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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 1)

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Diehl, Charles: Les mosaïques byzantines de la Sicile, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.25869#0082

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70

L'ART.

de cette rare et curieuse civilisation ; mais, pour en sentir tout le prix, il ne suffit pas de se
laisser séduire à leur charme ou éblouir à leurs splendeurs; il faut, pour les bien comprendre,
chercher dans quel milieu ces merveilles sont écloses et de quelles circonstances elles sont nées.
L’histoire de la civilisation doit précéder ici l'histoire de l'art ; les recherches de l'historien
expliquent et précisent les ouvrages de l'artiste.

LA CIVILISATION SICÜLO-NORMANDE AU XII SIECLE

On connaît la merveilleuse fortune de ces aventuriers normands qui, venus au milieu du

xie siècle mettre leur bravoure au service des princes de l'Italie méri-
dionale, finirent par se tailler, à la pointe de 1 épée, des duchés et des
royaumes dans la péninsule ; le dernier venu d'entre eux, Roger, le plus
jeune des fils de Tancrède de Hauteville, ne devait pas être le moins
heureux. Après vingt ans de luttes, dont l’histoire a parfois le merveil-
leux de l’épopée, ce rude batailleur sut arracher la Sicile aux Arabes
qui, depuis le ixe siècle, y dominaient en maîtres; et, chose plus
remarquable, il sut organiser sa conquête. Les événements avaient réuni
sur cette terre de Sicile les éléments les plus hétérogènes et les races
les plus diverses. Les Byzantins, qui, pendant trois siècles et plus,
avaient possédé l’île sans interruption, avaient, là comme partout, laissé
la trace durable de leur influence; la population indigène, hellénisée au
contact de ses maîtres, était devenue grecque de langue, de religion et
de cœur ; et, malgré la ruine de la domination byzantine, elle conser-
vait le souvenir et le regret du régime tombé. Les Arabes, à leur tour,
qui avaient remplacé les Grecs, avaient, pendant deux siècles d’un gou-
vernement prospère et glorieux, introduit en Sicile l’élément musulman ;
et ces hommes de toute race, de toute langue, de toute religion, chré-
tiens grecs, musulmans, israélites, semblaient devoir être également
hostiles à leurs nouveaux maîtres. Des princes normands, fervents
catholiques, l'Islam avait tout à craindre; de ces chrétiens latins, vas-
saux fidèles et champions dévoués de la papauté, l’Eglise grecque avait
peu à espérer. Pour calmer tant de défiances légitimes, pour
- faire vivre en paix et attacher également à leur domination des
: éléments qui semblaient incompatibles, pour tenir entre tous

une balance équitable et inspirer à tous le même dévouement,
il fallut aux princes normands une habileté merveilleuse et un
génie politique qui force l'admiration. Entre les catholiques,
les grecs et les musulmans ils surent ne mettre aucune diffé-
rence ; comme leurs frères, les Normands de Syrie, ils surent
s’accommoder aux habitudes et aux mœurs de leurs nouveaux sujets, traitant chacun avec
ménagement, partageant d’une manière égale entre tous leurs libéralités et leurs faveurs, emprun-
tant à tous, avec un rare éclectisme, les éléments prodigieusement divers qui forment leur
civilisation ; ils surent, tout en restant Normands, se faire Byzantins et Arabes, et donner, en
plein xie siècle, un bel exemple de tolérance politique et d’impartialité religieuse. Le grand comte
Roger (1060-1101), le conquérant de la Sicile, appliqua le premier cet habile système de conduite;
après lui, quand d'heureuses circonstances eurent réuni sous la main de son fils toute l’Italie
méridionale et porté dans sa maison le titre de roi, ses trois successeurs, Roger II (1101-1154),
Guillaume Ier (1154-1166) et Guillaume II (1166-1189) continuèrent, dans leurs vastes États, les
traditions du fondateur de la race ; ils surent grouper et fondre dans une même nationalité toutes

C A M P A N I L E

de l’e'glise de la Martorana, à Païenne
(xii° siècle.)

Dessin de MUo V. M. Herwegen.
 
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