E RC OLE DE’ ROBERTI.
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était probablement né entre 1450 et 1460, puisqu’en 1491 il écrivait lui-même que la première
moitié de sa vie était passée 1 ; il appartient donc à la génération des peintres qui succédait à
celle de Schifanoia.
Nous le rencontrons pour la première fois le 3 février 14792 ; il se trouvait à ce moment avec
son frère Polydore, menuisier à Ferrare, et les deux frères s’associèrent avec l’orfèvre Jean de
Plaisance, qui s’obligea à réduire en feuilles 1 or et l’argent à l’usage des peintres, tandis que
les deux frères lui prêtaient la moitié de leur boutique, lui fournissaient les outils nécessaires,
avec la moitié des métaux précieux, et s engageaient ensuite à partager leur gain avec leur
associé. Dans ce document, Ercole est appelé fils de maître Antoine et non du peintre Antoine
comme dit M. Morelli3. Mais la société ne
dut pas se maintenir longtemps puisqu’en 1482
nous retrouvons Ercole à Bologne, servant de
parrain à un certain Garganelli4, nom qui nous
rappelle le propriétaire d’une des anciennes
chapelles de l’église San Petronio, chapelle où
Ercole peignit à fresque les colossales pein-
tures, dont parle aussi Leandro Alberti J. Elles
représentaient la Passion de Jésus-Christ, mais
malheureusement elles sont aujourd’hui entiè-
rement détruites. Après avoir été sciées du
mur, à l’époque où l’on érigea la nouvelle
église (i6o5), elles furent portées dans l’habi-
tation du marquis Tanari, où quelques-unes
restèrent jusqu’au commencement de notre
siècle. Ce fut à peu près en 1820 que quatre
d’elles furent données à l’Académie bolonaise
des Beaux-Arts, mais un restaurateur ayant
vainement essayé, vers 1844, de les transporter
sur toile, elles furent détruites et leurs débris
jetés au milieu des décombres6. Il ne nous en
reste plus aujourd’hui que la description pleine
de coloris que nous en a faite le Vasari, et
que nous nous plaisons à reproduire :
a Dans la première partie, c’est-à-dire en
face, il y a le Crucifiement du Christ fait avec
beaucoup de talent ; car, outre la figure du
Christ, qu on voit déjà mort, le tumulte des
Juifs accourus pour voir le Messie en croix y
est parfaitement exprimé, et ce qu'il y a de
plus merveilleux, c’est une si grande variété de
têtes, que l’on comprend qu’Ercole s'est appliqué de tout son pouvoir à les rendre différentes.
Il y a aussi quelques figures qui éclatent si douloureusement en pleurs, que 1 on ne peut qu’ad-
mirer l’art qu’il sut déployer à reproduire la nature. L’évanouissement de la Madone émeut
jusqu’au fond de l'âme; mais on est encore plus ému en considérant la douleur des Maries, car
elles sont pleines de compassion et affaissées sous le poids de l’angoisse, comme il est à peine
possible de se l’imaginer en voyant mort devant soi l’objet de la tendresse d’autrui. Parmi les
autres choses remarquables, il y a Longin à cheval sur une bête maigre en raccourci, qui a un
1. A. Venturi, La R. Galleria Estense in Modena. Modène, Toschi, i883.
Saint Jean,
pur Ercole de' Roberti. (Musée royal de Berlin.)
Dessin de Charles E. Wilson.
2. Voir N. Cittadella, loc. cit.
3. Die Werke, etc., loc. cit.
4- Gualandi, Memorie, etc.
5. Descri^ione di lutta Italia. Bologne, i55o.
6. Gualandi, loc. cit.
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était probablement né entre 1450 et 1460, puisqu’en 1491 il écrivait lui-même que la première
moitié de sa vie était passée 1 ; il appartient donc à la génération des peintres qui succédait à
celle de Schifanoia.
Nous le rencontrons pour la première fois le 3 février 14792 ; il se trouvait à ce moment avec
son frère Polydore, menuisier à Ferrare, et les deux frères s’associèrent avec l’orfèvre Jean de
Plaisance, qui s’obligea à réduire en feuilles 1 or et l’argent à l’usage des peintres, tandis que
les deux frères lui prêtaient la moitié de leur boutique, lui fournissaient les outils nécessaires,
avec la moitié des métaux précieux, et s engageaient ensuite à partager leur gain avec leur
associé. Dans ce document, Ercole est appelé fils de maître Antoine et non du peintre Antoine
comme dit M. Morelli3. Mais la société ne
dut pas se maintenir longtemps puisqu’en 1482
nous retrouvons Ercole à Bologne, servant de
parrain à un certain Garganelli4, nom qui nous
rappelle le propriétaire d’une des anciennes
chapelles de l’église San Petronio, chapelle où
Ercole peignit à fresque les colossales pein-
tures, dont parle aussi Leandro Alberti J. Elles
représentaient la Passion de Jésus-Christ, mais
malheureusement elles sont aujourd’hui entiè-
rement détruites. Après avoir été sciées du
mur, à l’époque où l’on érigea la nouvelle
église (i6o5), elles furent portées dans l’habi-
tation du marquis Tanari, où quelques-unes
restèrent jusqu’au commencement de notre
siècle. Ce fut à peu près en 1820 que quatre
d’elles furent données à l’Académie bolonaise
des Beaux-Arts, mais un restaurateur ayant
vainement essayé, vers 1844, de les transporter
sur toile, elles furent détruites et leurs débris
jetés au milieu des décombres6. Il ne nous en
reste plus aujourd’hui que la description pleine
de coloris que nous en a faite le Vasari, et
que nous nous plaisons à reproduire :
a Dans la première partie, c’est-à-dire en
face, il y a le Crucifiement du Christ fait avec
beaucoup de talent ; car, outre la figure du
Christ, qu on voit déjà mort, le tumulte des
Juifs accourus pour voir le Messie en croix y
est parfaitement exprimé, et ce qu'il y a de
plus merveilleux, c’est une si grande variété de
têtes, que l’on comprend qu’Ercole s'est appliqué de tout son pouvoir à les rendre différentes.
Il y a aussi quelques figures qui éclatent si douloureusement en pleurs, que 1 on ne peut qu’ad-
mirer l’art qu’il sut déployer à reproduire la nature. L’évanouissement de la Madone émeut
jusqu’au fond de l'âme; mais on est encore plus ému en considérant la douleur des Maries, car
elles sont pleines de compassion et affaissées sous le poids de l’angoisse, comme il est à peine
possible de se l’imaginer en voyant mort devant soi l’objet de la tendresse d’autrui. Parmi les
autres choses remarquables, il y a Longin à cheval sur une bête maigre en raccourci, qui a un
1. A. Venturi, La R. Galleria Estense in Modena. Modène, Toschi, i883.
Saint Jean,
pur Ercole de' Roberti. (Musée royal de Berlin.)
Dessin de Charles E. Wilson.
2. Voir N. Cittadella, loc. cit.
3. Die Werke, etc., loc. cit.
4- Gualandi, Memorie, etc.
5. Descri^ione di lutta Italia. Bologne, i55o.
6. Gualandi, loc. cit.