DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.73756#0037
JEAN PIERRE CAMUS
EVESQ_U E DE BELLE Y.
EanPterre CAMu$, fut nommé à l'Evêché de Belley
par Henry IV. en l'année 1609. & fut sacré le 30. Decembre
de la même année par Saint François de Sales. Ce fut un véri-
table Evêque de quelque côté qu'on le regarde , soit pour sa
science , particulierement dans les matieres Ecclesiastiques , soit
pour son zele à instruire & à convertir les ames , donnant tout
le temps que la conduite de son Diocese luy pouvoir laisser , ou à composer
des livres pour l'édification des Fidèles , ou à prescher avec une ardeur & une
charité qui attiroit & touchoit tout le monde. Son zele s'alluma particuliere-
ment contre la faineantise & la morale relâchée de quelques Moines de son
temps ;& il ne cessa de déclamer contre eux,& de vive voix, & par des livres
presque sans nombre. Le Cardinal de Richelieu pressé & perlècuté par ces
Moines , d'obliger ce bon Evêque à ne plus prescher ny écrire contre eux , tira
parole de luy , qu'à l'avenir il les laisferoit en repos , & luy dit ces paroles: Je
ne trouve aucun autre deffaut en vous, que cet horrible acharnement contre les
Moines, & sans cela je vous canoniserois. Monsieur de Belley que sa grande
pieté n'empêchoit pas d'être fort agréable dans ses reparties , luy répondit:
Plût à Dieu , Monseigneur , que cela pût arriver , nous aurions l'un & l'autre
ce que nous sbuhaitons , vous seriez Pape, & je serois Saint.
Il écrivoit avec une facilité incroyable , & le nombre des Livres qu'il a com-
posez est étonnant. Son style quoyque peu châtié , plaisoit dans ce temps-là ,
& on aimoit la hardiesse de ses metaphores quoy qu un peu entassfees les unes
sur les autres , à cause de l'abondance agréable des images qu'elles forment ,
& du grand nombre de choses qu on y apprend tout a la fois.
Dans ce temps les Romans vinrent fort a la mode, ce qui commença par
celuy de l'Astrée, dont la beauté fit les délices & la folie de toute la France ,
& même des Païs étrangers les plus éloignez. L'Evêque de Belley ayant con-
sideré que cette lecture étoit fort contraire à l'esprit du Christianisme, & que
remplissant l'esprit des sentimens de l'amour profane, elle étoit un obstacle
au progrès de l'amour de Dieu dans les ames : mais ayant consideré en mesme
temps qu'il estoit comme impossible de détourner les jeunes gens d'un amu-
sement si agréable & si conforme aux inclinations de leur âge , il chercha les
moyens de faire diversion, en composant des histoires où il y eût de l'amour,
& qui par là se fixent lire ; mais qui élevassent insensiblement le cœur à Dieu
parles fentimens de pieté qu'il y inseroit adroitement , & par les catastrophes
chrestiennes de toutes leurs avantures : car toujours l'un ou 1autre des Amans,
ou tous les deux ensemble , ayant considere le néant des choses du monde , la
malice des hommes , le peril que 1 on court sans cesfe de son salut , en mar-
chant dans les voyes du siecle , prenoient la resolution de se donner entière-
ment à Dieu,en renonçant à toutes choses , & en embrasant la vie Religieusè.
Ce fut un heureux artifice que son ardente charité quile rendoit toutatous,luy