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LA GHALDÉE ET L'ASSYRIE.
On remarquera d'abord cette division de la face principale en quatre
zones; elle s'accorde bien avec ce que nous savons déjà de la manière
dont les Assyriens se représentaient le monde et le partageaient, de
haut en bas, entre les puissances sidérales, les démons, le peuple des
vivants et celui des morts. La scène principale de la troisième zone nous
apprend qu'ici, comme en Egypte, le mort, pour échapper aux attaques
et aux embûches des esprits méchants, cherchait à se placer sous la
tutelle d'une divinité bienfaisante. Ce protecteur, sur les bords du Nil,
c'était Osiris ; en Chaldée, c'est Oannès, Anou ou Dagon, comme on
voudra l'appeler; c'était ce dieu poisson auquel l'homme devait, dans
ce monde, les avantages de la civilisation, et qui, dans l'autre, le pren-
drait par la main et le soustrairait aux périls dont serait semée la route
qu'il aurait à suivre. En effet, ce royaume des ténèbres où il allait des-
cendre était peuplé de monstres horribles ; pour arriver à donner une
idée de la force et de la férocité que l'imagination leur prêtait, la
plastique avait fait des emprunts aux types de l'animalité les plus
divers : elle avait mêlé et réuni, dans le corps de ces êtres qu'elle
créait, des formes et des attributs que la nature n'offre jamais ainsi
rassemblés, les pinces du scorpion, les ailes et les serres de l'aigle, les
enroulements du reptile, la crinière et le mufle des grands fauves. De
toutes ces gueules de lion, largement ouvertes, se dégageait comme un
rugissement général, comme une violente clameur qui devait jeter
l'effroi clans toutes les âmes. C'est une conception analogue à celle
que mettent en scène toutes ces peinLurcs des lombes Ihébaines où
nous voyons l'âme accomplir son voyage sur le fleuve souterrain, au
milieu des démons grimaçants et multiformes qui la saisiraient et la
dévoreraient, sans la iutélaire intervention d'Osiris. Là ne se bornent
pas les ressemblances ; voyez cette barque, dont la forme même rappelle
l'aspect des barques égyptiennes1; voyez aussi ce neuve, qui emporte
la barque; on peut le comparer au Nil infernal de YAment; il nous
fait aussi songer à ce Styx et à cet Achéron que les Grecs transporte-
ront dans leurs enfers. D'ailleurs nous le connaissions déjà par le chant
dont nous avons déjà cité quelques vers :
Là ont été consolidés les fondements de la terre, là confluent les eaux puissantes.
De nouvelles découvertes littéraires et archéologiques finiront sans
doute par dissiper les obscurités qui subsistent encore et où se dérobent
i. Comparez Histoire de l'Aii, t. I, lig. i'S, 31 el surtout lii'J cl '200.
LA GHALDÉE ET L'ASSYRIE.
On remarquera d'abord cette division de la face principale en quatre
zones; elle s'accorde bien avec ce que nous savons déjà de la manière
dont les Assyriens se représentaient le monde et le partageaient, de
haut en bas, entre les puissances sidérales, les démons, le peuple des
vivants et celui des morts. La scène principale de la troisième zone nous
apprend qu'ici, comme en Egypte, le mort, pour échapper aux attaques
et aux embûches des esprits méchants, cherchait à se placer sous la
tutelle d'une divinité bienfaisante. Ce protecteur, sur les bords du Nil,
c'était Osiris ; en Chaldée, c'est Oannès, Anou ou Dagon, comme on
voudra l'appeler; c'était ce dieu poisson auquel l'homme devait, dans
ce monde, les avantages de la civilisation, et qui, dans l'autre, le pren-
drait par la main et le soustrairait aux périls dont serait semée la route
qu'il aurait à suivre. En effet, ce royaume des ténèbres où il allait des-
cendre était peuplé de monstres horribles ; pour arriver à donner une
idée de la force et de la férocité que l'imagination leur prêtait, la
plastique avait fait des emprunts aux types de l'animalité les plus
divers : elle avait mêlé et réuni, dans le corps de ces êtres qu'elle
créait, des formes et des attributs que la nature n'offre jamais ainsi
rassemblés, les pinces du scorpion, les ailes et les serres de l'aigle, les
enroulements du reptile, la crinière et le mufle des grands fauves. De
toutes ces gueules de lion, largement ouvertes, se dégageait comme un
rugissement général, comme une violente clameur qui devait jeter
l'effroi clans toutes les âmes. C'est une conception analogue à celle
que mettent en scène toutes ces peinLurcs des lombes Ihébaines où
nous voyons l'âme accomplir son voyage sur le fleuve souterrain, au
milieu des démons grimaçants et multiformes qui la saisiraient et la
dévoreraient, sans la iutélaire intervention d'Osiris. Là ne se bornent
pas les ressemblances ; voyez cette barque, dont la forme même rappelle
l'aspect des barques égyptiennes1; voyez aussi ce neuve, qui emporte
la barque; on peut le comparer au Nil infernal de YAment; il nous
fait aussi songer à ce Styx et à cet Achéron que les Grecs transporte-
ront dans leurs enfers. D'ailleurs nous le connaissions déjà par le chant
dont nous avons déjà cité quelques vers :
Là ont été consolidés les fondements de la terre, là confluent les eaux puissantes.
De nouvelles découvertes littéraires et archéologiques finiront sans
doute par dissiper les obscurités qui subsistent encore et où se dérobent
i. Comparez Histoire de l'Aii, t. I, lig. i'S, 31 el surtout lii'J cl '200.