Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 12.1886 (Teil 1)

DOI Artikel:
Burty, Philippe: Les collections de Laurent-Richard
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.19705#0264

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LES COLLECTIONS DE LAURENT-RICHARD.

l'air limpide, les canons bâillant d'ennui, au bord des citadelles reposées, et les paysages coupés
de rivières sinueuses et de bouquets d'arbres aux ombres fraîches.

Deux tapisseries rares et originales accostent la porte d'entrée : deux épisodes de bataille,
et, dans un écusson, la fière devise, « Throught ». Les bordures sont semées de trophées, de
drapeaux et de hallebardes, de trompettes et de tambours. L'effet en est artiste et frappant. Au
milieu, on se bat à la moderne, comme dans les Vander Meulen : les pistolets fument, les sabres
se brisent, les blessés tombent en jurant sous le flanc de leur cheval, les officiers agitent les
anneaux de leur perruque.

La suite des compositions de personnages dans la campagne et de cabarets bruyants à la
Teniers occupait tout le pourtour du salon de Laurent-Richard, à Paris. Il est rare d'en
rencontrer une aussi vive en couleurs et aussi intacte.

Si les tapisseries ont repris une valeur, ce n'est que justice. Un mode de décor, qui apaise
discrètement le criard des tons bavards, a-t-il pu avoir en France sa période d'oubli et de
misère ? Que pouvait contre ce tissu inusable et chaud le papier peint, bourgeois et peu solide ?
Et cependant on les a arrachées sans nécessité, laissé pourrir sans pitié. En i85o, je montais,
à Nemours, dans le grenier d'une revendeuse, encore plein jusqu'au tiers de verdures rongées
par les rats : « Ah ! criait-elle, si j'avais su que vous cherchiez ça ! Un tanneur est venu m'en
prendre, la semaine dernière, une voiture pleine... Et comme c'est pour couvrir ses fosses, il a
emporté toutes celles qui n'avaient point de trous. »

Dans le point central de son péristyle, Laurent-Richard avait placé, sur un socle tournant,
une des figures de Pradier les mieux venues : un Satyre. Oubliant sa flûte, croisant sur un rocher
ses jambes poilues,

Il tenait à l'affût les douze ou quinze sens

Qu'un faune peut braquer sur les plaisirs passants...

Les « vagues formes blanches » qu'il poursuivait des yeux étaient des marbres dus à des
contemporains célèbres, une Danseuse égyptienne et une Nilson en Ophélie, par Falguière ; une
Jeune Fille nue, par Mercié, ou une Eve après le péché, par Delaplanehe.

Là encore Laurent-Richard s'est montré personnel dans ses goûts.

On médit souvent des grands prix atteints dans les ventes publiques. Il faut y applaudir.
Sont-ils autre chose que la détermination de l'étiage sans cesse croissant du goût public dans
tous les pays ? Chaque génération d'amateurs fait son tri dans le lot rassemblé par ses pères, en
y ajoutant des éléments nouveaux de plaisir ou d'information. On rencontrera ces éléments variés
dans les collections faites par Laurent-Richard, bien moins comme collectionneur dans le sens
restreint du mot, qu'avec ce sentiment bien arrêté que la maison doit être, pour l'homme du
monde, un musée jamais complet au gré de ses affections supérieures et de ses jouissances
quotidiennes.

Philippe Burty.
 
Annotationen