Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 12.1886 (Teil 1)

DOI Artikel:
Champfleury: La caricature au Japon, [3]
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.19705#0196

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
i68

L'ART

sous l'empire du Laid; de même un être quelque peu sen- | Il doit exister au Japon une ville dont l'industrie cor-
suif ne saurait regarder toute unesoirée des clowns améri- respond à celle de notre Epinal : on y fabrique toute une
cains malgré leurs prodigieuses dislocations, de même ces série d'images enluminées à la diable, avec quatre tons;
images, fussent-elles traitées avec habileté, finissent par ces feuilles à bon marché servent également à décorer l'ex-
écœurer, tant l'homme a soif d'idéal, c'est-à-dire de parfaite térieur des boîtes à jouets ; les choses représentées dans de
pondération de force, de beauté, d'harmonie des formes en petits carrés qui rappellent nos anciens jeux d'oie sont des
rapport avec l'harmonie des colorations. animaux légendaires, le renard en tête, des masques
A ce même ordre de choses appartenant au domaine du féroces ou grimaçants, des objets usuels, théières, four-
bizarre voulu et cherché se rattache la série des masques neaux, légumes que l'enfant connaît. Grâce aux caprices

des dessinateurs, ces objets inanimés prennent de l'ani-
mation : la théière, fumant sa pipe, part en voyage d'une
façon toute gaillarde, la cuiller à pot sur son épaule; la
batterie de cuisine se charge de fournir le charivari ; les
éventails se déploient convulsivement. On pourrait croire
que ces ustensiles de ménage se sont coalisés contre
l'homme, leur ennemi, qu'ils bafouent.

japonais, dont un voyageur disait :

Il y a les masques nobles, représentant les placides figures des
gentilshommes et des dames du daïri, les farouches physionomies
des héros des guerres civiles, les masques fantastiques, articulés, aux
mâchoires mobiles. D'autres représentent le grotesque et divin
Tengon, la bonne Okamé, la plus joufflue des Japonaises dont
l'histoire fasse mention, ou la malheureuse Hipokoko, idéal de la
laideur. Toutes les variétés de démons à un œil et à trois yeux, sans

corne ou avec corne, sont reproduites par le faiseur de masques. . »j»uu'j j • ■ , , ,

„ r . , c • i Amusante débauche de rose, de îaune, de vert et de bleu

Enfin, une dernière catégorie comprend les masques faits a la res- ...

semblance de maître Kitsué, le renard, ou de Sarou, le singe, ou du I qui fait bien comprendre les procédés expéditifs des ima-
lion de Corée, ou de Kappa, l'homme- giers du Japon dont je parlais

:grenouille, qui hante les falaises du ^^^^tmmm^la^^^^m^^..„m ^S^^^KiS ' P"^L1S haut.

Mais pour quelques masques ^f1 fcv^fï^ l|lfP^?jlË^ tout d'abord ce dessin, cette

ingénieux, naturels et capri- ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ sorte de calligraphie qui semble

contorsions de la face, de nez ^^yf^^^^^^D^r^^^^W^^^^, 1u'en EuroPc; mais comme les
aplatis, d'yeux affligeants, de ^^^S Japonais 0nt un CLlllC P01lr la

quelles passent des langues de /ff§§ii^ S> j J^^^^lr|vP)w lopper en saisissant la moindre

grimaciers vulgaires ? (J^^WCU Cty ^^Té^l^^^^ W^4$W occas!on de sc loSer dans ^es

Il y a trente ans, ces masques, ^ ^ ^^S^^É^wK»^ Kr 'if yeux les gestes les plus usuels,

peu nombreux en France, atti- Mm^^^^^^m^^ "^T'^ alin de les apprendre par cœur

rèrent l'attention des curieux; ils \ ^^^Êê^SÊ^-^I^^ pour ainsi dire et de les retracer

fatiguèrent vite quand des expor- ]f é$ffl!^Pt>> ~% ^MMmM^mÊ^^Mi tic mémoire sur leurs images,

tateurs, les envoyant du Japon \ J3MÉ| 4-5 $ y^ÊÊ^SM^^^^m Lc fait suivant' dont lc récit

par navires bondés, les répan- %y /^Y^^^^-Wwèm^^ÈJl^^^k certainement [eût plu à Lavater,

dirent dans le commerce pari- JvÊm )f^^^Ê^^^m montre unc extréTne attention

sien. Si une mélodie agréable \Mrf/ f\f J-iMkJk ^^WwWÊëXeÈMÊm des mouvements de l'homme,

prend le caractère de l'obsession j^^^ *" Engelbert Kaempfer,^méde-

tel étalage de grimaces et de dé- ^^^mW^^^^^^^^^^^^^^^^^^^> tenir debout, de marcher," de

formations de la ligure humaine 1 ^j§p§ ^^^Ç'^^^XjÊÊtpK. . >J tjs^^^^^ tournoyer, de s'arrêter, de se

Exprimées par un artiste ingé- ^^^(,Ê^^^ ^ffiv^^ï comPnmentcr les uns les autres,

nieux, ces outrances physiono- ^y\/| .j/M^^^k ^^lJ/Èy<^^^^^^^J dc faire lcs ivrognes, d'écorcher

miques purent amuser un instant; quelques phrases japonaises.

ranmJnlfi |i.,..i„ „„ j D'après une image en couleur de Kio-Sai. Epoqiïe actuelle. i r î „n s • j j

tepiocluits a 1 excès par des ou- de lire en hollandais, de dessi-

vriers qui font du baroque un ner, de chanter, de danser, d

poncis, ces masques, dus à des imaginations opiacées,
devaient produire la satiété actuelle.

Les Chinois, qui usent et abusent de l'opium, n'ont pas
trouvé dans ses fumées un élément plastique semblable à
celui des artistes japonais. La Chine serait-elle moins
intoxiquée que le peuple son voisin, quoique celui-ci ait
conservé la faculté de rire et de s'amuser de ses propres
ridicules3 ?

1. Humbert, le Japon illustré. Grand in-8". Hachette.

2. La chanson populaire Tchiè iang ien, contre l'abus de l'opium,
semblerait montrer qu'il y a eif'ort actuellement en Chine pour se
délivrer de cette fatale et abrutissante passion.

La sœur cadette prie son frère aîné de renoncer à l'usage de
l'opium : « Si tu renonces à l'opium, ton corps sera vigoureux, mon
garçon, Ya! mon garçon! 11 faut écouter les paroles de ta sœur,
aiya! il faut que tu e'coutes mes paroles............

e

« fu ne penses qu'à fumer l'opium et tu oublies l'heureux moment.
Tu m'oublies, et je n'en suis pas contente. Défais-toi petit à petit de
ta triste habitude, ai ya! ai ya! Il ne faut pas toujours penser à
l'opium............................... | In-i8.)

..............................."... i. Le Japon, histoire et description. Paris, 1864. 2 vol. in

mettre et d'ôter leurs manteaux.

« Ce n'était pas que le siogoun et ses courtisans pen-
sassent avilir les Hollandais en exigeant d'eux de pareilles
complaisances, dit M. Fraissinet1, car clans ce pays les
plus nobles et les plus grands personnages en font tout
autant pour amuser leurs princes, sans pour cela se croire
déshonorés. »

L'empereur fut si content d'une telle représentation que
l'année suivante, en revoyant l'ambassade hollandaise il

«Songes-y bien : ne fume plus l'opium. Regarde tous ces tumeurs
d'opium : ils ne ressemblent plus à des hommes. Ne fume pas, ne
fume pas. Quand on fume, on devient jaune, noir, maigre; force et
vigueur vous abandonnent. Mon amant, ya! écoute mes conseils :
les fumeurs d'opium sont misérables, leurs habits sont déchirés.
Ai ya! ai ya! Ecoute mes conseils et ne m'en veuille pas. Bien que
tu ne doives pas toujours rester avec moi, écoute mes conseils.

« Tu es jeune, tu ressembles au saule qui se couvre de feuilles
vertes à la troisième lune. Ne fume plus, et partout tu réussiras. »
(Jules Arène, la Chine familière et galante. Paris, Charpentier, 1876.
 
Annotationen