PAUL PELLISSON FONTANIER
DE L'ACADEMIE FRANÇOISE
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Aul Pellisson Fontanier nâquit à Beziers en l'année
1614. Son Pere estoit Conseiller à la Chambre de l'Edit de Lan-
guedoc. Son grand Pere Conseiller au Parlement de Thoulouse„
& son Bisayeul premier President au Parlement de Chamberi ,
après avoir esté Maistre des Requestes , Ambassadeur en Portu-
gal,& Commandant pour le Roy en Savoye quand François I. s'en rendit le
Maistre.
Monsieur PellisTon avoit un si beau naturel pour l'Eloquence & pour la Poë-
sie , qu'il surpassa aisément tous les compagnons de ses études ; & comme il
n'estoit pas possïble qu'un aussi beau Genie & daussi grande étendue demeurait
enfermé dans une Ville de Province , il vint à Paris dés qu'il en put obtenir la per-
mission de ses Parens , &fit connoissance avec tout ce qu'il y avoit alors de per-
sonnes distinguées par la beauté de leur esprit ou par la profondeur de leur Scien-
ce. Des affaires domestiques l'obligèrent de retourner à Castres , d'où il revint peu
de temps après , mais si défigure par la petite verole & par une ssuxion maligne
qui luy tomba sur ie visage, que ses amis eurent de la peine à le reconnoistre.
Cependant comme son esprit n'estoit point changé, & que mesme le temps y
avoit encore ajousté de la vivacité & de la force, il n'en fut pas moins consi-
deré ni recherché de tout le monde. Le merite de Mademoiselle de Scudery
déja connu par ses Ouvrages, quoyqu'elle ne les avoüast pas & qui attiroit
l'admiration de toutle monde , malgrétous les voiles dont sa Modestie taschoit
de le cacher , le toucha particulierement & luy fit souhaiter avec ardeur d'a¬
voir son estime & sa bienveillance. Ce souhait fut réciproque, & ils ont con-
servé jusqu'à la mort une amitié l'un pour l'autre, quin'a gueres d'exemple
pour sa durée & pour sa solidité. Dans les premieres années de sa jeunesse il
composa un nombre presque infini de Poësies agréables & de petites Pieces en
Prose les plus ingenieuses qu'ont ayt jamais veuës , qui ont fait les delices de
Paris & de toute la France pendant un fort long-temps.
Il composa entr'autres choses l'Histoire de l'Academie Françoise d'un stile
dont on ne peut trop louer la justesTe & la brièveté dans un temps où l'on estoit
ordinairement diffus. Cette Histoire est un modelle en ce genre décrirez
L'Academie touchée de l'honneur qu'il luy faisoit,luy donna une place dans
son Corps , quoyqu'il n'y en eust point de vacante : Faveur qui n'avoit point
d'exemple , & qui apparemment n'en aura plus , estant difficile qu'un autre
homme fasse à l'avenir quelque chose pour elle qui merite une semblable re-
connoissance. Monsieur Foucquet Procureur General & Surintendant des Fi-
nances fort sensible aux talens de l'esprit & qui luy connoissoit un grand fonds
de bon sens, voulut l'avoir auprès de luy & l'employa dans les affaires. La dis-
grace de Monsieur Foucquet estant arrivée peu de temps après causa sa ruine
entière & le fit mettre à la Bastille. Ses amis regarderent comme un très-grand
malheur ce terrible changement de fortune, quoyqu'ils ne doutassent point de
son innocence, & ils ne pouvoient trop déplorer sa captivité qui dura plus de