LES MOSAÏQUES BYZANTINES DE LA SICILE.
115
ces colonnettes est à elle seule une merveille. Nulle ne ressemble à sa voisine; ici, de fines
arabesques ciselées courent sur la surface du marbre ; là, des incrustations en mosaïques multi-
colores animent de leurs dessins variés sans cesse la monotone blancheur des colonnes ; les unes
sont lisses, d’autres s’enroulent en spirales profondes ou s’amin-
cissent en fines cannelures. Sur les chapiteaux, s’épanouit une
floraison étonnante, où l’imagination des artistes a résumé toute la
religion, toute la poésie, tout le caprice de l’époque. La Bible tout
entière se déroule sur ces pages de marbre, depuis l’expulsion du
Paradis jusqu'aux scènes de la vie du Christ ; c’est Adam bêchant
et Ève filant, et Abel tué par Caïn ; c’est l’histoire de Joseph et
celle de Samson ; c’est la Fuite en Égypte et la Visite des Mages,
l’une des plus charmantes parmi ces représentations. Puis ce sont
les saints et les apôtres, ce sont des figures symboliques et des
statuettes grotesques ; et, au milieu de l’épanouissement des hautes
feuilles d’acanthe, des guerriers, des chasseurs, des monstres de
tout genre, des animaux et des oiseaux de toute espèce. Enfin, à
l’un de ces chapiteaux,
le roi Guillaume offre à
la Vierge et au Christ
l’église et l'abbaye qu’il
a fondées ; au-dessus de
la scène, une inscription
latine est gravée : « O roi
qui gouvernes toutes
choses, reçois les dons du
roi de Sicile. »
Rex qui cuncta regis,
Siculi data suscipe Regis.
On ne saurait assez
louer l’élégance exquise
et le charme infini du
cloître de Mon reale.
Rome même, à Saint-Paul hors les murs et à Saint-
Jean de Latran, n’offre rien de comparable. Sous ces
vastes galeries tranquilles, où murmure doucement dans
sa vasque de marbre la délicieuse fontaine qui, dans
l’un des angles du cloître, évoque, au milieu de sa
cour à arcades, comme un souvenir de l'Alhambra ;
dans ce grand jardin monastique aux senteurs péné-
trantes, dont nul bruit du dehors ne vient troubler le
silence éternel ; sous ce ciel transparent et limpide, qui
met aux choses mêmes comme un rayon de gaieté, la
vie devait être douce et bonne; et plus d’un s'oublie
à rêver longuement, sous les arceaux de Monreale, au
souvenir de ces moines illustres qui, loin des ambitions
et des tracas du monde, ont su, dans la solitude du
Colonne et chapiteau
du cloître de Monreale. (su* siècle.)
Dessin de M"* V. M. Henvegen.
Fenêtre
de la façade occidentale du dôme de Palerme. (xive siècle.)
Dessin de M“* V. M. Henvegen.
cloître, trouver le repos de l’esprit et la paix du cœur.
V
CONCLUSION
Vers le temps où Guillaume II achevait la construction du dôme de Monreale, l’ancien
115
ces colonnettes est à elle seule une merveille. Nulle ne ressemble à sa voisine; ici, de fines
arabesques ciselées courent sur la surface du marbre ; là, des incrustations en mosaïques multi-
colores animent de leurs dessins variés sans cesse la monotone blancheur des colonnes ; les unes
sont lisses, d’autres s’enroulent en spirales profondes ou s’amin-
cissent en fines cannelures. Sur les chapiteaux, s’épanouit une
floraison étonnante, où l’imagination des artistes a résumé toute la
religion, toute la poésie, tout le caprice de l’époque. La Bible tout
entière se déroule sur ces pages de marbre, depuis l’expulsion du
Paradis jusqu'aux scènes de la vie du Christ ; c’est Adam bêchant
et Ève filant, et Abel tué par Caïn ; c’est l’histoire de Joseph et
celle de Samson ; c’est la Fuite en Égypte et la Visite des Mages,
l’une des plus charmantes parmi ces représentations. Puis ce sont
les saints et les apôtres, ce sont des figures symboliques et des
statuettes grotesques ; et, au milieu de l’épanouissement des hautes
feuilles d’acanthe, des guerriers, des chasseurs, des monstres de
tout genre, des animaux et des oiseaux de toute espèce. Enfin, à
l’un de ces chapiteaux,
le roi Guillaume offre à
la Vierge et au Christ
l’église et l'abbaye qu’il
a fondées ; au-dessus de
la scène, une inscription
latine est gravée : « O roi
qui gouvernes toutes
choses, reçois les dons du
roi de Sicile. »
Rex qui cuncta regis,
Siculi data suscipe Regis.
On ne saurait assez
louer l’élégance exquise
et le charme infini du
cloître de Mon reale.
Rome même, à Saint-Paul hors les murs et à Saint-
Jean de Latran, n’offre rien de comparable. Sous ces
vastes galeries tranquilles, où murmure doucement dans
sa vasque de marbre la délicieuse fontaine qui, dans
l’un des angles du cloître, évoque, au milieu de sa
cour à arcades, comme un souvenir de l'Alhambra ;
dans ce grand jardin monastique aux senteurs péné-
trantes, dont nul bruit du dehors ne vient troubler le
silence éternel ; sous ce ciel transparent et limpide, qui
met aux choses mêmes comme un rayon de gaieté, la
vie devait être douce et bonne; et plus d’un s'oublie
à rêver longuement, sous les arceaux de Monreale, au
souvenir de ces moines illustres qui, loin des ambitions
et des tracas du monde, ont su, dans la solitude du
Colonne et chapiteau
du cloître de Monreale. (su* siècle.)
Dessin de M"* V. M. Henvegen.
Fenêtre
de la façade occidentale du dôme de Palerme. (xive siècle.)
Dessin de M“* V. M. Henvegen.
cloître, trouver le repos de l’esprit et la paix du cœur.
V
CONCLUSION
Vers le temps où Guillaume II achevait la construction du dôme de Monreale, l’ancien