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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 12.1886 (Teil 1)

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Champfleury: La caricature au Japon, [3]
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LA CARICATURE AU JAPON.

16g

fit prier les Hollandais, sans perdre de temps, de faire les j d'un quatrième et d'un cinquième pinceau entre les grand

gestes d'hommes qui s'adressent des félicitations ou des
injures, de s'inviter à dîner, d'entrer en conversation, de
discourir familièrement comme font un père ou un fils, de
montrer comme s'abordent deux amis ou deux époux et
comment ils se quittent.

Le siogoun voulut savoir de quelle manière en Hol-
lande on s'y prend pour inviter quelqu'un à dîner. Il fit
jouer les Hollandais avec des enfants qu'ils durent porter

et les petits orteils de chaque pied

IX

LE PASSÉ F. T I.'AVENIR DU JAPON

La caricature au Japon, on le voit par les divers des-
sins publiés dans ces articles, se rattache bien plus au

sur leurs bras : il leur fit ôter et remettre caprice et au grotesque qu'à la satire. Des

plusieurs fois leurs manteaux et leurs per- scènes de mœurs, la nature lymphatique des

ruques de cérémonie, sans oublier les scènes \ ' v\ naturels du pays représentée d'une façon

delà première audience qu'on ne manqua j«**é^i§t-. Xf plaisante, quelques croquis de Hollandais

pas de leur faire réitérer. et d'Anglais retracés avec plus de bonhomie

Le prince voulut même absolument ^^^^Rt' v^j| que d'ironie, ne répondent pas à l'art mor-

qu'ils s'embrassassent comme des a m ou- Jffl ■ ^Ê^J^^'J dant que les Européens appellent caricature,

reux, ce qui amusa beaucoup la partie 11 faut que les traits agressifs, que cer-

féminine de l'assistance. |^Lj^S^[ tains voyageurs ont dit lancés contre les

Ce singulier spectacle, donné par les V^^îÉS^Cvv grands au Japon, soient bien voilés et d'une
graves ambassadeurs de la Hollande, me ^ / - ^ allusion très détournée, car il m'a été im-
paraît avoir pris naissance dans le cerveau ~?f^ J possible de les constater parmi les nom-
d'un peuple préoccupé de mimique et des f**~^f*A breuses images que j'ai feuilletées. Il est bon
arts du dessin: ne voit-on pas sur leurs <— de le dire: sauf de rares essais de traduc-
albums la diversité de gestes appartenant à tions> ]a littérature japonaise est actuelle-
l'ordre dramatique ou au domaine des Comédien a masque de renard, ment peu connue en France ; c'est seulement
choses fantastiques auxquels on peut appli- d.après nbkou-Saï. grâce à l'érudition anglaise que nous pou-
quer ces vers chinois : vons feuilleter les légendes populaires du

Le pinceau rempli d'encre est un nuage noir chargé de pluie;

La main agile semble poursuivre les traits qu'elle vient de former1.

Oui, tout cela nous a amusé pendant quelques années,
tout cela était clair, prestement coloré; on ne sentait pas
l'effort dans la libre composition de ces drames, dans le
rendu des personnages ; c'est qu'en effet, grâce à d'heureux
dons naturels, grâce surtout à la gymnastique constante

pays du Nippon, cet élément indispensable pour l'éluci-
dation d'un si grand amas de feuilles volantes.

Cependant je dois au hasard une véritable caricature
qui montre, sous une forme railleuse symbolique, le passé
et l'avenir du Japon.

La France a envoyé dans cet empire des légistes et des
professeurs de droit pour y introduire notre code civil ;
des officiers ont été détachés de leurs corps pour porter

du crayon, les peintres japonais n'avaient à faire que peu au Japon notre tactique militaire et dresser des troupes;

d'efforts. Malheureusement, l'habileté prolongée finit par | nos médecins, chargés de missions, ont enseigné que la

fatiguer comme un ciel bleu petite vérole et une autre de ses

inaltérable. On pressentit que V grosses parentes ne devaient

le délié de tels contours s'ar- \ pas être traitées seulement par

refait tout à coup comme de- \ l'indifférence. Nous voyons à

vant une muraille infranchis- Wf^^^r* Paris, dans le quartier latin,

sable, celle des sentiments de jeunes Japonais qui s'initient

humains exprimés profondé- isNsfc^^A, facilement à notre science et

ment. Beaucoup d'acquis mais \ I*h9$h qui suivent à la fois les cours

beaucoup de superficiel chez IV/f —- * ifj^g^f'^ '■JCf*£f' delà Sorbonne, du collège de

les Japonais; satisfaits de re- Y /<T"'*'sv ~ ~ - rww^âdritëPPP^ France, sans compter ceux du

présenter facilement les choses v^-VS'^^^Ê^gg/SÊB^' jardin Bullier. Peut-être ces

et les hommes, les peintres du f _)j ' ' ' tT^BB^Hp^1'^^ - jeunes gens, qui sacrifient un

Japon, aussi bien d'ailleurs '—'^^g^n^tf^^Z^^^^'" Pcu tr0P à nos modes et aux

que certains artistes européens, -»»-. a ~\ ^S-^ZSSÏi^ beautés de rencontre du bou-

n'entrevoyaient pas les diffi- _jw " ■--'->■■'-■ ■■- levard des Italiens, ont-ils

cultes de l'art qui ne vit que (■ -••__ —"' excité la verve de Kio-Saï, alors

par l'expression de vives et que dans les rues de Tokio et
fortes sensations. Les Renards, d'après HokottSaï. de Yokohama, ces enfants dé-
Une estampe représente un générés du pays des Taïcouns

imagier d'Yeddo peignant avec deux pinceaux à la fois,
tenus l'un par la main droite, l'autre par la main gauche.
On peut prendre cette image comme une symbolisation
de l'art au Japon, de cet art semblable à celui de certains
acrobates qui jouent un morceau compliqué de violon
derrière le dos. Rutherford Alcock n'a qu'une mince admi-
ration pour cette dextérité et c'est avec une pointe de
raillerie qu'il s'écrie : Saluons le génie enthousiaste de la
peinture! en parlant d'un imagier japonais qui, non
content de peindre avec un pinceau dans chaque main, en
tient un troisième à la bouche et se sert en même temps
i. Yu-Kiao-li, traduit par Abel Re'musat.

se présentaient habillés d'un « complet » à la mode, coiffés
d'un chapeau « melon » et chaussés de bottines vernies
à pointes d'aiguilles.

Si je regarde de près ce dessin de Kio-Saï, j'en reconnais
la parfaite clarté ; mais le satirique est quelque peu réac-
tionnaire.

C'est un travers particulier à certains humoristes d'avoir
de courtes vues, de sacrifier l'avenir au présent et même
de regarder le passé avec de trop complaisantes lunettes.

i, The capital of the Tycoon a narrative of a Three Year's
Résidence in Japan, par sir Rutherford Alcock.
 
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