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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 1)

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Vachon, Marius: Le mobilier à l'exposition universelle de 1889, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.25869#0094

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L’ART.

cette fantaisie, si la causerie de ruelle ou le petit lever
était encore de mode; mais, aujourd’hui, la chambre à
coucher a des mœurs plus intimes et plus discrètes. Et ce
n’est point un accident que ce type de décoration ; l’Expo-
sition en montrait de nombreuses répétitions variées qui
témoignent incontestablement d’une préférence spéciale
du public pour ce rococo déliquescent. Comme de raison,
la chambre tout entière est de même goût ; l’armoire à
glace présente des surprises d’adaptation qu’il serait trop
cruel d’analyser. Si, la première sensation d’étonnement
passée, on étudie le travail technique, la perfection en
apparaît avec évidence. Ces peintures, qui coûtent assez
cher, il est vrai, sont fort bien exécutées; les vernis ont
des qualités de coloris qui rappellent les beaux laques du
Japon et de la Chine ; les bois encadrant les tableaux sont
sculptés avec une rare habileté.

Il y a là, sous tous les rap-
ports, une dépense énorme, —
et inutile souvent, — de talent
et de belle matière. Mais d’où
peut bien provenir la mode de
ce mobilier à tableaux? C’est
ici que la méthode de parallé-
lisme entre l’art et la politique
est impuissante, car, du diable
si notre aristocratie et notre
bourgeoisie sont Louis XV ;
elles atteignent tout au plus à
un Directoire de contrefaçon.

Quoi qu’il en soit du bien ou
mal fondé du succès avec lequel
ce style paraît être accueilli, il
est à souhaiter qu’il ne soit pas
celui de la fin du siècle ; ce
siècle doit mieux finir.

Ne vaudrait-il pas mieux
que la mode, qui a parfois de
l’esprit, suivit plutôt la tenta-
tive de M. Jeanselme, ambi-
tionnant de restaurer le style
Empire ? J’espère qu’on ne
m’accusera pas cependant de
pousser à un nouveau Deux-
Décembre. L’exemple est sé-
duisant, au point de vue artis-
tique, car le successeur du
célèbre ébéniste Jacob, qui
travailla si souvent pour Na-
poléon Ier, a très habilement
renoué les traditions créées
par le fondateur de sa maison.

Le style général du mobilier qu’il a exposé est du Percier
pur, mais l’adaptation faite par l’ébéniste contemporain en
a modifié assez sensiblement le caractère, pour qu’on
puisse, sans anachronisme, le cataloguer comme une
œuvre originale et contemporaine; après la suppression
toutefois des deux enseignes romaines qui supportent la
retombée des rideaux du baldaquin et qui sont une copie
trop servile du romanisme de ce temps. Il n’y a plus rien
de la raideur et de la sécheresse des formes recherchées
par les dessinateurs de cette période; des allégories et
du symbolisme qu’ils affectionnaient. Le meuble offre des
lignes exquises et une décoration d’une physionomie sou-
riante. Sur le panneau de pied, l’arc en acajou massif,
entouré d’un ruban d’or, apporte la fantaisie d’une galante
réminiscence du xvme siècle; le bouclier antique, cher à
Percier, est égayé par des imbrications en bois de couleur
et la traditionnelle grecque de métal a fait place à une

guirlande de roses au naturel, sur fond de citronnier en
damier. Le panneau de tête, d’une grande simplicité de
dessin, porte un fond de même marqueterie polychrome,
décoré de festons délicats; il est surmonté d’une corniche
d’acajou massif, ouvragé d’une façon précieuse, avec des
panneaux de guirlandes de fleurs, ornés aux angles de
deux flammes d’un symbolisme discret et d’un médaillon
de buis en bas-relief, reposant sur des rinceaux. Les dra-
peries du lit et du baldaquin sont de couleur vert tendre,
avec palmettes et pois en or mat. L’armoire, le bureau et
les sièges présentent une physionomie semblable à celle
du lit, avec des modifications de détail qui donnent une
variété fort agréable à l’ensemble du meuble; ainsi les
pilastres de l’armoire à glace ont des chapiteaux ioniques
avec têtes de femmes sculptées en plein acajou, d’un très

beau caractère décoratif.

L’exposition de M. Jean-
selme est un second exemple
à ajouter à celui du cabinet
Renaissance de Constant Se-
vin, pour montrer qu'on peut,
avec un style ancien, faire une
œuvre nouvelle, d’une grande
originalité, offrant dans sa dé-
coration la plus grande variété
de motifs et de détails, sans
rien copier servilement du
passé. Un artiste vraiment in-
ventif s’affranchit toujours de
l’obsession impérieuse d’imi-
tation pure.

MM. Fourdinois et Schmitt
ont procédé, de la même ma-
nière, dans la composition de
leur beau lit Louis XVI, et ils
nous ont donné là un meuble
d’un caractère très personnel,
qu’il ne viendra à aucune ima-
gination intelligente d’attri-
buer à un ébéniste de la fin du
xvuie siècle. Le style de cette
période leur a paru le plus
commode pour adapter une
forme générale à leur concep-
tion. Ce point important arrêté,
ils ont laissé libre carrière à
leur esprit fécond, pour trouver
une décoration nouvelle. Sur
le panneau de pied, en citron-
nier, encadré d’une corniche
et de colonnettes, d’acajou
brut, d’un travail sévère, ils ont ingénieusement disposé
des ornements de buis et de houx, travaillés de leur façon,
en marqueterie à relief, du goût le plus délicat; ils ont
enchâssé là des peintures savoureuses de M. Ranvier,
aimables allégories du Sommeil, de l’Aurore et du Cré-
puscule. Sur le fronton du panneau de tête, sont des
guirlandes et une couronne en buis sculpté, de la ciselure
la plus fine. Au-dessus de tout cela, ils ont drapé, en
baldaquin somptueux, des étoffes de soie bleu et rose,
ornées de broderies à la main d’un excellent dessin. Et ce
lit est, ainsi, devenu une pièce superbe, qui fait grand hon-
neur à l’ébénisterie française contemporaine. M. Lemoine,
s’inspirant de ces idées, mais les simplifiant encore, a ima-
giné un lit de même style, précieux surtout par la qualité
du bois. Le citronnier, à l’épiderme si finement moiré, a
été employé pour les fonds de panneaux et un bois, de
nuance plus foncée, pour les moulures et les encadrements,

Cabinet Renaissance en noyer,
composé par P. Sëdille et exécuté par A. Blanqui.
(Exposilion Universelle de 1889.) — Dessin de Lucien Laurent-Gsell.
 
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