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https://doi.org/10.11588/diglit.73756#0170
,6 JEAN FRANÇOIS SARRASIN.
Poèmes. Pour ce qui est des Poësies amoureusés ou galantes , il ne s'est pas
contenté d'imiter les Anciens dans ce qu'ils ont de meilleur , il y a joint une
galanterie qu'ils ont ignorée , & dont luy & Voiture sont en quelque sorte les
premiers Inventeurs. De ce genre est le Poëme de la Souris , dont l'invention
& la delicatesse n'ont point de modele , & n'ont eu jusqu'icy que fort peu de
Copies qui approchaient de la beauté de leur original.
Pour estre pleinement convaincu de la vaste estenduë de son esprit qui estoit
propre à tout sans qu'on ait peu sçavoir en quoy il excelloit davantage , il ne
faut que lire la Pompe Funebre qu'il fit pour Voiture, il y a de la Satyre digne
du siecle d'Auguste , du vieux François tellement dans le genie des siecles pas-
sez , qu'on croit en lisant estre transporté en ces temps-là & du François le
plus poli qui se parle presentement ; du Latin , de l'Espagnol & de l'Italien , Vers
& Profe , de la Fi&ion , de la Poësie , de la Plaisanterie , le tout si excellent ,
qu'il seroit mal-aisé de trouver rien de meilleur dans tous ces genres, & de stiles
& d'Ouvrages.
Je ne sçaurois m'empescher de dire icy pour marquer la facilité de son es-
prit , ce qu'il fit un jour dans un voyage ou il accompagnoit M. le Prince de
Conty,dont il estoit Secrétaire & fort aimé. Ce Prince en voyageant recevoir
des Harangues presque par tout ou il passoit. Le Maire & les Elchevins d'une
Ville l'attendirent sur son passage & luy firent leur Harangue à la portière de
son Carosse , le Harangueur demeura court à la séconde Période sans pouvoir
retrouver la suite de son discours , quelque effort qu'il fist pour en venir à bout.
Sarrasin sauta aussi-tost de l'autre portiere en bas , & ayant fait promptement
le tour du Carrosse se joignit au Harangueur & poursuivit la Harangue en la
manière à peu prés qu'elle devoir estre conçuë, y mellant des loüanges si
plaisantes & si ridicules , quoyque trés-serieuses en apparence , que ce Prince
ne pouvoir s'empescher d'éclater de rire. Ce qui fut de plus plaisant , c'est que
le Maire & les Eschevins remercierent Sarrasin de tout leur cœur de les avoir
tirez d'un si mauvais pas , & luy presenterent le vin de la Ville comme à M.
le Prince de Conty. ll mourut en l'année 1657. On prétend que sa mort fut
causée par le chagrin qu'il eut d estre tombé dans la disgrace de son Maistre ,
pour s'estre mésié d'une affaire qui luy avoir déplu. 11 n'a jamais fait impri-
mer aucun de ses Ouvrages , & nous n'aurions rien de luy , si M. Menage
n'eust pris soin de l'Edition que nous en avons , M. Pellisson ena fait la Pré-
facé , Piece des plus éloquentes que nous ayons, & très-digne de toutes celles
dont elle fait l'Eloge.
Poèmes. Pour ce qui est des Poësies amoureusés ou galantes , il ne s'est pas
contenté d'imiter les Anciens dans ce qu'ils ont de meilleur , il y a joint une
galanterie qu'ils ont ignorée , & dont luy & Voiture sont en quelque sorte les
premiers Inventeurs. De ce genre est le Poëme de la Souris , dont l'invention
& la delicatesse n'ont point de modele , & n'ont eu jusqu'icy que fort peu de
Copies qui approchaient de la beauté de leur original.
Pour estre pleinement convaincu de la vaste estenduë de son esprit qui estoit
propre à tout sans qu'on ait peu sçavoir en quoy il excelloit davantage , il ne
faut que lire la Pompe Funebre qu'il fit pour Voiture, il y a de la Satyre digne
du siecle d'Auguste , du vieux François tellement dans le genie des siecles pas-
sez , qu'on croit en lisant estre transporté en ces temps-là & du François le
plus poli qui se parle presentement ; du Latin , de l'Espagnol & de l'Italien , Vers
& Profe , de la Fi&ion , de la Poësie , de la Plaisanterie , le tout si excellent ,
qu'il seroit mal-aisé de trouver rien de meilleur dans tous ces genres, & de stiles
& d'Ouvrages.
Je ne sçaurois m'empescher de dire icy pour marquer la facilité de son es-
prit , ce qu'il fit un jour dans un voyage ou il accompagnoit M. le Prince de
Conty,dont il estoit Secrétaire & fort aimé. Ce Prince en voyageant recevoir
des Harangues presque par tout ou il passoit. Le Maire & les Elchevins d'une
Ville l'attendirent sur son passage & luy firent leur Harangue à la portière de
son Carosse , le Harangueur demeura court à la séconde Période sans pouvoir
retrouver la suite de son discours , quelque effort qu'il fist pour en venir à bout.
Sarrasin sauta aussi-tost de l'autre portiere en bas , & ayant fait promptement
le tour du Carrosse se joignit au Harangueur & poursuivit la Harangue en la
manière à peu prés qu'elle devoir estre conçuë, y mellant des loüanges si
plaisantes & si ridicules , quoyque trés-serieuses en apparence , que ce Prince
ne pouvoir s'empescher d'éclater de rire. Ce qui fut de plus plaisant , c'est que
le Maire & les Eschevins remercierent Sarrasin de tout leur cœur de les avoir
tirez d'un si mauvais pas , & luy presenterent le vin de la Ville comme à M.
le Prince de Conty. ll mourut en l'année 1657. On prétend que sa mort fut
causée par le chagrin qu'il eut d estre tombé dans la disgrace de son Maistre ,
pour s'estre mésié d'une affaire qui luy avoir déplu. 11 n'a jamais fait impri-
mer aucun de ses Ouvrages , & nous n'aurions rien de luy , si M. Menage
n'eust pris soin de l'Edition que nous en avons , M. Pellisson ena fait la Pré-
facé , Piece des plus éloquentes que nous ayons, & très-digne de toutes celles
dont elle fait l'Eloge.