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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 1)

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Vachon, Marius: Le mobilier à l'exposition universelle de 1889, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.25869#0091

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Grande table a rallonges, par Galle,

en noyer et prunier cire's, ébène et bois d’essences variées. Traverse au chardon lorrain et à devises. (Exposition Universelle de i88q.)

Dessin de Lucien Laurent-Gsell.

LE MOBILIER

A L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

I

Après avoir étudié la
section du Mobilier, j’ai
voulu, comme tant d’autres
de mes savants confrères,
tirer une sorte de conclu-
sion philosophique de cette
importante manifestation
industrielle. La première
pensée qui m’est venue à
l’esprit a été l’axiome qui
forme la base de toutes les
dissertations sur cette ma-
tière : « Le mobilier est
l’expression exacte de l’état
social d’un peuple. » Je l’ai
creusée aussi profondément
que possible, et après avoir
constaté, par un rapide ré-
sumé historique, qu’en effet,
de Louis-Philippe à Phi-
lippe-Auguste, le parallèle
entre les constitutions politiques et les formes mobilières
pouvait être absolu, j’ai songé un instant à déterminer
exactement le caractère de notre situation actuelle par le
même procédé. Si j’y réussissais, n’aurais-je pas rendu un
service signalé à nos hommes d’Etat, qui se montrent fort
embarrassés autant pour prédire l’avenir que pour analy-
ser le passé et voir un peu clair dans le tout ? De longues
méditations, qui n’avaient aucun rapport, hélas! avec celles
de Brillat-Savarin, dans sa Physiologie. du goût, m’ont
conduit péniblement à cette navrante constatation que
l’état du mobilier contemporain n’est point sensiblement
différent de celui de notre politique, ce qui prouve avec
évidence la valeur de l’axiome précité, dont l’auteur,
malheureusement pour sa gloire, est resté inconnu.
M. Freppel a affirmé dans une brochure d’actualité, — et
son opinion a été confirmée par d’autres philosophes
politiciens, — que nous étions moins avancés aujourd’hui
qu’à la veille de la Révolution de 178g. Or, que voyons-
nous à l’entrée de la section du Mobilier, un box entière-
ment rempli de merveilleuses copies des chefs-d’œuvre de
l’ébénisterie du xvme siècle, luxuriant Louis XV, et
Louis XVI gracieux et délicat? Une chambre à coucher,

premier Empire, élégante et gaie, semble prévoir la
venue d’un troisième Napoléon, avec une constitution
moins raide que celle de l’an VIII. La Chine entre dans
notre mobilier, comme dans nos affaires intérieures, en
quantité peu négligeable. Le naturalisme échevelé et le sen-
timentalisme politique ont inspiré des créations d’une ori-
ginalité plaisante. Un grand industriel a construit un
immense escalier, très luxueux, à double révolution, qui
ne conduit à rien et qui encombre tout; quelques esprits
malicieux veulent y voir une allusion à la révision de la
Constitution. Les nombreux voyages à Cythère, et autres
galanteries à la Watteau, symboliseraient le relâchement
des mœurs et l’invasion de la littérature légère. Enfin, la
province nous envoie de fort bons mobiliers, de même
qu’elle nous fournit d’hommes politiques, solides et graves.
Quelle conclusion tirer de toutes ces observations exactes ?.
Puis-je espérer en déduire le caractère général de la
production contemporaine? Je craindrais d’être trop
sévère en poursuivant imperturbablement ce parallèle, au
fond plus subtil et amusant que pratique et moral. Tout
bien considéré, il m’a paru plus sage de laisser à nos neveux
ou fils Ie'soin de découvrir quel a été le style de cette fin
de siècle, et de répondre aux doléances et aux inquiétudes
de ceux qui s’obstinent à cette recherche difficile, qu’il en
a toujours été ainsi de tous temps, et qu’ils ne sont pas
les premiers à se plaindre de n’y rien comprendre et, de
dépit, à faire du brillant pessimisme. N’est-ce pas seule-
ment aujourd’hui qu’on peut, avec quelque présomption
de vérité, définir le style de la première moitié du siècle?
Je n’ai donc d’autres ambitions que de fournir, pour ces
études rétrospectives, des documents précis, en prenant,
au fur et à mesure de leur cueillette à travers l’Exposition,
le plaisir des yeux et de l’esprit où il se trouve, sans trop
l’analyser pour ne pas en perdre la saveur. En vérité, l’art
est comme l’esprit de Dieu dont parlent les Ecritures
saintes, il souffle où il veut. Tantôt il fait germer d’écla-
tantes floraisons, tantôt il ne produit que du chardon ou
de l’ivraie. Quand la moisson est encore passable, nous
devons nous en réjouir et en remercier Apollon. C’est le
cas de l’Exposition du Centenaire de 1889.

II

Le caractère général de la production française dans le
Mobilier m’a paru être un éclectisme très vaste. Il semblait,

Etagère a papillons,
par Gallé.

(Exposition Universelle de 1889.)
Dessin de Lucien Laurent-Gsell.
 
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