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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 1)

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Vachon, Marius: Le mobilier à l'exposition universelle de 1889, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.25869#0093

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LE MOBILIER A L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889

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difficultés insurmontables d’attributions et de chronologie,
avec son bureau Louis XV en bois de satiné, son encadre-
ment de glace et de cheminée, en style Louis XVI, tant le
dessinateur a su s’approprier l’esprit des vieux maîtres et
ses artistes le traduire en bronze. Ce problème existe déjà,
d’ailleurs. Les Expositions rétrospectives, même officielles,
ont présenté maintes fois, aux connaisseurs les plus madrés,
de prétendus originaux anciens, qui n’étaient que des
pièces contemporaines. Mais, si respectueux que l’on soit
de la liberté individuelle et admirateur sincère d’une
habileté prestigieuse, il peut bien être permis de regretter
que tant de science et d’art ne s’exercent point au profit
d’idées et de formes nouvelles où le passé n’ait pas à
revendiquer la meilleure part. Ainsi, il m’a semblé qu’on
prenait plus grand plaisir, dans le public des artistes et des
amateurs, au coft're à bijoux de M. Zwiener, où l’artiste,
tout en employant le style Louis XV flamboyant, s’est
affranchi des traditions étroites et a donné à sa composition
une originalité personnelle. Les rinceaux de bronze doré,
aux puissantes nervures, qui entourent le meuble, en mar-
queterie de bois de
rose, ne sont point
ici une simple fan-
taisie de l’ornema-
niste, désireux de
parapher son idée
comme un calligra-
phie le fait de sa si-
gnature ; ils forment
une armature vigou-
reuse au coffre, des-
tiné à contenir des
objets précieux. Le
meuble porte sur des
pieds qui, tout en
étant solides, lais-
sent, en outre, à l’es-
prit la sensation
agréable qu’il n’est
enfermé là dedans
que des choses déli-
cates et légères, des
diamants, des col-
liers de perles, des
éventails et, sans
doute, quelques messages amoureux. L’entrejambes sou-
tient une aiguière et des thyrses entremêlés, qui ne sont
point des symboles sévères. Toute la décoration est aussi
charmante que pittoresque. Au sommet, une figure de
femme assise, qui tient, d’une main, le sceptre de l’élé-
gance, et qui choisit nonchalamment de l’autre dans une
corbeille de bijoux, forme un gracieux motif de fronton.
Sur les deux angles de face du corps inférieur, des génies,
en ronde bosse, personnifient le bijou et le joyau. La porte
du meuble est ornée d’un tableau sur vernis Martin, repré-
sentant des nymphes au bain. M. Zwiener a exposé une
bibliothèque à trois vantaux, dans le même goût. Le style
Louis XV y est employé, mais avec tant de discrétion dans
l’ornementation et d’une façon si délicate que l’œuvre
paraît nettement une création moderne. Ces deux grains
de mil d’originalité font bien mieux notre affaire que la
copie superbe du bureau Louis XV, du Louvre. Si par-
faites que. soient les imitations de bronzes de Duplessis
et d’Hervieux, je préfère ceux de M. Messager, du coffre
à bijoux de M. Zwiener. C’est un peu l’histoire de la
jument de Roland. M. Millet nous montre une vitrine,
conçue dans le même esprit, mais avec moins de liberté,
et dont le travail est également précieux.

Quand ces tentatives intéressantes, mais encore timides,
aboutiront-elles à une émancipation hardie de l’art tradi-
tionnel de cette période si ressassée ? Quelle joie éclatera le
jour où un maître utilisera les habiles bronziers de notre
temps, nos ciseleurs, au talent si souple et si fin, à traduire
une conception vraiment nouvelle, dans laqùelle la flore
naturelle s’épanouira dans toute sa splendeur de formes,
et qui ne fera songer à Meissonnier, Boffrand, Picard,
Oppenord et Gillot, etc., que pour constater l’absence
absolue de leur influence. Si j’en juge par le bruit qui se
fait aujourd’hui autour de quelques essais d’innovation
plus ou moins heureux, dans le domaine de la fantaisie
moderne, ce sera une clameur immense d’enthousiasme
qui accueillera cet événement artistique.

III

Le regretté Constant Sevin a demandé à la Renais-
sance italienne l’inspiration générale de son cabinet en
ébène, orné de bronzes, exposé par la maison Barbedienne ;
mais la composition de ce chef-d’œuvre est bien person-
nelle. Son esprit in-
ventif et délicat se
manifeste dans cha-
que partie, caressée
avec passion par un
artiste profondément
amoureux des formes
pures et du travail
précieux. Les pilas-
tres, les colonnettes,
les bandeaux, les cor-
niches, les frontons,
de bronze doré, sont
autant de véritables
pièces d’orfèvrerie,
ciselées avec une
finesse inouïe. Des
émaux de Limoges,
au nombre de six,
placés sur les van-
taux des portes,
éclairent de tonalités
lumineuses le fond
sévère de l’ébène et
animent par de gra-
cieuses figures féminines la composition générale, d’une
sobriété un peu trop antique pour nos imaginations com-
pliquées. C’est bien là, dans son harmonie parfaite, dans
sa simplicité majestueuse, l’œuvre d’un vrai poète, comme
l’était ce grand artisan. Il faut y voir également une preuve
superbe qu’il n’est point indispensable, pour produire avec
originalité, de dédaigner brutalement tous les styles et de
chevaucher de pures chimères.

Les producteurs des nombreux meubles Louis XV,
avec panneaux de peinture en vernis Martin, ne se sont
point inspirés de ce sage et pratique conseil. Ils ont géné-
ralement fait besogne fastidieuse et puérile, contrevenant
à la fois aux lois du bon goût et à celles du bon sens.
Quand un ébéniste place un fac-similé du Voyage à
Cythère, sur le panneau de pied d’un lit, qu’il décore le
panneau de chevet et ceux de côté de sujets analogues ; ce
lit n’est plus un lit, mais un cabinet de tableaux, et j’ai
beau me mettre l’esprit à la torture pour découvrir ce qui
a pu motiver un tel luxe de décoration en peintures de che-
valet, je n’y parviens pas. A la rigueur, on comprendrait
sur le panneau intérieur de pied la composition en ques-
tion, de nature à procurer des idées suggestives ou à dis-
traire galamment après le sommeil ; on admettrait encore
 
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