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L’ART.
l’exécution en même temps que son esprit, révèlent un
artiste fort habile. Ce sont là sans doute des œuvres chi-
noises, sinon japonaises.
Nous en dirons autant des quatre pendentifs qui
décorent la façade de la salle d’exposition et qui sont vrai-
semblablement des moulages de sculptures sur bois. On
ne saurait mieux les comparer pour la disposition générale
qu’à certaines broderies du xve siècle, qu’à certains orfrois
de chape où des médaillons à personnages sont reliés par
des rinceaux. C’est d’ailleurs au milieu d’une flore toute
fantaisiste, ce même sentiment naïf et fin dans la physio-
nomie des personnages, que nos artistes
du xve siècle apportaient dans l’inter-
prétation de la légende chrétienne.
La crête en faïence polychrome qui
surmonte la toiture du pavillon sur
toute sa longueur est une œuvre tout à
fait locale. Elle provient de la manu-
facture de Cholon près Saïgon et a été
exécutée spécialement en vue de l’Ex-
position Universelle. Elle témoigne au
reste de l’influence persistante de l’art
chinois sur les productions de la Co-
chinchine. C’est, sur une très vaste
échelle, un de ces tableaux en relief de
la vie chinoise assez répandus dans le
Céleste Empire. Celui-ci nous montre
la rue principale d’une ville indo-chi-
noise, avec ses pagodes, ses maisons,
ses boutiques aux enseignes dorées, ses
balcons à tous les étages où apparais-
sent de nombreuses figures, enfin le
curieux va-et-vient des passants. On se
croise, on se salue, on cause, on achète.
C’est plein d’animation et très vivant ; c’est en même temps
assez harmonieux comme coloration. Au-dessus de cette
frise, deux énormes serpents s’avançant l’un vers l’autre,
la gueule ouverte, profilent leur silhouette sur le ciel,
tandis qu’à chaque extrémité de la crête, deux grues fan-
tastiques déploient leurs queues ornées de longues plumes
ocellées. C’est là, en somme, une décoration des plus ori-
ginales et des mieux réussies.
On pénètre dans la salle principale par trois portes en
bois aux panneaux ajourés que le sculpteur annamite a
décorées d’ornements en plein relief. A l’intérieur, c’est
encore une profusion de détails finement sculptés dans les
bois de la charpente. Tout cela est d’un accent très ori-
Détail de la crête du Palais
DE CoCHINCHINE.
(Exposition Universelle de 1889.)
Dessin de L. Le Riverend.
ginal, franchement exotique ; et n’étaient les grands
vitraux de couleur qui ferment les baies et que les exi-
gences de notre climat ont rendus nécessaires, on se croi-
rait transporté en Cochinchine.
L’Exposition cochinchinoise comprend nombre d’ob-
jets usuels ayant pour la plupart ce caractère que l’Extrême-
Orient imprime à ses productions, mais avec un mélange
très caractéristique des traditions et des goûts des diverses
races de la région indo-chinoise. C’est là une conséquence
de la situation géographique de la Cochinchine, placée au
point de jonction de courants venus de l’Inde, du Siam,
du Cambodge, de la Chine et du
Japon.
C’est ainsi qu’une intéressante exhi-
bition d’ouvrages en rotin (fauteuils,
valises, jardinières, etc.), provenant de
la prison centrale de Saïgon, d’un tra-
vail très artistique, révèle l’influence de
l’Inde. D’autre part, des lits en bois
sculpté ou laqué, des cassettes à bijoux,
des étoffes richement tissées, des vête-
ments de mandarins semés de broderies
en relief procèdent directement de l’in-
dustrie tonkinoise, que nous retrouve-
rons florissante et personnelle dans le
pavillon qui lui est spécialement affecté.
Mais c’est l’influence de la Chine qui
est surtout visible dans le plus grand
nombre des productions réunies dans
le pavillon cochinchinois. Elle est des
plus remarquables dans les spécimens
de l’industrie céramique (potiches de
toute taille, vases de fleurs, services à
thé, assiettes, etc,), d’un travail moins
fin que les produits similaires du Céleste Empire, mais
d’un bon sentiment décoratif. C’est là, à coup sûr, un des
côtés les plus intéressants de l’Exposition cochinchinoise.
Les productions des ateliers de Saïgon, trop peu connues
jusqu’ici, ne peuvent manquer de trouver leur emploi
dans la décoration de certaines parties de nos habitations
européennes, notamment les grands vases et autres pièces
de grande dimension en grès vert et bleu, dont l’emploi
est tout indiqué dans nos vestibules, sur nos terrasses et
dans nos jardins.
Louis Brès.
(La fin prochainement.)
L’ART.
l’exécution en même temps que son esprit, révèlent un
artiste fort habile. Ce sont là sans doute des œuvres chi-
noises, sinon japonaises.
Nous en dirons autant des quatre pendentifs qui
décorent la façade de la salle d’exposition et qui sont vrai-
semblablement des moulages de sculptures sur bois. On
ne saurait mieux les comparer pour la disposition générale
qu’à certaines broderies du xve siècle, qu’à certains orfrois
de chape où des médaillons à personnages sont reliés par
des rinceaux. C’est d’ailleurs au milieu d’une flore toute
fantaisiste, ce même sentiment naïf et fin dans la physio-
nomie des personnages, que nos artistes
du xve siècle apportaient dans l’inter-
prétation de la légende chrétienne.
La crête en faïence polychrome qui
surmonte la toiture du pavillon sur
toute sa longueur est une œuvre tout à
fait locale. Elle provient de la manu-
facture de Cholon près Saïgon et a été
exécutée spécialement en vue de l’Ex-
position Universelle. Elle témoigne au
reste de l’influence persistante de l’art
chinois sur les productions de la Co-
chinchine. C’est, sur une très vaste
échelle, un de ces tableaux en relief de
la vie chinoise assez répandus dans le
Céleste Empire. Celui-ci nous montre
la rue principale d’une ville indo-chi-
noise, avec ses pagodes, ses maisons,
ses boutiques aux enseignes dorées, ses
balcons à tous les étages où apparais-
sent de nombreuses figures, enfin le
curieux va-et-vient des passants. On se
croise, on se salue, on cause, on achète.
C’est plein d’animation et très vivant ; c’est en même temps
assez harmonieux comme coloration. Au-dessus de cette
frise, deux énormes serpents s’avançant l’un vers l’autre,
la gueule ouverte, profilent leur silhouette sur le ciel,
tandis qu’à chaque extrémité de la crête, deux grues fan-
tastiques déploient leurs queues ornées de longues plumes
ocellées. C’est là, en somme, une décoration des plus ori-
ginales et des mieux réussies.
On pénètre dans la salle principale par trois portes en
bois aux panneaux ajourés que le sculpteur annamite a
décorées d’ornements en plein relief. A l’intérieur, c’est
encore une profusion de détails finement sculptés dans les
bois de la charpente. Tout cela est d’un accent très ori-
Détail de la crête du Palais
DE CoCHINCHINE.
(Exposition Universelle de 1889.)
Dessin de L. Le Riverend.
ginal, franchement exotique ; et n’étaient les grands
vitraux de couleur qui ferment les baies et que les exi-
gences de notre climat ont rendus nécessaires, on se croi-
rait transporté en Cochinchine.
L’Exposition cochinchinoise comprend nombre d’ob-
jets usuels ayant pour la plupart ce caractère que l’Extrême-
Orient imprime à ses productions, mais avec un mélange
très caractéristique des traditions et des goûts des diverses
races de la région indo-chinoise. C’est là une conséquence
de la situation géographique de la Cochinchine, placée au
point de jonction de courants venus de l’Inde, du Siam,
du Cambodge, de la Chine et du
Japon.
C’est ainsi qu’une intéressante exhi-
bition d’ouvrages en rotin (fauteuils,
valises, jardinières, etc.), provenant de
la prison centrale de Saïgon, d’un tra-
vail très artistique, révèle l’influence de
l’Inde. D’autre part, des lits en bois
sculpté ou laqué, des cassettes à bijoux,
des étoffes richement tissées, des vête-
ments de mandarins semés de broderies
en relief procèdent directement de l’in-
dustrie tonkinoise, que nous retrouve-
rons florissante et personnelle dans le
pavillon qui lui est spécialement affecté.
Mais c’est l’influence de la Chine qui
est surtout visible dans le plus grand
nombre des productions réunies dans
le pavillon cochinchinois. Elle est des
plus remarquables dans les spécimens
de l’industrie céramique (potiches de
toute taille, vases de fleurs, services à
thé, assiettes, etc,), d’un travail moins
fin que les produits similaires du Céleste Empire, mais
d’un bon sentiment décoratif. C’est là, à coup sûr, un des
côtés les plus intéressants de l’Exposition cochinchinoise.
Les productions des ateliers de Saïgon, trop peu connues
jusqu’ici, ne peuvent manquer de trouver leur emploi
dans la décoration de certaines parties de nos habitations
européennes, notamment les grands vases et autres pièces
de grande dimension en grès vert et bleu, dont l’emploi
est tout indiqué dans nos vestibules, sur nos terrasses et
dans nos jardins.
Louis Brès.
(La fin prochainement.)