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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 1)

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Leroi, Paul: Douzième exposition de la Société d'aquarellistes français
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https://doi.org/10.11588/diglit.25869#0121

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Dessin d’Eugène Lambert.




Douzième Exposition de la Société d’Aquarellistes français

En pénétrant dans la Galerie Georges Petit, la première
impression est un sentiment de vif regret en constatant
l’abstention de Mme Madeleine Lemaire et de Mme la
baronne Nathaniel de Rothschild, de MM. Béraud, Boil-
vin, Français et Lhermitte, de six artistes qui ont consi-
dérablement contribué au succès de l’attractif Salon annuel
de la rue de Sèze. Si l'on ne peut oublier ces absents, il
faut reconnaître que plus d’un vaillant s’est victorieuse-
ment attaché à distraire de ces infidélités' momentanées.
La palme appartient, d’une voix unanime, à MM. Zuber
et Détaillé.

L’écrasante supériorité du premier ne surprendra aucun
connaisseur ; depuis longtemps ses aquarelles sont d’un
maître impeccable, mais M. Zuber a trouvé le secret de se
surpasser encore; le savoir, le goût, la tenue, l’esprit, la
plus prodigieuse habileté d’exécution, voilà ce qu’on ne se
lasse d’admirer dans le Champ de Mars en 1888, la Place
Saint-Sulpice, le Trocadéro illuminé, etc.; c’est un cons-
tant triomphe.

Nul n’ignore la science de M. Détaillé, mais ses admi-
rateurs étaient forcés de reconnaître qu’elle gagnerait
singulièrement à s’unir à un peu de diable au corps.
Moins de précision, plus d’enveloppe, plus de feu, voilà
ce qu’on rêvait, sans espoir de voir se réaliser ce progrès,
car il eût tenu de la métamorphose. Aussi la surprise fut-
elle profonde à la vue des Cuirassiers et du Colonel des
cuirassiers de la Garde, qui révèlent la liberté de facture
la plus inattendue, sans parler de mérites de coloriste qui
sommeillaient en M. Détaillé. Bref, ce n’est ni plus ni
moins qu’une révolution. Ai-je besoin d’ajouter que per-
sonne ne souhaite plus ardemment que moi qu’elle soit
durable ?

Autre agréable surprise. Vous savez ce qu’exhibait
chaque année M. Boutet de Monvel ? De méchants petits
bonshommes qui frisaient de près l’image d’Epinal ou peu
s’en faut. Le voilà qui fait peau neuve et qui, s’il n’y met
pas grande vigueur, apporte une observation sincère et
prodigue le sentiment, un sentiment vrai, dans son illus-
tration de Xavière, roman de M. Ferdinand Fabre.

M. Gaston Béthune est très supérieur en 1890 au
Béthune alourdi de 1889. M. Edmond Yon a la même
bonne fortune ; c’est dire qu’on lui fait fête. Les Grandes
Manœuvres, de M. John-Lewis Brown, l’emportent de
beaucoup sur ses œuvres passées.

M. Besnard est exécrable; il a tant et tant compromis,
par des coups de pistolet ridicules, des dons précieux que
ses mérites primordiaux l’abandonnent pour le laisser
choir en plein cabotinage artistique. Ses cartons de vitraux
commandés pour l’Ecole de pharmacie, hélas ! ne sont que
de vulgaires pastiches des Japonais et de M. Habert-Dys,
qui, dans ses moindres créations, témoigne d’énormément
plus de sentiment décoratif que n’en a jamais possédé
M. Besnard. Le gouvernement n’a que ce qu’il mérite, lui
qui s’est avisé de décorer ce casse-cou voulu en même
temps qu’un sculpteur de génie, M. Rodin !

M. Escalier enlève le plus agréablement du monde
pour le plaisir des yeux ses Souvenirs vénitiens et ses
Eventails. M. F. Flameng est trop ambitieux ; l’aquarelle
gagne à se montrer plus modeste, à user de plus de sim-
plicité.

M. Friant est un observateur perspicace, un peintre de
qui l’on est en droit d’attendre beaucoup. La moindre
composition de M. Harpignies est toujours bien établie
et dessinée à souhait.

Il y a progrès chez MM. Jeanniot et Jourdain, et
M. Pujol revient — le ciel en soit loué ! — à ses premiers
succès, à ses motifs architecturaux.

Saluons avec respect M. Eugène Lami, né le 12 jan-
vier 1800, et qui signe et date de 1889 des aquarelles que
bien des artistes qui n’ont pas la moitié de son âge ne
peindraient ni avec cet esprit, ni avec ce goût, ni avec ce
brio de franc coloriste.

M. Morand a dépensé dans sa Place des Victoires toute
la vigueur dont il eût dû conserver une partie pour ses
Fleurs. M. de Penne reste fidèle à son domaine cynégé-
tique et s’en trouve bien.

Lorsqu’il s’agit de M. Eugène Lambert, on est forcé
de se répéter, et l’on y prend plaisir extrême. Impossible
d’être plus spirituel, de semer avec plus de prodigalité
l’humour que ne le fait le peintre attitré des chats. Voyez
Autour du pot et Fumée. Je n’ose vous signaler l’Éventail
tout bordé d’impayables têtes de chats et de chattes; ce
serait par trop vous induire en tentation, tentation qui
deviendrait irrésistiblement mauvaise conseillère, puisque
cette adorable fantaisie a déjà son heureuse propriétaire,
Mme Joubert.

Paul Leroi.





Le Gérant, E. MÉNARD.
 
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