LE PEUPLE ET LE GOUVERNEMENT.
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rang, jusqu'à la chute de Ninive, le prodigieux essor de la fortune du
peuple guerrier qui l'avait adopté pour patron. Ninive tombée, Assour
meurt avec elle, tandis que les dieux communs aux deux moitiés de la
l'ace gardent, pendant bien longtemps encore, dans toute l'Asie anté-
rieure, leur nom, leurs autels et leur crédit.
La religion de Ninive et celle de Babylone se distinguaient cepen-
dant par des nuances sur lesquelles on a déjà appelé l'attention1. Une
même théologie n'est pas comprise tout à fait de la même manière
par des hommes dont l'esprit et les mœurs diffèrent. Le culte paraît
avoir eu, à Babylone, une couleur plus voluptueuse et plus sensuelle qu'à
Ninive ; c'est là qu'Hérodote observe cet usage des prostitutions sacrées
qui le frappe par son caractère immoral2. Chez les Assyriens, une ten-
dance plus marquée au monothéisme a provoqué une sorte de fana-
tisme dont nous ne trouvons pas trace en Chaldée ; les conquérants
ninivites veulent étendre en tous sens l'empire de leur grand dieu
national ; ils immolent à Assour, par larges hécatombes, les vaincus
qui ont osé blasphémer son nom. Le sacrifice de la chasteté domine
à Babylone ; les sacrifices sanglants paraissent aux Assyriens le meil-
leur hommage qu'ils puissent rendre à la divinité. Ce peuple de sol-
dais a été endurci par l'effort qu'il s'est imposé pendant plusieurs siè-
cles, par la lutte perpétuelle qu'il soutient sur les champs de bataille,
par la guerre dont il fait ses délices ; il y a, dans ses conceptions, plus
d'étroitesse et de raideur; ses rites sont plus cruels. La civilisation de
Babylone est, au contraire, plus raffinée; on y a plus le loisir et le
goût de jouir et de penser ; les mœurs y sont plus molles ; les idées y
ont plus de souplesse et de liberté; elles sont plus tournées vers l'ana-
lyse et la spéculation. Si donc nous retrouvons partout en Asie, et
jusque sur les côtes et dans les îles de la mer Égée, la trace de
croyances et les effets utiles de doctrines et d'arts qui proviennent
de la Mésopotamie, c'est à Babylone plutôt qu'à Ninive qu'il faut en
reporter l'honneur.
§ 7. — le peuple et le gouvernement.
Nous avons dit comment il se faisait que les religions de la Chaldée
et de l'Assyrie nous fussent moins bien connues que celles de l'Egypte ;
1. Tiele, Mumul de l'Histoire des religion» (traduction Vernes), pp. 77-78.
2. Hérodote, 1, 99.
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rang, jusqu'à la chute de Ninive, le prodigieux essor de la fortune du
peuple guerrier qui l'avait adopté pour patron. Ninive tombée, Assour
meurt avec elle, tandis que les dieux communs aux deux moitiés de la
l'ace gardent, pendant bien longtemps encore, dans toute l'Asie anté-
rieure, leur nom, leurs autels et leur crédit.
La religion de Ninive et celle de Babylone se distinguaient cepen-
dant par des nuances sur lesquelles on a déjà appelé l'attention1. Une
même théologie n'est pas comprise tout à fait de la même manière
par des hommes dont l'esprit et les mœurs diffèrent. Le culte paraît
avoir eu, à Babylone, une couleur plus voluptueuse et plus sensuelle qu'à
Ninive ; c'est là qu'Hérodote observe cet usage des prostitutions sacrées
qui le frappe par son caractère immoral2. Chez les Assyriens, une ten-
dance plus marquée au monothéisme a provoqué une sorte de fana-
tisme dont nous ne trouvons pas trace en Chaldée ; les conquérants
ninivites veulent étendre en tous sens l'empire de leur grand dieu
national ; ils immolent à Assour, par larges hécatombes, les vaincus
qui ont osé blasphémer son nom. Le sacrifice de la chasteté domine
à Babylone ; les sacrifices sanglants paraissent aux Assyriens le meil-
leur hommage qu'ils puissent rendre à la divinité. Ce peuple de sol-
dais a été endurci par l'effort qu'il s'est imposé pendant plusieurs siè-
cles, par la lutte perpétuelle qu'il soutient sur les champs de bataille,
par la guerre dont il fait ses délices ; il y a, dans ses conceptions, plus
d'étroitesse et de raideur; ses rites sont plus cruels. La civilisation de
Babylone est, au contraire, plus raffinée; on y a plus le loisir et le
goût de jouir et de penser ; les mœurs y sont plus molles ; les idées y
ont plus de souplesse et de liberté; elles sont plus tournées vers l'ana-
lyse et la spéculation. Si donc nous retrouvons partout en Asie, et
jusque sur les côtes et dans les îles de la mer Égée, la trace de
croyances et les effets utiles de doctrines et d'arts qui proviennent
de la Mésopotamie, c'est à Babylone plutôt qu'à Ninive qu'il faut en
reporter l'honneur.
§ 7. — le peuple et le gouvernement.
Nous avons dit comment il se faisait que les religions de la Chaldée
et de l'Assyrie nous fussent moins bien connues que celles de l'Egypte ;
1. Tiele, Mumul de l'Histoire des religion» (traduction Vernes), pp. 77-78.
2. Hérodote, 1, 99.