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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 12.1886 (Teil 1)

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Burty, Philippe: Les collections de Laurent-Richard
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https://doi.org/10.11588/diglit.19705#0263

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23o

L'ART.

la Consultation redoutée. Dans la salle à manger, faisaient face à un Hondekoeter sans rival pour
le style, la Poule blanche, deux Hubert-Robert formant panneaux : deux intérieurs de parcs
italiens, deux chefs-d'œuvre aussi pour la netteté de l'impression de la fraîcheur dans un jour
d'été ; la Fontaine, où l'eau jaillit des seins d'une Cybèle dans un bassin, où des servantes se
penchent et babillent; là, le Jet d'eau, poussant sa colonne poudroyante et rayée d'arcs-en-ciel
aussi haut que la flèche des pins et la cime des massifs altérés.

Laurent-Richard opposait à l'exécution endiablée des Baisers maternels, un autre Frago dans
un faire assez lisse, un Amour, dans un buisson de roses : essayant la pointe de sa flèche, il
guette les cœurs sensibles. C'était pour en arriver au faire plus lisse encore, mais à la composition
de Boilly, si nature, la Toilette. Pour ma part, j'allais toujours droit à la Rêveuse, de Lancret.
Il avait acquis à la vente Burat ce Lancret, qui peut compter comme une des fleurs les plus
fraîches de son bouquet : quelle souplesse dans la pose, quelle crânerie dans les rouges de la
jupe et du fichu de soie enroulé autour de la tête ! Combien est douce l'atmosphère de ce
paysage de parc ! Lancret, dans ses jours de verve, a plus accentué que son maître, sur les
figures isolées, la gamme des tons chauds.

Le Portrait de jeune femme, d'un des Clouet — panneau précieux qui a fait prononcer aussi
le nom des Holbein — s'offrait comme la perle du petit salon, au rez-de-chaussée. Il a parmi ses
parchemins d'avoir traversé la collection des comtes de Lestang-Parade. Il appartient à ce moment
trop court où la palette poursuivait, à l'aide de couleurs qu'on étalait presque en lavis, les douces
caresses de la lumière sur la peau, sans appeler le noir pour accentuer les traits et pousser au
caractère. La bague passée à l'un des doigts de ces mains longues et nonchalamment croisées,
les perles du collier, l'or des broderies sur l'étoffe noire des manches à crevés, tout est discret
et délicat pour laisser tout son charme à ce visage placide, sans bouderie et presque moqueur par
l'arc des lèvres et le retroussis des paupières, à ce front lisse encadré de libres bandeaux blonds,
à ces sourcils peu marqués. Nos Musées nationaux ont là l'occasion d'une acquisition à laquelle
on applaudirait. Cette peinture parfaite, œuvre pénétrante, nous pose en plus le problème du
nom de quelque dame illustre du xvie siècle. Elle ne devra point nous échapper.

Nous nous permettons encore de signaler au Louvre, si peu riche en maîtres de la Grande-
Bretagne, l'Invalide de Greemvich, œuvre robuste et parlante de l'écossais Raeburn. On rencontre
rarement de pareils morceaux sur le continent, et le public français ignore depuis trop longtemps
ce que la peinture a produit d'original et de franc au delà du détroit.

A deux petites Ruines, se faisant pendant, qui scintillent comme la nature même un jour où
le soleil italien succède à une ondée, Laurent-Richard avait joint un Guardi capital, la Place San
Giovanni e Paolo, cette place que la statue du Coleone, sur son haut piédestal, rend inoubliable.
Venise n'a pas été peinte, que je sache, en un tableau plus grand d'allure, plus étoffé, plus
hardi dans la touche grasse et veloutée, précise et colorée.

...Mais l'ombre de Laurent-Richard nous tire par la manche, et nous avertit de dire quelques
choses sur ce qui se partageait son désir de rendre son habitation parfaite et coquette. Des
marbres, des bronzes de Barye, une Vénus (rare épreuve des fontes du xvne siècle), rompent les
verdures du parc de leurs silhouettes blanches ou de leurs patines chaudes. Nous passons devant,
non sans en apprécier la distribution bien calculée, pour gravir une dernière fois les marches du
large escalier et pénétrer dans le vestibule.

Ce vestibule est comme capitonné, derrière les colonnes qui l'isolent, par des tapisseries ;
lesquelles sont légèrement plissées pour faire aux marbres occupant les angles des tons de
repoussoir plus clairs ou plus profonds.

A gauche et à droite, deux allégories pompeuses : la Guerre et la Paix, déploient en frises
colorées leurs motifs antagonistes :

La Gloire, et dans la joie affreuse de la mort,
Les plis voluptueux des bannières flottantes...

Puis, des vainqueurs accueillant les artistes, la nuée des incendies sinistres s'évaporant dans
 
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