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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 12.1886 (Teil 1)

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Goutzwiller, Charles: Le retable des Antonites d'Issenheim au Musée de Colmar, [2]: Guido Guersi
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https://doi.org/10.11588/diglit.19705#0227

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GUIDO GUERSI. 199

Bertorel, Français du Poitou. Vers cette époque, au milieu du xve siècle, le précepteur d'Issen-
heim semblait être à la dévotion de la France, puisqu'il fut chargé, avec Jean de Fénétrange,
d'une mission du roi Charles VII auprès du duc d'Autriche. On trouve, en effet, dans les Fontes
rerum Austriœ, II, v, p. 3o2, 1''Extradas de instrudionibus régis Franciœ datis domino Joanni
de Vinnstingen (Fénétrange en Lorraine) et Johanni preceptori de Ysenheim, oratoribus suis ad
dominum ducum Austriœ. Il s'agissait d'un projet de mariage entre Ladislas-Posthume et
Marguerite, fille de Charles VII, avec l'Alsace pour dot ou au moins le Landgraviat. Ladislas
mourut à Prague à l'âge de dix-huit ans, au moment où il attendait sa fiancée1.

Les divers couvents d'Antonites établis dans les Etats du Saint-Empire avaient des armoiries
uniformes dont le type est décrit dans le diplôme de collation délivré par l'empereur Maximilien Ier,
à Innspruck, le 5 janvier i5o2. Nous en trouvons la traduction dans VArmoriai général de
d'Hozier. Elles se blasonnent ainsi : D'or à un aigle de sable à deux têtes diadémées de même,
ayant le vol étendu et au col chacun une couronne d'or, en forme de collier, duquel pend un
écusson aussi d'or posé sur l'estomac de l'aigle et chargé d'un taph (T) d'azur.

Ce taph emblématique se trouve, comme bâton de commandement, dans les mains de saint
Antoine, sur les peintures et sculptures du retable d'Issenheim.

« Guido Guersi décora magnifiquement l'église, en 1493, par des travaux d'architecture et
d'ornement. Il est l'auteur des images du maître-autel, des stalles du chœur, de presque tous les
vêtements sacerdotaux de la sacristie. Il ajouta une nef à l'église, commença et acheva presque
les collatéraux, ainsi que le prouvent ses armoiries qui brillent partout. Il mourut le
19 février i5i6 et fut enterré à Issenheim. Au siècle dernier, M. Beer, administrateur à
Issenheirn, érigea un superbe monument à sa mémoire et à celle de son prédécesseur. »

Telle est la traduction littérale du document latin exhumé des archives conventuelles
d'Issenheim dont le dépôt, à peu près inexploré, se trouve aux archives de la préfecture de Colmar
où j'en ai pris copie.

Le texte est d'une clarté qui semble défier toute Interprétation contraire au sens littéral.
L'Italien Guido Guersi est l'auteur des tableaux du maître-autel. Sorti d'une famille patricienne,
façonné aux suprêmes élégances de la civilisation italienne de l'époque, qu'y a-t-il d'étonnant à
ce que ce moine, comme Fra Angelico, Fra Bartolommeo ou Filippo Lippi, ait reçu une forte
éducation artistique que ses aptitudes personnelles développèrent, et qu'une fois entré dans les
ordres et devenu prieur d'un couvent à l'étranger, il ait repris sa palette pour ériger dans son
église un monument artistique qui devait illustrer sa mémoire?

Pourquoi donc les critiques d'art allemands sont-ils hantés de cette idée que la facture des
tableaux d'Issenheim a quelque chose de titianesque ou de corrégien? Cette préoccupation ne
vient-elle pas à l'appui de ma thèse qui les attribue à un artiste italien initié aux procédés des
maîtres de la Renaissance? En prenant au sérieux cette prétention à l'existence d'un Corrège
allemand, qui n'est confirmée par aucune donnée historique, il faudrait donc admettre que
Grunevald a étudié dans l'atelier d'un grand maître italien ou qu'il aurait eu une révélation
anticipée de la manière du Corrège, ce puissant coloriste, qui est né en 1494, conséquemment au
moment même où s'exécutaient les peintures d'Issenheim. En voyant pour la première fois ces
tableaux, mon excellent ami Henner, dont on ne contestera certes pas la compétence et qui doit
à ses études en Italie sa couleur corrégienne, a été frappé comme moi du caractère étrange de
ces compositions où le dessin des figures a une touche presque allemande, mais dont le chaud
coloris a une saveur italienne bien caractérisée. La facture de tous ces tableaux révèle le travail
direct d'après le modèle vivant. Il est donc permis d'admettre que Guido Guersi, arrivé à
Issenheim, en pays allemand, a appliqué ses qualités de coloriste à des modèles plus ou moins
vulgaires pris dans le pays même; que des femmes du peuple au type peu distingué ont posé
pour ses Vierges, dont les traits n'ont absolument rien d'idéal, et que les moines de son couvent
lui ont servi de modèles pour ses figures d'hommes.

On m'objectera, sans doute, que le nom de Guido Guersi est inconnu dans l'histoire de l'art;

1. Je dois ce précieux renseignement à une obligeante communication de M. Ignace Chauffour.
 
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