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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 1)

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Brès, Louis: Exposition universelle de 1889: l'art dans nos colonies et pays de protectorat, [5]
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https://doi.org/10.11588/diglit.25869#0119

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EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

L’ART DANS NOS COLONIES ET PAYS DE PROTECTORAT'

(fin)

VII

C’est par le Cambodge que nous terminerons notre
promenade artistique à travers l’Exposition de nos colo-
nies et pays de protectorat. Cette dernière station ne sera
pas assurément la moins intéressante et nous pourrions
y trouver, si nous en avions le loisir, les éléments d’un
bien curieux chapitre de l’histoire des origines de l’art. Le
Cambodge est certainement une des contrées les plus
mystérieusés de l’Asie. Son his-
toire est obscure ; on ne la con-
naît guère que par les monuments
récemment découverts sur son
sol. Cette région passe, à juste
titre, pour avoir été le foyer
d’où le bouddhisme s’est répandu
dans l’Asie centrale, sous l’ac-
tion envahissante de la race des
Khmers. Le Cambodge est en-
core aujourd’hui, pour les popu-
lations de l’Extrême-Orient, une
terre sainte objet de nombreux
pèlerinages. L’empire des
Khmers paraît avoir été très
étendu. Il embrassait vraisem-
blablement toute l’Indo-Chine
actuelle, et, à en juger par les
ruines récemment découvertes,
il dut atteindre à une merveil-
leuse splendeur. Ces ruines sont
d’ailleurs tout ce qui reste de
cette civilisation que l’on ne
soupçonnait même pas, il y a
quelques années.

Grâce au voyage d’explora-
tion de M. Delaporte et aux
documents si nombreux et si
intéressants que cet officier a
rapportés en France, il est per-
mis aujourd’hui de se faire une
idée de l’activité artistique, si
originale et si féconde, des popu-
lations khmers. Leurs produc-
tions constituent dans l’histoire
de l’art une période bien dis-
tincte et représentent l’évolution
de l’art hindou vers celui de
l’Extrême-Orient.

Les immenses pagodes du Cambodge, dont les ruines
ont été encore incomplètement explorées, défendues
qu’elles sont par la végétation inextricable des forêts qui
les entourent, nous révèlent en effet une civilisation pro-
digieuse. Un art personnel, d’une mystérieuse complica-
tion, d’une floraison exubérante, s’épanouit sur ces étages
de pierre. On trouve là une fois de plus la confirmation
de cette parole de Victor Hugo : « l’architecture a été la
grande écriture du genre humain »; et l’on devine que la

i. Voir l’Art, i5e année, tome II, pages 140 et 200, et 16“ année,
tome I", pages 60 et 85.

Pagode d’Angkor. Détail de la porte.
(Exposition Universelle de 1889.) — Dessin de L. Le Riverend.

religion et la poésie ont provoqué dans ces âges lointains
une explosion colossale qui suppose des milliers de bras,
des moyens mécaniques ingénieux et des procédés d’art
très avancés.

Remarque curieuse, ces constructions aux proportions
gigantesques sont couvertes d’une décoration d’un carac-
tère très original qui rappelle à première vue les disposi-
tions ornementales adoptées par nos artistes de la Renais-
sance. Ce caractère a frappé tous les voyageurs qui ont

exploré les ruines du Cambodge.
Assurément les ornements em-
ployés par les sculpteurs khmers
n’ont rien de commun, comme
forme et comme détails, avec
ceux que devaient mettre en
œuvre bien des siècles après
eux les artistes européens; mais
le parti pris décoratif est le
même, il tend à recouvrir toutes
les surfaces comme d’une bro-
derie, et il est bien évident que
les uns et les autres ont obéi à
un même sentiment artistique.

Les voyageurs qui ont visité
les ruines des pagodes d’Angkor-
Vat et d’Angkor-Thom ont été
émerveillés par la richesse de
cette ornementation, par cette
profusion de rinceaux, de feuil-
lages et de fleurs, d’oiseaux, de
dragons, de personnages aux
attitudes hiératiques recouvrant
d’immenses surfaces, par ces
étages de frontons découpant
dans les airs leurs riches dente-
lures, par toute cette végétation
de pierre au milieu de laquelle
s’épanouissent, comme des fleurs
divines, les ligures de danseuses
et de héros. Par leurs propor-
tions grandioses, par le caractère
de leur ornementation, les anti-
ques pagodes du Cambodge ont
une parenté visible avec les mo-
numents analogues de l’Inde ; et
il y a aussi dans la façon dont
l’artiste y interprète la figure hu-
maine un souvenir de l’Egypte .
mais ces monuments sont avant tout l’expression d’une
époque et d’une race ; ils constituent, en un mot, l’art
khmer.

On ne pouvait mieux faire à l’occasion de l’Exposition
Universelle que de mettre sous nos yeux une réduction
fragmentaire de l’une de ces ruines merveilleuses. C’est ce
qu’a réalisé, avec beaucoup de tact et de sincérité, M. Fabre,
architecte, en édifiant sur l’Esplanade des Invalides un
des pavillons de la pagode d’Angkor-Vat. Bien que mesu-
rant 28 mètres de largeur sur 26 de profondeur et attei-
nant une hauteur totale de 40 mètres environ, ce pavillon
 
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