour, non sans une extrême joye de
voir le progrès étonnant que son fils avoir fait dans cette science sans le se-
cours d'aucun autre Livre ni d'aucun Maître.
A l'âge de 16. ans il fit un Traité des Serions Coniques, qui passa pour un si
grand esfort d'esprit, qu'on disoit que depuis Archimede on n'avoit rien vû
de cette force. Comme il ne s'est jamais soucié de la réputation , il ne voulut
pas qu'on l'imprimât malgré les instances des amis de son Pere qui le souhait-
toient avec ardeur & pour la beauté de l'ouvrage & pour la circonstance de
l'âge de l'auteur qui en relevoit encore le merite. A dix-neuf ans il inventa &
fit faire sous ses yeux cette machine admirable d'Arithmétique avec laquelle
on fait toute sorte de supputations , non seulement sans plume &: sans jettons ,
mais sans sçavoir aucune regle d'Arithmétique & sans aucune crainte de se
tromper. Il fut deux ans à la mettre dans la perfection où il l'a laissée ; & cette
longueur de tems ne vint point de la peine qu'il eut à inventer les mouvemens,
mais de la difficulté qu'il trouvaà les faire bien comprendre aux Ouvriers. Il
s'appliqua ensuite à diverses experiences physiques , & particulierement à celles
par lesquelles on connoît la disferente pesanteur de l'air, sélon qu'il est plus ou
moins éloigné de la terre , & avec lesquelles on prouve que cette pesanteur de
l'air esteause de tous les esfets qu'on avoir atribuez jusques-la à l'horreur qu'on
vouloir que la nature eut pour le vuide. Ces experiences ont purgé la philolcr
phie de cette erreur grossiere , & ont beaucoup servi à la connoissance des cho-
ses naturelles & dans les Mécaniques, sur tout au sujet des pompes qui agissent
par attraction.