LA NATURE DANS LE BASSIN DE L'BUPHRATE
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déchue, qui semble avoir perdu la puissance d'entretenir la vie, dans
celte contrée que la tradition biblique nous représente comme le ber-
ceau même de l'humanité1.
Depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, la physionomie de la région
mésopotamienne s'est donc bien modifiée; par la faute de l'homme, la
terre a perdu sa parure ou plutôt son vêtement, celle draperie d'opu-
lentes moissons et de palmes flottant au veut qui faisait l'admiration
d'Hérodote2; mais cependant les caractères généraux et les grandes
lignes du paysage n'ont pas changé. Relevez par la pensée un de ces
édifices babyloniens dont les ruines forment d'énormes monticules
qui servent encore d'observatoires aux voyageurs. Supposez-vous, du
temps de Nabuchodonosor, assis sur le sommet du temple de Bel, à
quelque quatre-vingts ou cent mètres au-dessus du niveau de la
plaine. De si haut, vous ne saisirez et ne goûterez plus ces détails
aimables et pittoresques qui, si rares maintenant, devaient autrefois
s'offrir partout au promeneur errant dans ces campagnes ; les cimes
inégales des bois s'abaisseront et s'aplatiront devant vous ; à quelque
dislance, vous ne distinguerez même pas la variété des cultures,
les couleurs et les nuances de la verdure et du terrain. Ce qui vous
aurait alors frappé, ce qui vous frappe aujourd'hui quand vous avez
gravi l'un de ces tertres élevés, c'est l'uniformité, c'est l'immen-
sité de celte surface unie qui s'étend et se prolonge indéfiniment en
tous sens.
En Assyrie, presque partout, sauf vers le sud, là où commencent à
se rapprocher les deux fleuves, le sol présente bien quelques ondula-
tions lentes et légèrement marquées; dès que l'on se rapproche du
1. Layard, Nineveh and Us remains, t. II, p. 68-7,ï.
2. Hérodote, I, 103 : « De tous les pays que nous connaissons, c'est, sans contredit, le
meilleur et le plus fertile en grains de Cérès. La terre n'essaye pas du tout d'y porter de
figuiers, de vignes ni d'oliviers; mais en recompense elle esL si propre à toutes sortes de
grains, qu'elle rapporte toujours deux cents fois autant qu'on en a semé, et que, dans les
années où elle se surpasse elle-même, elle rend trois cents fois autant qu'elle a reçu. Les
feuilles du froment et de l'orge y ont bien quatre doigts de large. Quoique je n'ignore
pas à quelle hauteur y viennent les tiges de millet et de sésame, je n'en ferai point
mention, persuadé que ceux qui n'ont point été dans la Babylonie ne pourraient ajouter
foi à ce que j'ai rapporté des grains de ce pays... La plaine est couverte de palmiers. La
plupart portent du fruit ; on en mange une partie, et de l'autre on tire du vin et du miel. »
Ce que dit Hérodote de l'absence de vignes n'est vrai que de la partie méridionale de la
plaine. A l'est du Tigre et dans toute l'Assyrie, dès que l'on approche du pied des mon-
tagnes, on a des raisins excellents. Aujourd'hui le figuier se trouve aussi partout, près des
villages, dans toute la province du Bagdad. L'oranger s'y est acclimaté depuis bien des
siècles.
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déchue, qui semble avoir perdu la puissance d'entretenir la vie, dans
celte contrée que la tradition biblique nous représente comme le ber-
ceau même de l'humanité1.
Depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, la physionomie de la région
mésopotamienne s'est donc bien modifiée; par la faute de l'homme, la
terre a perdu sa parure ou plutôt son vêtement, celle draperie d'opu-
lentes moissons et de palmes flottant au veut qui faisait l'admiration
d'Hérodote2; mais cependant les caractères généraux et les grandes
lignes du paysage n'ont pas changé. Relevez par la pensée un de ces
édifices babyloniens dont les ruines forment d'énormes monticules
qui servent encore d'observatoires aux voyageurs. Supposez-vous, du
temps de Nabuchodonosor, assis sur le sommet du temple de Bel, à
quelque quatre-vingts ou cent mètres au-dessus du niveau de la
plaine. De si haut, vous ne saisirez et ne goûterez plus ces détails
aimables et pittoresques qui, si rares maintenant, devaient autrefois
s'offrir partout au promeneur errant dans ces campagnes ; les cimes
inégales des bois s'abaisseront et s'aplatiront devant vous ; à quelque
dislance, vous ne distinguerez même pas la variété des cultures,
les couleurs et les nuances de la verdure et du terrain. Ce qui vous
aurait alors frappé, ce qui vous frappe aujourd'hui quand vous avez
gravi l'un de ces tertres élevés, c'est l'uniformité, c'est l'immen-
sité de celte surface unie qui s'étend et se prolonge indéfiniment en
tous sens.
En Assyrie, presque partout, sauf vers le sud, là où commencent à
se rapprocher les deux fleuves, le sol présente bien quelques ondula-
tions lentes et légèrement marquées; dès que l'on se rapproche du
1. Layard, Nineveh and Us remains, t. II, p. 68-7,ï.
2. Hérodote, I, 103 : « De tous les pays que nous connaissons, c'est, sans contredit, le
meilleur et le plus fertile en grains de Cérès. La terre n'essaye pas du tout d'y porter de
figuiers, de vignes ni d'oliviers; mais en recompense elle esL si propre à toutes sortes de
grains, qu'elle rapporte toujours deux cents fois autant qu'on en a semé, et que, dans les
années où elle se surpasse elle-même, elle rend trois cents fois autant qu'elle a reçu. Les
feuilles du froment et de l'orge y ont bien quatre doigts de large. Quoique je n'ignore
pas à quelle hauteur y viennent les tiges de millet et de sésame, je n'en ferai point
mention, persuadé que ceux qui n'ont point été dans la Babylonie ne pourraient ajouter
foi à ce que j'ai rapporté des grains de ce pays... La plaine est couverte de palmiers. La
plupart portent du fruit ; on en mange une partie, et de l'autre on tire du vin et du miel. »
Ce que dit Hérodote de l'absence de vignes n'est vrai que de la partie méridionale de la
plaine. A l'est du Tigre et dans toute l'Assyrie, dès que l'on approche du pied des mon-
tagnes, on a des raisins excellents. Aujourd'hui le figuier se trouve aussi partout, près des
villages, dans toute la province du Bagdad. L'oranger s'y est acclimaté depuis bien des
siècles.