LES VILLES ET LEURS DÉFENSES.
409
§ 4. — LES VILLES ET LEURS DÉFENSES
Do toutes les cités du monde barbare, comme disaient les Grecs,
Babylone est peut-être celle qui, dans l'antiquité et dans les temps
modernes, a joui de la plus grande célébrité, celle dont le nom a
toujours eu la vertu de parler le plus liant à l'imagination des bommes.
Pour les Hellènes, plus éloignée de la mer et plus difficile d'accès que
Mempbis et même que Thèbes, elle était encore, même au temps de
sa décadence, sous les Perses, la ville asiatique par excellence, l'éter-
nelle capitale de ces grands empires orientaux que l'on admirait et
que l'on redoutait encore alors même que l'on avait eu déjà plus
d'une occasion d'en mesurer toute la faiblesse. Dans des siècles plus
rapprochés de nous, ce qui a empêché ce prestige de s'évanouir,
c'est que ce nom revient et résonne sans cesse dans les pages des
livres les plus éloquents et les plus poétiques de l'Ancien Testament;
la haine des prophètes a fait une place d'honneur cà Babylone, daus
ces ardentes invectives dont l'écho n'a pas cessé de retentir à travers
les âges, depuis que le christianisme s'est fait l'héritier du judaïsme.
Il n'est donc pas de cité fameuse dont nous soyons plus portés à
nous enquérir, par un naturel effet de notre éducation lout à la fois
classique et chrétienne; il n'en est pas dont l'histoire pique davantage
notre curiosité et dont nous soyons disposés à interroger le sol et les
ruines avec un plus vif désir d'y retrouver quelque chose des magnifi-
cences du passé; mais, en même temps, par une singulière fortune,
aucune autre peut-être des grandes villes d'autrefois n'est aussi mal
connue et ne reste aussi mystérieuse que Babylone. Dans les textes
qui nous la décrivent, il y a bien des obscurités et bien des exagéra-
tions; quant à ses monuments, si l'énormité de leurs décombres laisse
deviner la puissance du peuple qui les a construits, nulle part les
ruines ne se prêtent moins à livrer le secret des pensées dont les édi-
fices qu'elles représentent ont été l'expression. Non seulement les
temples et les palais n'ont rien conservé de leurs anciens ornements ;
mais on n'arrive même pas cà distinguer, dans ces confus amas de bri-
ques et de poussière, les maîtresses lignes du plan jadis conçu et suivi
par l'architecte. C'est là sans doute ce qui a découragé les explora-
teurs; tandis que sur l'emplacement de Calach, de Ninive et de Dour-
Saryoukin on a remué des millions de mètres cubes de terre et que les
409
§ 4. — LES VILLES ET LEURS DÉFENSES
Do toutes les cités du monde barbare, comme disaient les Grecs,
Babylone est peut-être celle qui, dans l'antiquité et dans les temps
modernes, a joui de la plus grande célébrité, celle dont le nom a
toujours eu la vertu de parler le plus liant à l'imagination des bommes.
Pour les Hellènes, plus éloignée de la mer et plus difficile d'accès que
Mempbis et même que Thèbes, elle était encore, même au temps de
sa décadence, sous les Perses, la ville asiatique par excellence, l'éter-
nelle capitale de ces grands empires orientaux que l'on admirait et
que l'on redoutait encore alors même que l'on avait eu déjà plus
d'une occasion d'en mesurer toute la faiblesse. Dans des siècles plus
rapprochés de nous, ce qui a empêché ce prestige de s'évanouir,
c'est que ce nom revient et résonne sans cesse dans les pages des
livres les plus éloquents et les plus poétiques de l'Ancien Testament;
la haine des prophètes a fait une place d'honneur cà Babylone, daus
ces ardentes invectives dont l'écho n'a pas cessé de retentir à travers
les âges, depuis que le christianisme s'est fait l'héritier du judaïsme.
Il n'est donc pas de cité fameuse dont nous soyons plus portés à
nous enquérir, par un naturel effet de notre éducation lout à la fois
classique et chrétienne; il n'en est pas dont l'histoire pique davantage
notre curiosité et dont nous soyons disposés à interroger le sol et les
ruines avec un plus vif désir d'y retrouver quelque chose des magnifi-
cences du passé; mais, en même temps, par une singulière fortune,
aucune autre peut-être des grandes villes d'autrefois n'est aussi mal
connue et ne reste aussi mystérieuse que Babylone. Dans les textes
qui nous la décrivent, il y a bien des obscurités et bien des exagéra-
tions; quant à ses monuments, si l'énormité de leurs décombres laisse
deviner la puissance du peuple qui les a construits, nulle part les
ruines ne se prêtent moins à livrer le secret des pensées dont les édi-
fices qu'elles représentent ont été l'expression. Non seulement les
temples et les palais n'ont rien conservé de leurs anciens ornements ;
mais on n'arrive même pas cà distinguer, dans ces confus amas de bri-
ques et de poussière, les maîtresses lignes du plan jadis conçu et suivi
par l'architecte. C'est là sans doute ce qui a découragé les explora-
teurs; tandis que sur l'emplacement de Calach, de Ninive et de Dour-
Saryoukin on a remué des millions de mètres cubes de terre et que les