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https://doi.org/10.11588/diglit.73756#0070
16 LE VICOMTE DE TÜRENNE.
offrant de luy faire épouser une de ses parentes. La Reine Mere luy ayant en-
voyé le Baston de Mareschal de France avec le Commandement de l'Armée
d'Allemagne , il trouva les Troupes en si mauvais estat, qu'il vendit sa Vaissfel-
le d'argent pour habiller les Soldats & pour remonter la Cavalerie , ce qu'il a
fait plus d'une fois dans le cours de sa vie. Il commanda la principale Armée
du Roy depuis l'année 1652. jusqu'à la Paix des Pyrenées. Rien n'est plus admi-
rable que la suite des belles allions qu'il fit dans ces temps difficiles, où la Fran-
ce divisée avoit à se défendre contre les Etrangers & contre ses propres Enfans.
On peut dire qu'il soûtint alors presque seul tout le Corps de l'Estat. La posterité
aura peine à comprendre comment avec le peu de Troupes qu'il avoit , il pou-
voit faire face de tous costez , & quoique le plus foible en la pluspart des occa-
sions, en sortir neantmoins toujours avec avantage. Il est vrai que personne n'a
jamais sçu mieux conduire une Armée , la mieux poster , la faire mieux com-
battre , & sur tout la mieux conserver ; aussi les Soldats avoient une telle con-
fiance en sa sagesfe , qu'en quelque lieu qu'il les fist camper , ils dormoient sans
inquiétude de l'Ennemy, persuadez qu'il avoit pourvu à tout , & qu'il n'étoit pas
pofrible de le surprendre. Ils l'appelloient leur Pere , non-seulement à cause du
grand soin qu'il avoit de leur conservation , mais à cause des manieres douces
& tendres dont il les traitoit , & des secours extraordinaires qu'il leur procu-
roit , soit dans leurs blessures , soit dans leurs maladies. Il fit lever le Siege d'Ar-
ras, & eut quelque temps après la Charge de Colonel General de la Cavalerie
legere , vacante par la mort du Duc de Joyeuse Prince de la Maison de Lor-
raine. Il battit les Espagnols à la bataille des Dunes, quoiqu'ils eussent de leur
costé le Prince de Condé : Action capable seule de faire l'éloge du plus grand
de tous les Capitaines.
En 1667. il accompagna le Roy à la conqueste d'une partie de la Flandre ;
& donna les premieres leçons de la Guerre à ce grand Monarque , qui depuis
les a si bien mises en pratique. Sa modération a été au delà de tout ce qu'on
raconte des Philosophes les plus moderez, & qui n'avoient que cette qualité
pour se faire estimer. Tant de Vertus morales dans un homme d'une si grande
valeur , faisoient souhaiter à tout le monde sa conversion, qui arriva enfin en
l'année 1668. Il avoit eu plusieurs conversations sur ce sujet si important avec
son neveu le Duc d'Albret depuis Cardinal de Boüillon, & avec l'Âbbé Bossuet
depuis Evesque de Condom. Personne n'en resfentit plus de joye que le Roy ,
qui en créant pour luy la Charge de Mareschal general de ses Camps & Armées ,
luy avoit dit à Toulouse qu'il ne tiendroit qu'à luy d'avoir une Charge encore
plus considerable en levant l'obstacle de sa Religion. Mais ce Prince refusa alors
sans peine cette marque d'honneur & tous les autres avantages qu'on lui pro-
posa , dans la crainte qu'on ne les regardast comme des motifs de sa conver-
sion. Sa mort qui arriva le 27. Juillet 1675. fut digne de sa vie-, il s'avançoit pour
combattre les Ennemis , & il les avoit engagez dans un si mauvais poste , qu'il
étoit presque seur de la vidoire. Il fut emporté d'un coup de canon, qui en
terminant sa vie , acheva de la combler de gloire. Le Roy lui fit faire un Ser-
vice solemnel dans l'Eglise de Nôtre-Dame de Paris , où toutes les Compagnies
Superieures se trouvèrent ,&son corps fut porté à S. Denis, sepulture ordinaire
de nos Rois , où ensuite on lui a élevé un Mausolée tres.magnifique.
offrant de luy faire épouser une de ses parentes. La Reine Mere luy ayant en-
voyé le Baston de Mareschal de France avec le Commandement de l'Armée
d'Allemagne , il trouva les Troupes en si mauvais estat, qu'il vendit sa Vaissfel-
le d'argent pour habiller les Soldats & pour remonter la Cavalerie , ce qu'il a
fait plus d'une fois dans le cours de sa vie. Il commanda la principale Armée
du Roy depuis l'année 1652. jusqu'à la Paix des Pyrenées. Rien n'est plus admi-
rable que la suite des belles allions qu'il fit dans ces temps difficiles, où la Fran-
ce divisée avoit à se défendre contre les Etrangers & contre ses propres Enfans.
On peut dire qu'il soûtint alors presque seul tout le Corps de l'Estat. La posterité
aura peine à comprendre comment avec le peu de Troupes qu'il avoit , il pou-
voit faire face de tous costez , & quoique le plus foible en la pluspart des occa-
sions, en sortir neantmoins toujours avec avantage. Il est vrai que personne n'a
jamais sçu mieux conduire une Armée , la mieux poster , la faire mieux com-
battre , & sur tout la mieux conserver ; aussi les Soldats avoient une telle con-
fiance en sa sagesfe , qu'en quelque lieu qu'il les fist camper , ils dormoient sans
inquiétude de l'Ennemy, persuadez qu'il avoit pourvu à tout , & qu'il n'étoit pas
pofrible de le surprendre. Ils l'appelloient leur Pere , non-seulement à cause du
grand soin qu'il avoit de leur conservation , mais à cause des manieres douces
& tendres dont il les traitoit , & des secours extraordinaires qu'il leur procu-
roit , soit dans leurs blessures , soit dans leurs maladies. Il fit lever le Siege d'Ar-
ras, & eut quelque temps après la Charge de Colonel General de la Cavalerie
legere , vacante par la mort du Duc de Joyeuse Prince de la Maison de Lor-
raine. Il battit les Espagnols à la bataille des Dunes, quoiqu'ils eussent de leur
costé le Prince de Condé : Action capable seule de faire l'éloge du plus grand
de tous les Capitaines.
En 1667. il accompagna le Roy à la conqueste d'une partie de la Flandre ;
& donna les premieres leçons de la Guerre à ce grand Monarque , qui depuis
les a si bien mises en pratique. Sa modération a été au delà de tout ce qu'on
raconte des Philosophes les plus moderez, & qui n'avoient que cette qualité
pour se faire estimer. Tant de Vertus morales dans un homme d'une si grande
valeur , faisoient souhaiter à tout le monde sa conversion, qui arriva enfin en
l'année 1668. Il avoit eu plusieurs conversations sur ce sujet si important avec
son neveu le Duc d'Albret depuis Cardinal de Boüillon, & avec l'Âbbé Bossuet
depuis Evesque de Condom. Personne n'en resfentit plus de joye que le Roy ,
qui en créant pour luy la Charge de Mareschal general de ses Camps & Armées ,
luy avoit dit à Toulouse qu'il ne tiendroit qu'à luy d'avoir une Charge encore
plus considerable en levant l'obstacle de sa Religion. Mais ce Prince refusa alors
sans peine cette marque d'honneur & tous les autres avantages qu'on lui pro-
posa , dans la crainte qu'on ne les regardast comme des motifs de sa conver-
sion. Sa mort qui arriva le 27. Juillet 1675. fut digne de sa vie-, il s'avançoit pour
combattre les Ennemis , & il les avoit engagez dans un si mauvais poste , qu'il
étoit presque seur de la vidoire. Il fut emporté d'un coup de canon, qui en
terminant sa vie , acheva de la combler de gloire. Le Roy lui fit faire un Ser-
vice solemnel dans l'Eglise de Nôtre-Dame de Paris , où toutes les Compagnies
Superieures se trouvèrent ,&son corps fut porté à S. Denis, sepulture ordinaire
de nos Rois , où ensuite on lui a élevé un Mausolée tres.magnifique.